La thèse du virus du Covid-19 échappé d'un laboratoire en Chine mérite de «plus amples recherches», estiment des experts nommés par l'OMS, qui insistent sur l'absence pour l'heure de preuves définitives sur l'origine de la pandémie.
Vingt-sept experts nommé par l’OMS ont remis ce 9 juin un rapport préliminaire sur l’origine de la pandémie de Covid-19, dressant une liste d’études supplémentaires à mener sur plusieurs théories.
«Ce rapport préliminaire n’est pas destiné – et il ne le fait d’ailleurs pas – à apporter des conclusions définitives sur les origines du Sars-Cov2 parce qu’il faut plus d’informations grâce aux études que le rapport recommande», préviennent les experts du Groupe consultatif scientifique sur les origines des nouveaux agents pathogènes (SAGO).
La mission de SAGO dépasse largement le cadre de la seule enquête sur les origines du Covid-19 et il doit surtout établir un catalogue de meilleures pratiques pour permettre de mieux détecter et plus rapidement le vecteur de la prochaine pandémie. Mais l’attention se porte naturellement sur l’origine du Sars-Cov2, un virus qui a fait une quinzaine de millions de morts selon l’OMS, depuis les premiers cas identifiés dans la ville chinoise de Wuhan fin 2019.
Le débat sur les origines est virulent dans la communauté scientifique mais il a surtout pris une dimension politique qui complique l’enquête.
Un premier groupe mixte de scientifiques internationaux et chinois, qui avait enquêté en Chine au début de 2021 après de longues tractations avec les autorités, avait privilégié la thèse de l’animal intermédiaire et le départ sur un marché de Wuhan.
Il avait provoqué un tollé en écartant quasiment la thèse de la fuite d’un laboratoire de cette ville – malgré un manque de données – au point d’obliger le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus à la remettre sur la table.
Trois experts de SAGO de Chine, du Brésil et de Russie ont estimé qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre cette piste.
«Ce n’est pas parce que nous en parlons que nous pensons que c’est l’explication», a souligné la présidente de SAGO, Marietjie Venter, qui estime que pour l’heure «les indices les plus solides pointent vers une zoonose». «[Mais] nous devons avoir l’esprit ouvert et couvrir toutes les hypothèses», y compris celle de la fuite d’un laboratoire, a renchéri le co-président, Jean-Claude Manuguerra, lors d’un point de presse.
Manque de données
Et plus de deux ans et demi après le début de la crise, le SAGO reconnaît «qu’il manque encore des données clés pour comprendre comment la pandémie de Covid-19 a commencé», même si des progrès ont été réalisés par exemple sur l’identification des animaux susceptibles de jouer le rôle d’intermédiaire.
Des vérifications sont aussi en cours sur d’éventuels cas en-dehors de Chine avant ceux détectés à Wuhan, notamment en Italie mais aussi en France et aux Etats-Unis.
Le groupe a souligné qu’il «n’a eu accès qu’à des informations mises à sa disposition dans des documents publiés ou des présentations» de scientifiques invités, notamment chinois et pas à des données brutes. Il dresse donc une longue liste de vœux de plusieurs pages détaillant les études supplémentaires nécessaires à ses yeux pour tenter d’avancer dans l’enquête.
La collaboration active des autorités chinoises sera nécessaire pour un bon nombre de ces requêtes, y compris sur le volet laboratoire, un sujet ultra-sensible.
«Nous n’avons pas le mandat pour entrer dans un pays, nulle part dans le monde, et nous avons besoin de la collaboration et de la coopération des pays» pour mener ces enquêtes, a rappelé Maria van Kerkhove, qui supervise la lutte contre le Covid-19 à l’OMS. «Nous allons continuer à travailler avec nos collègues en Chine pour voir comment nous pouvons avancer sur chacune des études qui ont été recommandées» dans le rapport, a-t-elle assuré.
Tedros Adhanom Ghebreyesus pour sa part a insisté qu’il était crucial que le travail des scientifiques pour déterminer les origines de Covid «soit complètement séparé de la politique».
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