Obligé de renouveler ce mois d’octobre les contrats d’approvisionnement gazier et électrique de sa commune, le maire de Neuilly-sur-Marne dénonce l’inaction de l’Etat face aux tarifs exorbitants que les fournisseurs imposent aux collectivités.
«Je veux dénoncer un scandale, un vol, un racket organisé, avec en plus la passivité de l’Etat !» : Dans une vidéo postée le 1er octobre sur les réseaux sociaux, le maire de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) Zartoshte Bakhtiari s’émeut de «l’indifférence du gouvernement» face la flambée des tarifs de l’énergie pour les collectivités.
Les prix sont juste totalement scandaleux et délirants !
Alors que les contrats d’approvisionnement en électricité et gaz de sa commune arrivent à leur terme fin octobre, l’édile francilien fait part de son désarroi face au montant des offres qu’il reçoit et qu’il devra inéluctablement signer s’il souhaite pouvoir continuer à éclairer et chauffer les infrastructures de sa ville.
❌STOP AU RACKET ÉNERGÉTIQUE !
On impose aux villes de passer de 15€/MW gaz à 240€/MW et de 65€/MW électricité à 2068€/MW dans l’indifférence du gouvernement !
C’est la faillite de toutes les communes ! Signez notre pétition pour sauver votre commune:https://t.co/qaWXPq76icpic.twitter.com/PMbSGkFWd8— Zartoshte BAKHTIARI (@Zart_b) October 1, 2022
«Les prix sont juste totalement scandaleux et délirants ! On passerait de 15 euros le Mégawatt pour le gaz à 240 euros, soit une multiplication par 16 du prix. Et pour l’électricité, on passerait de 65 euros le Mégawatt à 2 068 euros, le prix serait donc multiplié par 32», relate le maire.
Ce dernier avance une facture d’énergie de sa commune qui s’envolerait, passant de deux à «dix, quatorze ou quinze millions» d’euros. «C’est totalement inacceptable, mais malheureusement le gouvernement laisse faire», enfonce-t-il avant d’interpeller : «Vos communes, partout en France, sont à genoux».
Ecoles et piscines menacées
«Mais quand on sacrifie les communes, on sacrifie les écoles de vos enfants, on sacrifie les gymnases, les associations, les sports, les espaces culturels» poursuit-il.
Baisse du chauffage dans les écoles, fermeture de piscines et médiathèques ou encore extinction des éclairages publics la nuit, annulation des illuminations pour Noël ou de l’installation de patinoires éphémères… Depuis plusieurs mois, face à l’envolée des prix de l’énergie, de nombreuses communes annoncent des mesures d’économies à leurs administrés afin de limiter la hausse de la facture énergétique.
L’électricité et le gaz bientôt coupés si le maire ne signe pas ?
Une cure de «sobriété» énergétique à laquelle n’échapperont pas les Nocéens. Zartoshte Bakhtiari évoque un «plan drastique d’efforts pour la commune et la population», mais celui-ci ne suffira pas, à en croire l’élu.
«Hier on a reçu un mail d’Enedis, qui nous expliquait qu’au 1er novembre, si on ne signait pas ces offres délirantes, on nous couperait l’électricité et le gaz pour notre ville de près de 40 000 habitants, c’est du racket organisé !» s’emporte-t-il, appelant le gouvernement à arrêter «cette extorsion» et à obliger les entreprises «qui s’en mettent plein les poches avec cette flambée des prix à redistribuer ces super profits aux villes et aux citoyens.»
«Pas de panique», enjoint Emmanuel Macron
Ce témoignage tranche avec le discours d’Emmanuel Macron. «Quand vous êtes une PME, une collectivité locale, un bailleur social, on vous propose des prix de l’électricité pour renégocier vos contrats à des prix fous. Ne les signez pas aujourd’hui !» déclarait le locataire de l’Elysée, le 22 septembre, lors d’une interview à BFMTV accordée dans l’avion qui le ramenait de New York.
«Pas d’emballement, pas d’inquiétude […] pas de panique» martelait le chef de l’Etat. «On va veiller collectivement, en Européens, avec les Américains, à retrouver des prix raisonnables et donner de la visibilité sur les prix du gaz et de l’électricité pour que tout cela soit soutenable», assurait-il deux semaines avant que Zartoshte Bakhtiari ne tire la sonnette d’alarme.
Tout comme les entreprises, seules les petites collectivités qui emploient moins de 10 agents et ont moins de deux millions d’euros de recettes sont depuis 1er janvier 2021 éligibles au «bouclier tarifaire». Or, «les conditions pour en bénéficier sont si strictes que moins de 6 000 communes seraient concernées», dénonçaient début août des sénateurs du Parti communiste français dans un amendement, rejeté, à la Loi de finances rectificative pour 2022.
En septembre, dans sa réponse à la demande d’un sénateur Les Républicains d’élargir le «bouclier tarifaire» à l’ensemble des collectivités, le ministère de la Transition énergétique avait souligné que ces dernières profitaient déjà de la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE / CSPE) appliquée depuis le 1er février.« Un effort particulièrement important […] représentant un gain pour le bloc communal de 400 millions d’euros» précisait l’hôtel de Roquelaure. Ristourne fiscale à laquelle s’ajouterait, entre autres, la hausse du volume de l’ARENH, ce volume d’électricité d’origine nucléaire cédée à prix coutant aux entreprises privées concurrentes d’EDF.
Au printemps, le gouvernement avait, afin de calmer les marchés, rehaussé ce volume de 20 térawattheures additionnels. En leur permettant ainsi de s’approvisionner plus massivement à prix cassé auprès du parc public de centrales nucléaires, l’exécutif espérait freiner l’envolée des tarifs que les fournisseurs privés appliqueraient à leurs consommateurs français. Mesure qui, à Neuilly-sur-Marne, ne semble pas avoir porté ses fruits.
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