France

Retraites : malgré le rejet d’un deuxième projet de référendum, l’opposition ne désarme pas

Après le nouveau rejet par les Sages d’un projet de référendum d'initiative partagée, les oppositions parlementaires et syndicales espèrent toujours faire dérailler la réforme des retraites.

Le Conseil constitutionnel a rejeté le 3 mai une deuxième demande de référendum sur les retraites. La gauche l’avait déposée in extremis, avant la promulgation de la très contestée réforme gouvernementale. Le Conseil prive ainsi les oppositions d’un de leurs derniers recours contre le projet phare d’Emmanuel Macron.

Sans surprise, les Sages ont jugé que la proposition de référendum d’initiative partagée (RIP) portée par quelque 250 députés et sénateurs ne remplissait pas les critères requis. Le Conseil a notamment estimé que la demande de référendum «ne porte pas, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique sociale», ce qui est le principal point qu’il devait vérifier.

Une décision qui empêche de «donner directement la parole aux Françaises et aux Français», ont déploré dans un communiqué commun les partis de gauche, réunis au sein de l’alliance Nupes. «Après un 1er-Mai historique, nous continuons la bataille, unis et déterminés», affirment-ils. Pour eux, l’un des derniers espoirs passe par l’Assemblée nationale qui, le 8 juin, examinera une proposition de loi du petit groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) visant à abroger cette réforme qui recule l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

«Le référendum exaspère notre oligarchie»

Le texte inquiète le camp présidentiel, car il a le soutien de la plupart des groupes d’opposition. Le député Aurélien Pradié, en pointe dans la contestation de la réforme chez Les Républicains (LR), a indiqué le 3 mai qu’il le voterait, «par cohérence». Son groupe politique, très divisé, détiendra une fois de plus la clé du scrutin. Une adoption par l’Assemblée nationale ne serait que le début d’un parcours parlementaire, mais la gauche prévoit de demander en pareil cas la suspension de la réforme.

Le groupe Rassemblement national emmené par Marine Le Pen a aussi déposé le 3 mai sa propre proposition de loi pour «empêcher la retraite à 64 ans», un texte qui servira aux députés du RN de point d’appui pour le 8 juin.

Plusieurs députés ont par ailleurs appelé à l’instauration du référendum d’initiative citoyenne (RIC) constituant. «Lui ne passera pas sous les fourches caudines des sénateurs, des députés, du Conseil et du président», a tweeté François Ruffin, annonçant déposer une proposition de loi en ce sens.

«Mieux que le RIP, le RIC : avec 500 000 signatures, les Français pourront déclencher un référendum pour proposer un texte ou faire abroger une réforme injuste comme celle d’Emmanuel Macron», a lancé de son côté Jordan Bardella, également sur le réseau social. «Pour donner le pouvoir au peuple, nous instaurerons ce référendum d’initiative citoyenne !», promet le président du Rassemblement national, en cas d’accession au pouvoir.

Ce dispositif de démocratie directe, réclamé par le mouvement des Gilets jaunes, permettrait à des citoyens de déclencher un référendum sans l’accord du Parlement ou de l’Elysée. L’idée est également défendue par Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France.

«Le référendum exaspère notre oligarchie», tance-t-il sur Twitter, rappelant qu’aucun référendum n’a été tenu en France depuis celui d’avril 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe et rejeté par 55% des votants. «On ne peut pas imposer une réforme aussi dramatique, pour la vie des Français, leur voler deux ans de leur vie, on ne peut pas faire ça sans que cela soit voté», insiste le député de l’Essonne.

Les syndicats ont quant à eux donné rendez-vous le 6 juin pour une nouvelle journée d’action, afin de «se faire entendre» des députés en amont.

Dans la rue, les syndicats n’entendent pas relâcher la pression

Des actions de protestation ont par ailleurs été organisées après la décision du Conseil constitutionnel. Quelques dizaines de personnes étaient rassemblées à proximité de la rue de Montpensier, où siègent les Sages. «On est là pour protester contre le déni démocratique qui a marqué l’ensemble du circuit de cette contre-réforme des retraites», a déclaré à l’AFP Nicolas Bouchouicha, cheminot CGT.

Le préfet de police de Paris a publié un arrêté pour interdire à partir de 17h et jusqu’à 2h dans la nuit tout rassemblement non déclaré ainsi que le port et le transport de feux d’artifices dans un large périmètre autour du Conseil constitutionnel.

Des rassemblements ont également eu lieu à Rennes et à Nantes, deux villes à la pointe de la contestation. «On n’attend rien du Conseil constitutionnel, ils ont déjà montré ce qu’ils représentaient, c’est-à-dire les intérêts du patronat et les intérêts du pouvoir», s’insurgeait Fabrice Lerestif, secrétaire départemental FO en Ille-et-Vilaine.

«Le gouvernement prend acte de la décision», s’est contenté de réagir Matignon. Le «chemin démocratique» de cette réforme est terminé, avait encore affirmé la veille la Première ministre Élisabeth Borne, qui a fixé avec le président Emmanuel Macron une nouvelle feuille de route et veut continuer d’«agir».

Le deuxième RIP avait été initié le 13 avril à la veille de la décision très attendue du Conseil constitutionnel qui, sous la houlette de Laurent Fabius, avait validé l’essentiel de la réforme des retraites. Il avait parallèlement rejeté une première demande de RIP. La loi avait été promulguée dans la foulée par Emmanuel Macron, mais la bataille s’est poursuivie.

Les Français très majoritairement favorables à un référendum, selon les sondages

Toujours unie après 12 journées de mobilisation, l’intersyndicale a organisé un 1er-Mai «combatif» qui a rassemblé 800 000 personnes selon la police et 2,3 millions selon la CGT, mais a été marqué par des violences.

Dans le détail du RIP version 2, les parlementaires voulaient par une consultation populaire «interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans», soit ce qu’ils avaient proposé dans la première demande retoquée par les gardiens de la Constitution.

Pour accroître leurs chances de succès, ils avaient complété leur proposition en prévoyant de demander également par référendum une «contribution significative des revenus du capital» au financement des retraites.

Si d’aventure le RIP avait été validé par les Sages, la course d’obstacles n’aurait fait que commencer, avec le recueil nécessaire de 4,8 millions de soutiens citoyens en neuf mois. D’autres étapes d’une procédure extrêmement complexe auraient suivi, avant un éventuel référendum. Pour autant, dans un sondage Odoxa-Backbone Consulting, réalisé mi-avril pour Le Figaro, 74% des Français interrogés assurent qu’ils auraient «certainement» ou «probablement» signés en faveur de la tenue d’un tel référendum.

Nicolas Dupont-Aignan appelle à la tenue d’un référendum sur la réforme des retraites

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