En raison d'une immunité judiciaire, la plainte d'un juge américain contre le prince héritier d'Arabie saoudite a été classée sans suite. Mohammed ben Salmane est pourtant accusé d'avoir orchestré l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.
Un juge américain a classé sans suite le 6 décembre une plainte déposée aux Etats-Unis contre le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, accusé d’avoir ordonné le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.
Sans trancher sur le fond de l’affaire, le magistrat John Bates s’est dit lié par la position récemment prise par le gouvernement américain, selon qui «MBS» bénéficie d’une immunité judiciaire en tant que chef de gouvernement en exercice.
Le juge Bates a toutefois fait part de son «malaise face aux circonstances de la nomination au pouvoir du prince Mohammed ben Salmane et aux allégations crédibles sur son implication dans la mort de Khashoggi».
Jamal Khashoggi, anciennement proche du pouvoir saoudien puis devenu son détracteur, a été tué et démembré en 2018 dans le consulat du royaume à Istanbul, en Turquie. Le meurtre avait suscité un tollé international et fait du prince Mohammed ben Salmane un paria en Occident.
Le rétropédalage de Joe Biden
Les autorités saoudiennes ont toujours nié sa responsabilité, mais Mohammed ben Salmane est considéré comme le commanditaire de l’assassinat par les renseignements américains.
La fiancée turque du journaliste, Hatice Cengiz, et l’association Democracy for the Arab world now (DAWN) qu’il avait fondée aux Etats-Unis, ont déposé plainte en 2020 au civil devant la justice américaine contre le prince héritier et d’autres responsables saoudiens.
«Même si nous sommes déçus par cette décision, nous allons étudier toutes les options possibles afin de continuer nos actions judiciaires visant le comportement criminel de MBS», a déclaré le 6 décembre la directrice de l’association DAWN, Sarah Leah Whitson.
Fin septembre, «MBS», qui dirige de facto le royaume depuis des années, a été nommé Premier ministre par décret royal. De nombreux commentateurs y ont vu une tentative de le prémunir des poursuites engagées à l’étranger.
Prenant acte de cette nomination, le gouvernement du président démocrate Joe Biden avait estimé à la mi-novembre qu’il jouissait bien d’une immunité judiciaire.
Cette déclaration avait suscité de vives critiques. Le journal Washington Post, dont Jamal Khashoggi était un des collaborateurs, avait accusé le président d’avoir «tourné le dos aux principes fondamentaux de la liberté de la presse et de l’égalité».
La Maison Blanche avait rétorqué que cet avis légal «n’avait rien à voir avec la relation bilatérale» entre les deux pays.
En se rendant en Arabie saoudite en juillet dernier, Joe Biden a opéré un grand écart politique. A cette occasion, alors qu’il avait salué poing contre poing le prince héritier, il a ensuite assuré avoir évoqué l’affaire Khashoggi avec lui. Alors qu’il avait promis de le mettre à l’index à son arrivée à la Maison Blanche en 2020, depuis plusieurs mois le président américain tente au contraire de se rapprocher de l’homme fort du royaume wahabite pour des raisons énergétiques liées à la guerre en Ukraine.
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