Le constructeur de voiture à hydrogène Hopium a annoncé que le ministre des Transports allait rejoindre son conseil d’administration, avant même le remaniement. Un nouvel exemple de «pantouflage» caractéristique de la Macronie, selon l'opposition.
Sur fond de remaniement imminent, le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari s’apprêterait à rejoindre le conseil d’administration de la start-up française Hopium.
Celle-ci en a fait l’annonce le 16 mai : «Hopium, premier constructeur français de véhicules haut de gamme à hydrogène, annonce aujourd’hui le renforcement de sa gouvernance, avec la proposition de nomination de Jean-Baptiste Djebbari en qualité d’administrateur», a-t-elle indiqué, précisant que la nomination sera soumise à l’approbation de la prochaine assemblée générale le 20 juin.
Le PDG de la société, Olivier Lombard, a jugé que l’arrivée de Jean-Baptiste Djebbari constitue «une étape majeure» pour le développement de l’entreprise, qui a déjà levé 16 millions d’euros et souhaite en trouver 100 supplémentaires en 2022, avec un objectif de commercialisation en 2025 sur le marché balbutiant des voitures à hydrogène.
Le Conseil d’Administration d’Hopium propose la nomination de Monsieur @Djebbari_JB, Ministre délégué aux Transports, en qualité d’administrateur.
Plus d’infos : https://t.co/Bw2XTQprdUpic.twitter.com/nk9PVa8cwy
— Hopium (@hopiumofficial) May 16, 2022
Saisie à la demande du cabinet du ministre sur le risque de conflits d’intérêts pouvant découler de cette nomination, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a émis dans la foulée un «avis de compatibilité» assorti de réserves. La HATVP a ainsi conclu qu’«en l’état des informations dont [elle] dispose, le risque de prise illégale d’intérêts peut être écarté, sous réserve de l’appréciation souveraine du juge pénal». En revanche, «il convient d’encadrer [ses] futures relations professionnelles», étant donné qu’il «il ne saurait être exclu» que Jean-Baptiste Djebbari soit amené à effectuer des «démarches particulières auprès des pouvoirs publics».
Pendant trois ans, il devra ainsi s’abstenir de toute démarche, «y compris de représentation d’intérêts», auprès de membres du gouvernement qui l’étaient en même temps que lui, des membres de son cabinet et ceux des ministres successivement chargés de la transition écologique (tant qu’ils occupent encore des fonctions publiques), et enfin auprès des services dont il dispose en tant que ministre délégué.
Au cours de son mandat, Jean-Baptiste Djebbari a régulièrement communiqué sur le soutien du gouvernement à la filière de l’hydrogène, se félicitant par exemple en mars 2021 que la France investisse pas moins de 7 milliards d’euros pour le développement de la filière d’ici à 2030.
«Sans aucun scrupule», «République des lobbys» : l’opposition dénonce la reconversion du ministre
Les réactions à l’annonce du changement d’employeur de l’ancien pilote de ligne n’ont pas tardé, certains s’étonnant de la date choisie, alors qu’Emmanuel Macron n’a pas encore annoncé le remaniement gouvernemental et que le ministre des Transports est formellement toujours en poste.
«Généralement on attend après le remaniement pour annoncer les pantouflages, vous avez pas eu le mémo […] ?», a ironisé le streamer politique Jean Massiet.
(psst, généralement on attend APRÈS le remaniement pour annoncer les pantouflages, vous avez pas eu le mémo du cab du ministre ?)
— Jean Massiet (@JeanMassiet) May 16, 2022
Selon Transparency France, section française de l’ONG anti-corruption Transparency International – qui précise que la HATVP a été saisie du projet de reconversion professionnelle du ministre dès le 31 janvier – la date de l’annonce «témoigne d’un certain empressement des projets de reconversion de membres de gouvernement, aux dépends de la transparence et de l’exemplarité en matière de contrôle déontologique».
Plus frontalement, Jacqueline Mouraud, membre du comité politique de Reconquête !, a attaqué un ministre «sans aucun scrupule», qui a «déjà déserté son poste et assuré son avenir en “monnayant” son carnet d’adresses». «Dormez tranquille, les magouilles ne s’arrêtent jamais !», s’est-elle insurgée.
Sans aucun scrupule, le « ministre » Djebarri a déjà déserté son poste et assuré son avenir en « monnayant » son carnet d’adresse.
Dormez tranquille, les magouilles ne s’arrêtent jamais! | Le HuffPost https://t.co/I0Unof4Ed2— Jacline Mouraud (@JaclineMouraud) May 16, 2022
Même tonalité du côté de la coalition de gauche, qui a dénoncé, par la voix de Thomas Portes – candidat en Seine-Saint-Denis – la «Macronie République des lobbys».
La macronie République des lobbys. Le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari va rejoindre le conseil d'administration d'Hopium, spécialisée dans la construction de voitures à hydrogène haut de gamme.
— Thomas Portes (@Portes_Thomas) May 16, 2022
Le cabinet du ministre a pour sa part fait valoir que la proposition de nomination «a été communiquée aujourd’hui [le 16 mai] par l’entreprise parce qu’il s’agit d’une obligation légale pour les sociétés cotées en Bourse, 35 jours avant l’assemblée générale» des actionnaires. Jean-Baptiste Djebbari avait visité les locaux d’Hopium en septembre 2021 à l’autodrome de Linas-Montlhéry dans l’Essonne, ce qui avait permis de tourner une vidéo de type promotionnel vantant la première berline à hydrogène développée par la société, dans laquelle le ministre vantait les «performances absolument incroyables» du véhicule, ouvrant «une nouvelle page de l’histoire automobile française».
Retour sur la visite de @Djebbari_JB, Ministre délégué aux Transports, venu découvrir et tester Alpha 0, le premier prototype roulant de l'Hopium Māchina.@Ecologie_Gouv@gouvernementFR#hydrogenpic.twitter.com/45mIdlT4CO
— Hopium (@hopiumofficial) September 21, 2021
Si elle venait à être validée par les actionnaires de Hopium, l’arrivée de Jean-Baptiste Djebbari au sein de la startup confirmerait une certaine habileté, voire une accoutumance de la majorité aux allers-retours entre le secteur public et le secteur privé : parmi les anciens membres des gouvernements Macron, Brune Poirson, ex-secrétaire d’Etat lorsque Nicolas Hulot était ministre de la Transition écologique, est devenue directrice du développement durable du groupe hôtelier Accor. L’ancienne porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a quant à elle rejoint le groupe d’emploi temporaire Adecco en tant que responsable de la communication.
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