L'Europe redoute un arrêt des livraisons de gaz russe. Pour y faire face, la Commission européenne veut notamment réduire la consommation de gaz de 25 à 60 milliards de mètres cubes par an et encourage le recours au nucléaire.
«Nous nous préparons à toute éventualité, qu’il s’agisse de graves perturbations ou d’une rupture totale des livraisons de gaz russe […] Si le pire se concrétise, il faudra être prêt», avait déclaré début juillet à Strasbourg la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Et l’exécutif européen avait présenté au printemps une stratégie pour s’affranchir des hydrocarbures russes. Le plan, baptisé «RePowerEU», visait à imposer aux Etats un remplissage minimal des réserves de gaz, à diversifier les sources d’approvisionnement, et à promouvoir les énergies renouvelables. Mais, le 18 juillet, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol a prévenu qu’en dépit d’un gonflement des importations depuis la Norvège, l’Azerbaïdjan ou l’Algérie, ces ressources gazières ne suffiraient pas à remplacer les livraisons de Russie.
L’arsenal de mesures proposées par Bruxelles vise désormais à réduire la consommation annuelle de gaz dans l’UE de l’ordre de 25 à 60 milliards de mètres cube, selon un projet de texte consulté par l’AFP. Pour comparaison, la Russie a fourni en 2020 quelque 153 milliards de mètres cube aux Vingt-Sept, soit 40% de leurs importations de gaz.
Dans le détail, 11 milliards de mètres cubes de cette réduction attendue de la consommation de gaz, proviendraient d’une baisse du chauffage ou de la climatisation des bâtiments, entre 4 et 40 milliards seraient économisés sur la combustion de gaz pour la production d’électricité, et 10 à 11 milliards sur la demande industrielle qui a déjà flanché sous l’effet de la flambée des cours.
Le chauffage des bâtiments publics à 19°
Bruxelles doit notamment demander aux Etats d’adopter des mesures contraignantes pour limiter à 19 degrés le chauffage et à 25 degrés la climatisation dans les bâtiments publics et commerciaux, «là où c’est techniquement faisable».
Selon le projet consulté par l’AFP d’importantes économies peuvent être réalisées en déployant des sources de chaleur alternatives pour le chauffage urbain et des pompes à chaleur chez les particuliers, tandis que des campagnes de communication devraient inciter les ménages à baisser le thermostat d’un degré cet hiver.
Les «clients protégés» (ménages, services sociaux, PME, dont la législation européenne garantit l’approvisionnement) représentent moins de 37% de la consommation totale de gaz. La Commission veut donc cibler particulièrement la production d’électricité et l’industrie, très énergivores.
Bruxelles recommande le nucléaire
Bruxelles veut aussi proposer aux Etats de passer au nucléaire là où c’est une option envisageable, et demande aux pays désireux de renoncer à l’atome civil de reporter leurs projets de fermeture de centrales nucléaires. Et pour minimiser les interruptions des centrales électriques au gaz, des générateurs d’appoint fonctionnant au diesel devront pouvoir prendre le relais «pour au moins cinq jours». Pour les industriels, le texte rappelle l’existence d’alternatives aux énergies fossiles : passage à la biomasse ou au biométhane, électrification de certaines machines.
Bruxelles propose aussi aux Vingt-Sept de mettre en place «des systèmes d’enchères» qui offriraient aux entreprises des «compensations» en échange d’une réduction de leur consommation. Même pour des secteurs ayant peu de marges de manœuvre pour se passer du gaz, comme la chimie qui l’utilise comme matière première, il serait, selon la Commission, «nettement moins coûteux» de réduire modérément la demande progressivement plutôt que d’attendre d’être frappé par une rupture brutale d’approvisionnement.
Ce plan, qui sera examiné le 26 juillet par les ministres européens de l’Energie, est dévoilé à un moment critique. Le gazoduc Nord Stream, par lequel transite un tiers des livraisons de gaz russe à l’UE, est fermé depuis le 11 juillet pour une maintenance de routine qui doit s’achever le 21 juillet, mais plusieurs voix parmi les politiciens européens ont exprimé des craintes que les approvisionnements ne gaz russe ne reprennent pas à l’issue de cette maintenance.
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