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Un an d’offensive russe en Ukraine : quelles perspectives pour le conflit ?

L'intervention militaire russe en Ukraine au motif de «dénazifier» et de «démilitariser» celle-ci ainsi que de protéger les populations russophones du Donbass entre dans sa deuxième année sur fond de nouvelles sanctions et de médiation de la Chine.

Il y a exactement un an, les troupes russes pénétraient sur le territoire ukrainien, au petit matin du 24 février 2022, après un discours de Vladimir Poutine annonçant le lancement d’une «opération militaire spéciale» visant à porter secours aux populations russophones des Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et Lougansk, ainsi qu’à «dénazifier» et «démilitariser» l’Ukraine.

Le président russe, qui s’est déjà adressé au Parlement en début de semaine en évoquant la responsabilité des dirigeants occidentaux dans le conflit et en affirmant ne pas mener «une guerre contre le peuple ukrainien» mais contre le «régime de Kiev», n’a pas prévu de prendre la parole à cette occasion.

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En revanche, le chef d’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky a tenu en ce 24 février à mobiliser ses compatriotes au cours d’une adresse solennelle à la nation. «Nous avons enduré. Nous n’avons pas été vaincus. Et nous ferons tout pour remporter la victoire cette année», a lancé le président ukrainien dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, ajoutant : «Nous sommes forts. Nous sommes prêts à tout. Nous vaincrons tout le monde. Parce que nous sommes l’Ukraine !»

Evoquant les «exploits» des forces armées ukrainiennes, Volodymyr Zelensky a en particulier rendu hommage aux «défenseurs de Kiev et d’Azovstal», en référence aux forces ayant protégé avec succès la capitale du pays au début du conflit et au siège de l’aciérie Azovstal à Marioupol, ville ensuite conquise par les troupes russes.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Kherson (image d'illustration).

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«Nous n’aurons jamais de repos tant que les meurtriers russes ne seront pas punis. Par le tribunal international, par le jugement de Dieu ou par nos soldats», a-t-il poursuivi, réaffirmant ainsi que Kiev écartait toute négociation à ce stade. «Himars, Patriot, Abrams, Iris-T, Challenger, Nasams, Leopard», a aussi égrené le président ukrainien en citant les noms des armes fournies depuis un an par les Occidentaux, Etats-Unis en tête, à l’armée ukrainienne. Au total, l’Occident aurait offert, en additionnant les enveloppes militaire, économique et humanitaire, près de 128 milliards d’euros d’aide à Kiev, selon le Kiel Institute.

Alors que de violents combats ont lieu autour de la ville de Bakhmout et qu’une partie du territoire de l’Ukraine est sous contrôle russe, le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov a quant à lui déclaré que Kiev préparait une contre-offensive contre l’armée russe, précisant que celle-ci viserait à frapper l’armée russe «plus fort et à de plus grandes distances, dans les airs, sur terre, en mer et dans le cyberespace».

Symétriquement, l’ancien président russe Dmitri Medvedev a assuré ce 24 février que la Russie l’emporterait. «Nous atteindrons la victoire. Nous voulons tous que cela se produise le plus vite possible. Et ce jour viendra», a-t-il affirmé dans un message publié sur Telegram.

Nouvelle vague de sanctions occidentales 

Washington a pour sa part annoncé ce 24 février un renforcement des sanctions destinées à frapper l’économie russe. Ciblant en particulier le secteur bancaire et l’industrie de la défense, ces sanctions toucheront «plus de 200 personnes et entités, y compris des acteurs russes et de pays tiers à travers l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient qui soutiennent l’effort de guerre de la Russie», a déclaré la Maison Blanche. Les nouvelles sanctions, qui viennent s’ajouter à de multiples mesures déjà adoptées, viseront «une douzaine d’institutions financières russes, en alignement avec des alliés et des partenaires, ainsi que des responsables russes et des autorités mandataires opérant illégalement en Ukraine».

La Maison Blanche a indiqué qu’elle ciblait ainsi les secteurs russes de la défense et de la haute technologie, ainsi que la mise en place de mesures visant à anéantir des tentatives visant à contourner les sanctions déjà mises en place. Le département américain du Commerce va également imposer des contrôles à l’exportation à près de 90 entreprises russes et de pays tiers, y compris en Chine, «pour s’être engagées dans des activités de contournement des sanctions et de remplacement en soutien au secteur de la défense russe», a déclaré la Maison Blanche.  Les entreprises ciblées se verront interdire «d’acheter des articles, tels que des semi-conducteurs, qu’ils soient fabriqués aux Etats-Unis ou avec certaines technologies ou logiciels américains à l’étranger». Le secteur russe des métaux et des mines est également dans le collimateur des sanctions économiques. 

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«L’action d’aujourd’hui entraînera une augmentation des droits de douane sur plus de 100 métaux, minéraux et produits chimiques russes d’une valeur d’environ 2,8 milliards de dollars pour la Russie. Cela augmentera également considérablement les coûts de l’aluminium qui a été fondu ou coulé en Russie pour entrer sur le marché américain», a poursuivi la Maison Blanche.

Fervent soutien de l’Ukraine, le Royaume-Uni a imposé de nouvelles sanctions contre 92 personnes physiques et morales de la Fédération de Russie, y compris des membres de la direction de Rosatom, l’entreprise spécialisée dans le nucléaire jusqu’alors plutôt épargnée en raison de son importance dans la coopération nucléaire internationale. De la même manière, l’Australie a annoncé prendre des sanctions contre 90 citoyens russes et 40 entités, incluant des entreprises du secteur de la défense.

L’efficacité de cette «pluie de sanctions», selon la formule de l’AFP, a été longuement débattue, les experts s’accordant cependant pour constater que l’économie russe avait mieux résisté que prévu.

De son côté, l’Union européenne, qui avait également annoncé vouloir prendre des sanctions à la date anniversaire du début de l’opération russe, semble pour le moment avoir des difficultés à s’accorder.

Le plan de paix présenté par la Chine écarté par l’Occident 

A rebours des Occidentaux, que Moscou a accusé à de nombreuses reprises de prolonger le conflit par leur soutien matériel à Kiev, la Chine a présenté le 23 février un «plan de paix» en vue de parvenir à «un règlement politique de la crise en Ukraine». Allié de la Russie, Pékin cherche à se positionner comme médiateur et appelle les deux belligérants à «faire preuve de rationalité et de retenue» et à «éviter une nouvelle escalade», afin d’«empêcher que la situation ne devienne incontrôlable». A cet effet, elle plaide pour l’abandon d’une «mentalité de guerre froide», alors que le président américain Joseph Biden a effectué une tournée en Europe cette semaine pour y réaffirmer l’engagement des Etats-Unis sur le continent, se rendant notamment à Kiev et à Varsovie. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki s’est d’ailleurs rendu à Kiev pour donner un signal «clair» de soutien à l’Ukraine.

Deux drapeaux de la Chine dans la province chinoise du Zhejiang (image d'illustration).

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exprimé sa volonté de discuter avec Pékin de ce plan de paix, jugeant «positive» l’implication de ce proche partenaire de la Russie, tout en précisant ne pas avoir encore pris connaissance du document et qu’il était ainsi «trop tôt pour l’évaluer». 

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a exprimé ses doutes à l’égard du plan de Pékin. «Toute proposition constructive, qui nous rapproche d’une paix juste, est la bienvenue. Il est encore douteux que la Chine, puissance mondiale, veuille jouer un tel rôle constructif», a-t-il déclaré. De la même manière, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a estimé que la Chine n’avait «pas beaucoup de crédibilité» sur l’Ukraine, faisant valoir «qu’elle n’a pas été en mesure de condamner l’invasion illégale de l’Ukraine» par le passé.

L’Occident semble ainsi fermer la porte, à ce stade, à des négociations, la Russie ayant pourtant évoqué à plusieurs reprises la perspective de discussions pour trouver une «solution acceptable» pour toutes les parties. Celle-ci pourrait intervenir, avait indiqué Vladimir Poutine début janvier, «à condition que les autorités de Kiev remplissent les exigences bien connues et maintes fois exprimées et tiennent compte des nouvelles réalités territoriales» liées aux progrès de l’armée russe. 

Une guerre entamée en 2014, selon Moscou

Dénoncée par Kiev et ses alliés comme une guerre d’invasion ne répondant à aucune provocation, l’intervention russe a été justifiée par Moscou au nom de la nécessité de protéger les populations du Donbass, les autorités locales étant en conflit avec Kiev depuis 2014 à la suite du coup d’Etat de Maïdan.

Les affrontements dans cette région ont fait près de 15 000 morts (civils et militaires) entre 2014 et 2022, les accords de Minsk n’ayant pas été respectés et n’ayant pas permis de mettre un terme aux hostilités, l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel ayant reconnu, tout comme l’ex-président français François Hollande, que ces accords visaient à «donner du temps» à l’Ukraine pour se préparer à une future confrontation.

Revenant sur les causes du conflit actuel, le président russe Vladimir Poutine avait ainsi estimé fin novembre que le rattachement à la Russie de ces deux territoires aurait dû intervenir plus tôt et que ces déclarations occidentales prouvaient que le lancement de l’offensive de février 2022 était «la bonne décision».

Wang Yi et Sergueï Lavrov à Moscou, le 22 février 2023.

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Sur le terrain, l’offensive russe, lancée depuis trois directions au sud, depuis la Crimée, à l’est, dans le Donbass et au nord, depuis la Biélorussie, alliée, n’a pas permis à Moscou de prendre la capitale ukrainienne, comme le retrace Le Figaro, tout en progressant néanmoins sur de larges pans du territoire ukrainien, avec entre autres la prise de Marioupol en mai au terme d’une longue bataille. La contre-offensive ukrainienne organisée à la fin de l’été 2022 a ensuite contraint au recul les forces de Moscou, qui se sont retirées notamment de la ville de Kherson.

Ce qui n’a pas empêché le rattachement à la Fédération de Russie, fin septembre, des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk, ainsi que des régions de Kherson et Zaporojié, à la suite de référendums contestés par Kiev et ses alliés occidentaux mais soutenus par Moscou. Vladimir Poutine a annoncé, dans le même temps, une «mobilisation partielle» concernant 300 000 réservistes. Les combats se poursuivent désormais autour de lignes de front relativement stabilisées, les deux camps continuant à s’accuser mutuellement de «crimes de guerre» et de frappes visant délibérément les civils.

Par le biais des nouvelles sanctions annoncées ce 24 février, qui font suite à la confirmation de l’envoi de matériel lourd et de blindés à Kiev, les pays occidentaux assument un soutien à l’Ukraine «aussi longuement qu’il le faudra», selon la formule employée par le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin.

S’il a paru adopter par moments une ligne moins hostile à la Russie que les pays baltes ou la Pologne en maintenant le dialogue avec Moscou, le président français Emmanuel Macron a quant à lui indiqué le 18 février vouloir «la défaite de la Russie» en Ukraine. «Les livraisons d’armes sur fond de déclarations sur le caractère inadmissible de la victoire de la Russie ne laissent aucune autre conclusion logique que celle-ci : ils veulent que nous perdions. Ils peuvent toujours rêver !», lui avait vertement répliqué la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zahkarova.

«Nous allons régler pas à pas, soigneusement et méthodiquement, les objectifs qui se posent devant nous», a quant à lui martelé Vladimir Poutine lors de son discours devant l’Assemblée fédérale, remerciant «tout le peuple russe pour son courage et sa détermination».

De part et d’autre, une confrontation de longue haleine semble être, pour le moment, la seule perspective crédible à court terme. En effet, si la Russie a montré une volonté de négocier, le président ukrainien a pris un décret en octobre dernier afin d’interdire tout pourparlers de paix avec Vladimir Poutine, ne fermant néanmoins pas la porte à un «dialogue avec la Russie mais avec un autre président de Russie». De plus, les chancelleries occidentales, l’OTAN en tête, n’ont pour l’instant montré aucune volonté d’ouvrir des négociations qui pourraient mener à la paix entre les deux belligérants.

Poutine s’exprime lors d’un rassemblement à Moscou à l’occasion du Jour du Défenseur de la Patrie

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