Le chef d’état-major de l’armée allemande a affirmé préférer des armements disponibles à ceux actuellement en développement. Des déclarations qui mettent un peu plus à mal les programmes industriels franco-allemands.
«Je veux des matériels qui volent, qui roulent et qui sont disponibles sur le marché. Pas de développement de solutions européennes qui, au final, ne marchent pas». Le général Eberhard Zorn, chef d’état-major de l’armée allemande, a jeté un nouveau pavé dans la mare de la coopération industrielle franco-allemande.
Je veux des matériels qui volent, qui roulent et qui sont disponibles sur le marché. Pas de développement de solutions européennes qui, au final, ne marchent pas
Relevés par le site Opex 360, ces propos ont été tenus le 12 septembre lors d’une conférence du Conseil allemand des relations extérieures (DGAP) par le commandant en chef de la Bundeswehr. Conférence à laquelle participait également la ministre de la Défense, Christine Lambrecht. Si le général Zorn dit ne pas vouloir citer d’exemples, «ce serait presque du dénigrement des entreprises» précise-t-il, les programmes dans le collimateur du haut gradé semblent tout désignés selon le site d’actualités militaires.
En l’occurrence, le Système de combat aérien du futur (SCAF) ainsi que son pendant terrestre MGCS (Main Ground Combat System), qui sont respectivement attendus à l’horizon 2040 et 2035.
En effet, ces deux programmes patinent, sur fond de désaccords profonds entre les industriels français et allemands. Les premiers craignent que les Allemands ne fassent main basse sur leur savoir-faire technologique, les autres s’élèvent contre le poids des Français dans ce programme sous leadership tricolore. Pour l’heure, seul l’Eurodrone, l’un des «piliers» du SCAF où l’Allemagne a obtenu le leadership, serait en passe de décoller.
Du côté du char du futur, ce sont les ambitions de Rheinmetall, industriel parachuté par Berlin, qui bloquent le projet initialement confié à la co-entreprise formée par Krauss-Maffei Wegmann et Nexter (KNDS).
Ces programmes communs devaient pourtant incarner et renforcer la politique de défense de l’Union européenne. En cas d’impasse, le SCAF et le MGCS iraient rejoindre la liste des programmes franco-allemands lancés à l’été 2017 par Emmanuel Macron et Angela Merkel et enterrés depuis.
Ainsi, dès juin 2018, préférant opter pour une solution israélienne existante, Berlin claquait la porte du programme de missile air-sol tactique du futur (MAST-F) censé équiper la future mouture (Standard 3) des hélicoptères de combat Tigre.
Programmes d’armements : faux-bonds en série de l’Allemagne
En juin 2021, ce fut au tour du Maritime Airborne Warfare System (MAWS) de rester sur le tarmac. Alors que Paris espérait développer avec Berlin un avion de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine, le Bundestag validait en juin 2021 l’achat à l’américain Boeing de cinq P-8A Poseïdon. Une «solution provisoire» affirmait-on au Parlement allemand, jusqu’à ce qu’il valide une commande à l’avionneur américain de trois appareils supplémentaires.
Depuis, c’est sur un symbole de la coopération industrielle franco-allemande que Berlin a fait faux-bond à ses partenaires français et espagnols : l’hélicoptère Tigre. Prétextant une disponibilité trop faible de ses appareils, la Bundeswehr lorgne sur d’autres américains, les Apache AH-64, renonçant ainsi à participer au programme de rénovation à mi-vie du Tigre.
L’inquiétude de voir l’Allemagne faire de même avec le SCAF est d’autant plus justifiée que Berlin a annoncé en mars 2022 l’acquisition de 35 chasseurs F-35A Lightning II afin de pouvoir continuer à assurer sa mission de parapluie nucléaire au sein de l’Otan ; le F-35 étant habilité à transporter la bombe nucléaire tactique américaine B-61. Et comme si cela ne suffisait pas, l’Espagne, troisième partenaire du SCAF, montre également un intérêt de plus en plus prononcé pour l’appareil de Lockheed-Martin.
Pour sauver la situation, Eric Trappier, le patron de Dassault Aviation, évoquait dès le mois de mars 2021 un «plan B», à savoir une solution franco-française. «Faire tout seul, ce n’est pas une honte» déclarait encore celui-ci lors d’un déplacement fin juin 2022, promouvant son fameux «plan B». Mais pour l’heure, le fait que la France travaille sur son propre appareil au sein du SCAF n’est pas une solution «privilégiée aujourd’hui», affirmait le 13 septembre Emmanuel Chiva, Délégué général de l’armement au sein du ministère des Armées.
Reste à savoir si le programme d’artillerie du futur, le CIFS (pour Common Indirect Fire System) destiné à remplacer les canons automoteurs Caesar français et PzH 2000 allemands, connaitra un meilleur sort. Selon le ministère des Armées, ce programme, qui accuse également du retard, aurait été repoussé «au-delà de l’horizon 2045».
F-35 : l’Espagne s’apprête-t-elle à torpiller le SCAF ?