Après le remaniement ministériel d'Emmanuel Macron et la découverte du nouveau gouvernement français, l'essayiste Anne-Sophie Chazaud nous livre son analyse.
Aussi médiocre soit-il, le remaniement ministériel d’un gouvernement que l’on pourrait sans difficulté surnommer «Borné 2» est toutefois riche d’enseignements, au premier rang desquels d’ailleurs sa médiocrité même.
Ceux qui fantasmaient Dieu sait quelle grande Union nationale, qui se serait constituée comme par enchantement contre quelque mystérieuse menace, autour de l’extrême-centre et d’un président réélu par défaut bien que détesté, en sont pour leurs frais. Pas même une petite «unité», non plus qu’un rassemblement – bricolé à la hâte – d’entente politique. Il s’agit donc finalement d’une sorte de groupuscule macroniste crépusculaire rassemblant la maigre poignée de ceux qui voulaient bien encore participer à la comédie du pouvoir avec une très nette prime à la nullité ou à l’échec – si l’on prend par exemple le cas de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur dont on a pu mesurer l’incompétence en matière de sécurité mais également la duplicité aux yeux du monde entier lors de la désastreuse affaire du Stade de France : en Macronie, où l’on n’a que l’expression «en responsabilité» à la bouche à proportion qu’on ne l’incarne pas, un tel fiasco accompagné d’une manipulation grossière vaut bien quelque récompense.
Anne-Sophie Chazaud, philosophe et essayiste, est l’auteur de Liberté d’inexpression, nouvelles formes de la censure contemporaine aux Editions de l’Artilleur.
Sans entrer ici de manière exhaustive dans le détail de la petite tambouille de ce dernier cercle des macronnards disparus, aucune nouvelle tête d’affiche de l’opposition (qui aurait alors fait office de prise de guerre) n’ayant manifestement souhaité rejoindre le radeau de la Méduse, il est intéressant de se pencher sur la désignation particulièrement déplaisante d’Olivier Véran, associé dans les esprits de tous à la gestion de la crise sanitaire dans ses aspects les plus dogmatiques et anxiogènes, comme porte-parole du gouvernement, courroie de transmission effective non pas de la Première ministre mais d’Emmanuel Macron dont il est un des derniers grognards.
On sait depuis Marshall McLuhan que «le medium, c’est le message»
Et, de fait, la désignation d’Olivier Véran pour porter la parole de l’exécutif est, elle-même intrinsèquement porteuse d’un message. Au peuple français très clairement adressé.
Celui qui incarne pour tant de citoyens et d’électeurs le mépris, une insupportable arrogance, le clivage, la pire période d’angoisse (délibérément entretenue pendant des mois), la perte de travail pour des dizaines de milliers de soignants, la volonté sectaire en quelque sorte mise en actes d’«emmerder» une partie du peuple français, ceux-là mêmes qui sont parvenus à neutraliser la Macronie aux législatives, se trouve, par le fait-même de porter la parole de l’exécutif, précisément en train de délivrer le premier et principal message du retranché narcissique de l’Elysée, lequel n’a pas supporté la petite leçon de vie qui lui a été infligée : puisque vous m’avez désavoué dans les urnes, je vais vous «emmerder» jusqu’au bout.
La désignation du contact-traceur de l’arrogance macroniste qui hurlait : «sortez d’ici», sur les députés d’opposition – lesquels avaient le malheur de s’inquiéter de la préservation des libertés publiques par temps de folie sanitariste – témoigne par ailleurs de la volonté assumée de ne pas prendre en compte le vote exprimé lors des législatives, non plus que les oppositions.
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