Intervenant au forum économique de Davos, le milliardaire a estimé que la Russie devait être défaite rapidement, le conflit ukrainien menaçant selon lui de faire disparaître la «civilisation». Il s'en est également pris à la Chine, alliée de Moscou.
Dans un discours prononcé le 24 mai à l’occasion du forum économique mondial de Davos (Suisse), le milliardaire américano-hongrois George Soros a estimé que la «civilisation [pouvait] ne pas survivre» à la guerre en Ukraine, appelant l’Occident à «vaincre» le président russe Vladimir Poutine «le plus tôt possible» et à défendre «la société ouverte» face à l’alliance russo-chinoise.
«L’invasion [de l’Ukraine par la Russie] a peut-être été le début de la Troisième guerre mondiale et notre civilisation peut ne pas y survivre», a-t-il déclaré dans son discours, dans lequel il a regretté le recul des «sociétés ouvertes» dans le monde depuis le «tournant» des attentats du 11 septembre 2001. Agé de 91 ans, le milliardaire a d’ailleurs commencé par exprimer une certaine nostalgie à propos de la fin des années 80, marquée par la désintégration progressive de l’Union soviétique et par ses succès personnels. «J’ai créé une fondation après l’autre […] dans ce qui était alors l’empire soviétique», s’est-il remémoré, en se félicitant «que l’effort s’est avéré plus fructueux» qu’il ne l’escomptait. Il s’agissait d’«une époque passionnante», selon le milliardaire, d’autant plus qu’elle a coïncidé avec «une période de réussite financière personnelle», puisque les dons annuels perçus sont passés de «3 millions de dollars en 1984 à plus de 300 millions de dollars trois ans plus tard».
Or une phase de crise a succédé selon lui à cette époque d’expansion du libéralisme et de la «société ouverte», avec les attentats du World Trade Center, suivis de la montée progressive de l’affrontement entre l’Occident d’un côté, la Russie et la Chine de l’autre. Avec le déclenchement de l’offensive militaire russe en Ukraine le 24 février, le camp occidental doit, selon le milliardaire, resserrer les rangs et mobiliser toutes ses ressources contre Moscou.
Vladimir Poutine, un adversaire «très malin» selon le milliardaire
«La meilleure et seule façon de préserver notre civilisation, c’est de vaincre [Vladimir] Poutine dès que possible», a-t-il insisté. Revenant sur les sanctions adoptées par les pays occidentaux à l’encontre de la Russie, il a estimé que l’Europe pourrait être dans «une position plus forte» qu’elle ne le pense concernant le gaz russe, malgré les divergences au sein de l’UE sur le dernier paquet de mesures et les fortes réticences de certains des Etats membres, au premier rang desquels la Hongrie.
«Je pense que [Vladimir] Poutine est très malin et en quelque sorte fait chanter l’Europe en menaçant de couper le gaz. Mais en réalité, son dossier est moins solide qu’il ne le prétend», a avancé le milliardaire. Il a argumenté que la Russie avait volontairement créé une situation de pénurie à l’hiver dernier en stockant son gaz plutôt que de l’envoyer en Europe, ce qui a fait grimper les prix. Le président russe aurait ainsi réussi «à terrifier l’Europe», mais se trouverait en même temps «dans une situation tendue», puisqu’il doit «faire quelque chose de ce gaz, et le seul endroit qui peut l’absorber, parce qu’il y a des pipelines, c’est l’Europe», a fait valoir le milliardaire.
Il a précisé avoir présenté cette analyse dans une lettre adressée au Premier ministre italien Mario Draghi, à laquelle il a dit n’avoir pas encore eu de réponse. George Soros a aussi mis en cause la politique de l’ex-chancelière allemande Angela Merkel pour expliquer la dépendance selon lui toujours «excessive» de l’Europe aux hydrocarbures russes. «Elle a passé des accords spéciaux avec la Russie pour la fourniture de gaz, et fait de la Chine le plus gros partenaire de l’Allemagne à l’exportation. Cela a fait de l’Allemagne le pays affichant la meilleure performance [économique] en Europe, mais maintenant il y a un lourd prix à payer», a-t-il dit.
La Chine et la Russie représentent la plus grande menace pour une société ouverte
Outre Vladimir Poutine, le milliardaire s’en est aussi une nouvelle fois pris au président chinois Xi Jinping, les appelant «les deux dictateurs». «Aujourd’hui, la Chine et la Russie représentent la plus grande menace pour une société ouverte», a-t-il affirmé, évoquant aussi les affrontements économiques entre les grandes entreprises américaines et chinoises dans le domaine des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle. De nouveaux instruments en théorie neutres, selon lui, mais qui facilitent la production d’«instruments de contrôle qui aident les régimes répressifs et mettent en danger les sociétés ouvertes». A cet égard, la crise du Covid-19 a, selon George Soros contribué à «légitimer» ces outils de surveillance et de contrôle, «parce qu’ils sont vraiment utiles pour lutter contre le virus».
A rebours de cet appel du milliardaire américano-hongrois à l’escalade militaire face à Moscou, l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger a appelé, le 23 mai, à négocier une paix en Ukraine dans les deux mois à venir, avant que la Russie ne soit entraînée dans «une alliance permanente avec la Chine».
La Russie poursuivra son opération en Ukraine «jusqu’à ce que tous les objectifs soient remplis»