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Xi Jinping en Arabie saoudite : le Golfe regarde de plus en plus vers l’est

Le président chinois est en tournée à Riyad du 7 au 9 décembre. Suivant une logique «win-win» («gagnant-gagnant»), Pékin fidélise son principal pourvoyeur d’hydrocarbures et le Golfe diversifie ses alliances en se détachant de Washington.

Après la Chinafrique, la Chinarabie ? Xi Jinping a été reçu en grande pompe à Riyad, la capitale de l’Arabie saoudite, pour un déplacement de trois jours, du 7 au 9 décembre. Après 2016, c’est la deuxième fois que le président chinois foule le sol saoudien. 

Le voyage du président chinois dans le royaume wahhabite comprend notamment trois sommets : le sommet Chine – Conseil de coopération du Golfe (CCG), le sommet Chine – Arabie saoudite et le sommet Chine – pays arabes. 

Il s’agit ni plus ni moins de «la plus grande activité diplomatique entre la Chine et le monde arabe depuis la création de la République populaire de Chine», a précisé le 7 décembre le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning. En effet, au cours de ces rencontres multilatérales, Riyad et Pékin entendent signer 34 contrats pour un montant de 30 milliards de dollars.

Ce déplacement revêt une importance géopolitique, économique et stratégique pour les pays arabes et Pékin. En se déplaçant en Arabie saoudite, Xi Jinping confirme en effet l’intérêt du Golfe et du Moyen-Orient dans son ensemble pour la Chine. 

Pékin, un acteur discret mais incontournable au Moyen-Orient

Discrètes mais bien réelles, les relations sino-arabes se sont nouées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Jouissant d’une certaine popularité du fait de son absence de passé colonial dans la zone, Pékin avait pu surfer sur la conférence des non-alignés à Bandung en 1955. Mais à cette époque, les pays du Golfe avaient pour leur part fait le choix d’un alignement inconditionnel sur Washington. Ainsi, l’accord de Quincy signé en 1945 entre le président Roosevelt et Abdelaziz Ibn Saoud prévoyait un accès américain privilégié, pour 60 ans, au pétrole du royaume wahhabite en échange d’une protection militaire. 

Des torchères brûlent l'excès de gaz sur le site de Mushrif à l'intérieur du champ pétrolier et gazier de Zubair, au nord de la province irakienne de Bassorah, le 13 juillet 2022 (image d'illustration).

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Le premier sommet sino-arabe remonte à 2004. Depuis, les échanges économiques n’ont eu de cesse d’augmenter entre le Moyen-Orient et la Chine. Comme la nature a horreur du vide, les Chinois ont dépassé les Américains en termes de relations commerciales avec les pays arabes. Rien que pour les échanges avec l’Arabie saoudite, il y a eu un chassé-croisé : les échanges bilatéraux entre le royaume saoudien et les Etats-Unis sont passés de 76 milliards de dollars en 2012 à 29 milliards en 2021, alors que les relations commerciales entre Pékin et Riyad ont augmenté jusqu’à atteindre aujourd’hui 65 milliards de dollars. Au total, les échanges entre les pays arabes et la Chine représentent désormais 177 milliards de dollars, dont 77 rien qu’avec les pays du Golfe, comme l’explique Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, dans une analyse du dossier récemment mise en ligne.

En tout état de cause, les dirigeants arabes regardent avec intérêt le projet pharaonique des routes de la soie, lancé en 2013 par le président chinois. Le Moyen-Orient s’impose aujourd’hui comme zone de transit entre le marché asiatique et le marché européen. De son côté, la Chine est devenue peu ou prou un acteur régional incontournable. Son initiative commerciale se divise en deux axes, l’un maritime et l’autre terrestre. Le maritime passe par le port de Gwadar au Pakistan avant de rejoindre la base militaire chinoise de Djibouti pour aller vers l’Europe. La route terrestre transite par Téhéran jusqu’à Istanbul en passant par l’Irak et la Syrie. Ainsi, pour Pékin, la stabilité régionale et notamment les détroits de Bab el Manbed et le canal de Suez sont d’une importance stratégique. 

Une relation «win-win»

Si le Moyen-Orient et surtout l’Arabie saoudite intéressent la Chine, c’est en partie pour l’or noir. Pour l’heure, Riyad fournit près de 25% du pétrole consommé par Pékin, en contrepartie notamment du savoir-faire chinois dans certains domaines. Entre 2015 et 2016, les principaux pays du Moyen-Orient ont adhéré à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, véritable structure financière concurrençant aussi bien le FMI, la Banque mondiale que l’influence occidentale. 

La Chine participe ainsi aux projets d’infrastructures portuaires aux Emirats, en Arabie saoudite, en Egypte ou encore à Oman. Des partenariats qui concernent des secteurs tels que le nucléaire civil mais aussi l’urbanisme, comme en témoigne par exemple l’implication d’entreprises chinoises dans la construction de la ville moderne saoudienne de Neom et la nouvelle capitale égyptienne voulue par le maréchal al-Sissi. Pour rappel, l’homme fort du royaume saoudien s’était rendu à Pékin en 2019 et avait signé 35 accords pour un montant de 28 milliards de dollars. Il y a donc une réelle convergence économique non négligeable entre les deux pôles. La Chine suit la stratégie «win-win», autour de laquelle chaque acteur est censé trouver son compte.

Le conseiller d'Etat chinois et ministre des Affaires étrangères Wang Yi rencontre le mollah Abdul Ghani Baradar, chef politique des talibans afghans, à Tianjin, Chine, le 28 juillet 2021 (illustration).

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La venue de Xi Jinping à Riyad est aussi politique. Pour l’Arabie saoudite et notamment Mohammed ben Salmane (MBS), il s’agit de montrer aux yeux de l’Occident que le royaume est capable de diversifier ses alliances. La carte chinoise est une prise de distance vis-à-vis de la dépendance américaine. Boudé par l’administration Biden qui a voulu le marginaliser, l’homme fort du royaume saoudien fait le choix d’une indépendance géopolitique, sans nécessairement tourner le dos à Washington. Fait notable, un sondage de 2020 réalisé pour le Washington Institute for Foreign Policy montrait que les Saoudiens avaient un avis plus favorable envers la Chine que l’allié traditionnel américain.

Vers un futur élargissement des BRICS ?

Tout aussi important pour Pékin : la volonté de «dédolariser» les échanges entre le Golfe et la Chine. En effet, l’empire du Milieu et le Conseil de coopération du Golfe (CCG) travaillent activement pour former une zone de libre-échange. A ce titre, l’ambassadeur de Chine aux Emirats arabes unis, Zhang Yiming, a déclaré en novembre dernier que les négociations sur l’accord de libre-échange entre la Chine et le CCG étaient entrées dans «la phase finale et critique» et que les deux parties s’étaient «accordées sur la plupart des points». Riyad et Pékin ont même déjà évoqué la possibilité de contrats pétroliers en yuans, dans le cadre de certaines discussions. 

L’élargissement des BRICS, le groupe rassemblant les économies émergentes du monde (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), est également au menu. L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont plusieurs fois montré leur souhait d’intégrer l’organisation. 

Même si le volet militaire reste la chasse gardée des Etats-Unis et des Occidentaux, les ventes d’armes chinoises au royaume ont augmenté de près de 400% ces cinq dernières années. Les premiers achats remontent à 1988. A cette époque, la Chine avait fourni aux Saoudiens 50 missiles balistiques à portée intermédiaire CSS-2. En 2017, Pékin avait accordé à Riyad une licence pour produire localement des drones chinois. En mars 2022, les industriels chinois et saoudiens ont uni leurs forces pour concevoir des drones dans le royaume. 

Contrairement à la diplomatie américaine, qui attise les divergences régionales pour avancer ses pions au Moyen-Orient, la Chine veut être un acteur pragmatique qui parle avec tous les pays. Suivant la diplomatie chinoise, Pékin prône le principe de non-ingérence dans les affaires internes des pays, le respect de la souveraineté de chaque pays et les intérêts mutuels. De quoi satisfaire les pétromonarchies.

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