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«Devenez prof en 30 minutes» : le «job dating» de l’Education nationale suscite un tollé

Un reportage de France 2 consacré au recrutement express de contractuels par l'académie de Versailles a créé la polémique, certains y voyant un signe supplémentaire de la crise de l'Education nationale qui peine à embaucher des personnels qualifiés.

L’un des sujets du journal de 13h de France 2 diffusé le 30 mai a créé un tollé : intitulé «Job dating – 30 minutes pour devenir professeur», il a décrit les journées de recrutement organisées par l’académie de Versailles dans divers départements d’Ile-de-France du 30 mai au 3 juin, en partenariat avec Pôle Emploi et l’association pour l’emploi des cadres (Apec).  

On y voit plusieurs postulants, dont certains en quête de reconversion professionnelle, participer à cette première journée de l’opération «job dating» dans le département des Yvelines, pour laquelle un diplôme de niveau Bac+3 est demandé. Un entretien avec l’un des jurys désignés pour chaque niveau permet d’effectuer une sélection, selon l’académie de Versailles, dont une représentante justifie la rapidité du processus par les nombreuses offres d’emploi disponibles : 2 000 postes sont ouverts pour la prochaine rentrée, dont 700 professeurs des écoles, 600 enseignants du second degré, 600 accompagnants d’élève en situation de handicap (AESH) et une plus faible proportion d’infirmières, médecins et psychologues scolaires.

Selon l’académie, «des centaines de personnes ont participé», la rectrice Charline Avenel saluant sur Twitter un «succès» qui traduit selon elle «l’intérêt et l’engouement pour les métiers de l’éducation», n’oubliant pas de mettre en avant «un recrutement qualitatif, humain, accueillant», censé être complété par un «accompagnement» des nouveaux embauchés.

Une insulte pour tous les enseignants

L’opération a suscité un vif émoi, à commencer par les professeurs ou aspirants professeurs qui suivent le cursus classique en vue d’accéder à un poste de titulaire, pour lequel un Bac+5 est exigé. Les syndicats de l’Education nationale sont rapidement montés au créneau pour dénoncer une précarisation du métier d’enseignant et le risque d’une baisse du niveau.

Pour le Snes-FSU, l’académie de Versailles «contribue à précariser toujours plus nos métiers et à brader le service public», alors qu’il faudrait, selon le syndicat, de véritables revalorisations salariales en lieu et place de «ce pitoyable écran de fumée».

Le co-secrétaire fédéral de Sud-Education, Jules Siran, a lui dénoncé «une situation inacceptable, une insulte pour tous les enseignants», résultant d’après lui de la destruction du service public d’éducation par les gouvernements successifs». L’organisation réclame «un plan d’urgence» pour l’éducation, afin de redonner de l’attractivité au métier d’enseignant.

Porte-parole du principal syndicat du primaire, le Snuipp-FSU, Guislaine David a ironisé sur ces recrutements express : «Moi ça me dirait bien de devenir pédiatre en 30 minutes, quand mes enfants avaient de la fièvre je leur donnais un doliprane et ils guérissaient !», a-t-elle moqué, soulignant qu’il fallait acquérir des compétences spécifiques pour exercer le métier de professeur.

Un argumentaire assez proche de celui du député Insoumis François Ruffin :«Vous feriez confiance, vous, à un type recruté en “job dating” pour remplacer un chirurgien et vous faire une opération du rein ? Non ? Eh bien, pourtant, on va le faire pour nos enfants, avec des “fast profs” recrutés en 30 minutes», a-t-il dénoncé, affirmant que « [Emmanuel] Macron casse l’école».

Cette polémique survient sur fond d’une tendance à la désaffection pour les métiers de l’Education nationale : mi-mai, la baisse du nombre d’admissibles aux différents concours avait conduit les syndicats à alerter quant à une possible pénurie de professeurs à la rentrée de septembre, particulièrement en mathématiques, matière appelée à être réintégrée dans le tronc commun de l’enseignement.

Comme le précisait alors Le Monde, «le nombre d’inscrits aux concours de l’enseignement du second degré a fondu de plus de 30 % en quinze ans». Parallèlement, entre 2015 et 2021, «la proportion de contractuels au sein de l’Education nationale est passée en France de 14,5 % à 22 %», a souligné Libération, pour qui «ces entretiens d’embauche express révèlent surtout la pénurie massive de profs à laquelle l’éducation nationale fait face et l’urgence de trouver d’autres profils». L’académie de Versailles n’a pour l’instant pas réagi à la polémique, annonçant simplement la prochaine journée de recrutement, prévue le 2 juin dans l’Essonne.




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