France

Emmanuel Macron, à Marseille pour trois jours, lance l’acte II du plan «Marseille en grand»

Alors qu’Emmanuel Macron se rend dans la cité phocéenne pour trois jours, quel bilan d’étape tirer de son plan «Marseille en grand» annoncé en 2021 ? Transports, écoles, logement, insécurité, le tableau est mitigé. Revue de détail.

Emmanuel Macron est à nouveau en déplacement pour trois jours à Marseille. Ce 26 juin, le chef de l’État revient dans la cité phocéenne pour engager la deuxième phase de son plan «Marseille en grand», lancé en fanfare le 2 septembre 2021, lors d’une précédente visite de trois jours.

Policiers ayant saisi des sacs de produits stupéfiants, mars 2023 (image d'illustration).

Un homme tué par balles dans les quartiers Nord de Marseille, le 20e depuis début 2023

Une durée qui place protocolairement la ville au rang des plus importantes visites d’État, d’autant que la délégation qui l’accompagne est pléthorique. Le président français est en effet accompagné de huit membres du gouvernement, dont Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, Clément Beaune, ministre des Transports, Olivier Klein, ministre du Logement ou encore Pap Ndiaye, ministre de l’Education nationale et Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture.

Pour quels résultats ? L’occupant de l’Elysée avait alors promis 5 milliards d’euros d’aides directes et indirectes pour sortir la ville portuaire du marasme, permettant un investissement global de 15 milliards grâce aux financements conjoints des collectivités. Au programme, le renforcement des effectifs de police, la rénovation des écoles, l’accélération de la rénovation urbaine et le désenclavement des quartiers nord de la ville avec de nouveaux moyens de transport.

Un plan qui succédait à celui de Jean-Marc Ayrault, en 2013. Le Premier ministre de François Hollande avait promis plus de 3 milliards d’euros pour «assurer le retour de la République» dans la ville, autour des mêmes thématiques. Plusieurs quartiers marseillais avaient bénéficié du Nouveau programme national de rénovation urbaine (NPRU), lancé en 2014. 

«La priorité est le désenclavement des quartiers nord»

Sur ce dossier, Marseille n’a pas connu de grandes avancées depuis le lancement du plan «Marseille en grand», malgré le doublement de l’enveloppe dédiée à la rénovation urbaine, de 300 à 650 millions d’euros : la ville compte encore 40 000 logements indignes, selon la Fondation Abbé-Pierre en Provence-Alpes-Côte d’Azur. «Les dix principaux quartiers emblématiques de la ville ont bénéficié de ces crédits-là», fait pourtant savoir l’Elysée.

Après le plan de Jean-Marc Ayrault, l’extension du métro vers les quartiers nord n’avait avancé que d’une station et la rénovation de la gare Saint-Charles avait été remise aux calendes grecques. Les annonces d’Emmanuel Macron en 2021 comprenaient 2 milliards d’euros pour les transports, 1 milliard étant financé par l’État, dont 256 millions d’euros de subventions, le reste étant sous forme d’avances remboursables. Le chef de l’État a annoncé le doublement de la subvention directe de l’État, ce 26 juin.

Emmanuel Macron, à Marseille pour trois jours, lance l’acte II du plan «Marseille en grand»

Source: AFP Policiers de l’Unité stupéfiants économie souterraine (USES) de Marseille. Emmanuel Macron souhaite maintenant s’en prendre plus vigoureusement aux usagers, notamment en exigeant le paiement immédiat des verbalisations.

«La priorité est le désenclavement des quartiers nord», avait alors annoncé l’occupant de l’Elysée. Un Groupement d’intérêt public (GIP) transports a été créé pour suivre l’avancée de 15 projets éligibles et sept d’entre eux ont été validés, dont la prolongation d’un tramway sud-nord et un bus de rocade reliant deux terminus de métro dans le nord de la ville, les deux n’étant pas attendus avant 2024. Celui vers le quartier emblématique de la Castellane devra pourtant attendre sa mise en service pour 2029.

Autre mesure phare du plan «Marseille en grand», la rénovation de nombreuses écoles insalubres avance à un rythme mesuré. L’Etat et la mairie avaient annoncé en 2021 un plan de reconstruction de 188 écoles sur les 470 de la ville. A ce jour, 28 chantiers sont engagés, mais Benoît Payan, maire de Marseille, affirme que 60 établissements scolaires auront été rénovés ou reconstruits d’ici à la fin de son mandat, en 2026. 

23 victimes de règlements de comptes depuis le début de l’année

C’est pourtant l’insécurité qui retient l’attention, avec la première journée du déplacement présidentiel qui lui est consacrée. L’hôte de l’Elysée s’est ainsi rendu à l’Evêché, l’hôtel de police marseillais et sur le chantier de la prison des Baumettes 3, dont la rénovation doit s’achever en 2025. Sa visite se poursuivra dans les quartiers nord de la ville, en proie au trafic de drogue et aux meurtres entre gangs. Malgré le déploiement de 300 policiers supplémentaires, d’une troisième compagnie de CRS et la création de groupes de l’Office antistupéfiants (Ofast), la situation sur le terrain n’a guère évolué.

Vue des quartiers nord de Marseille (image d'illustration)

Sur fond de trafic de drogue, plusieurs fusillades à Marseille font au moins trois morts

La cité phocéenne déplore encore 23 victimes de règlements de comptes depuis le début de l’année, dont une personne lynchée à mort et une autre retrouvée dans le coffre d’une voiture incendiée. Les autres ont été tuées par balles. Les forces de l’ordre ont mis en œuvre une stratégie de «pilonnage», qui a abouti à la suppression de 70 points de deal, «soit une baisse de 40%», souligne Emmanuel Macron.

Pourtant, les points de deal fermés se recréent en général un peu plus loin et les trafiquants haussent leur niveau de défense face aux forces de l’ordre. Barricade de caddies ou de palettes, chicanes, check-points, les journalistes d’Europe 1 ont constaté dans un article paru ce 26 juin comment les criminels de la cité de la Castellane font face à la hausse du nombre de patrouilles de police. D’ailleurs, les chiffres relevés par le ministère de l’Intérieur ne vont pas dans le sens de la communication présidentielle : entre 2021 et 2022, le nombre de délits en matière de trafics de stupéfiants est passé de 2 927 à 3 162. 

«Il a rien fait pour nous»

Derrière les effets d’annonce, le plan «Marseille en grand» risque donc de susciter des désillusions. C’est notamment le cas dans la cité Bassens, dans les quartiers nord, qui avait bénéficié de l’attention présidentielle et médiatique en 2021. La visite d’Emmanuel Macron avait suscité l’espoir des jeunes du quartier qui ont répondu à Mediapart. Plus dure a été la chute : «Quand Macron est venu, un journaliste nous avait prévenus qu’une fois rentré dans sa grosse voiture, il nous oublierait. C’est exactement ce qu’il s’est passé», déplore Tahar au micro du média en ligne. Nasser, un jeune homme de 22 ans, cavalier de haut niveau, avait fait la Une des médias. Il espère rencontrer à nouveau le chef de l’État, pour lui transmettre un amer constat : «Il a rien fait pour nous. Je veux lui dire que rien n’a changé et qu’on comprend pas où va l’argent. Regardez autour de vous !», s’indigne-t-il.

Seule nouveauté annoncée de l’acte II du plan présidentiel, Emmanuel Macron souhaite maintenant s’en prendre plus vigoureusement aux usagers : «On ne peut pas déplorer les trafics de drogue si on a des consommateurs», a-t-il expliqué le 25 juin. Il déplore en outre que les amendes pour consommation de stupéfiants ne soient recouvrées qu’à hauteur de 35% «et c’est en dessous de cette moyenne à Marseille. C’est inacceptable». Il souhaite donc que ces contraventions soient recouvrées directement par les agents verbalisateurs, en espèces ou en carte bleue. Cela suffira-t-il à gêner le trafic de drogue qui ravage Marseille ?

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