Dina Boluarte a pris la parole de nuit pour annoncer qu'un scrutin anticipé aurait lieu dès 2024, et proclamé l'état d'urgence dans les régions les plus touchées par les manifestations réclamant la libération de l'ex-président Pedro Castillo.
Sous la pression de la rue, la présidente péruvienne Dina Boluarte a annoncé, dans un message télévisé diffusé dans la nuit du 11 au 12 décembre, qu’elle allait présenter un projet de loi visant à avancer les élections de 2026 à avril 2024, alors que le pays est secoué par des manifestations qui ont fait deux morts durant le week-end. Le pays est plongé dans l’instabilité depuis que le Parlement du pays, dominé par l’opposition, a voté le 7 décembre la destitution du président de gauche Pedro Castillo, alors que le chef d’Etat avait annoncé sa dissolution et l’instauration de l’état d’urgence.
Disant comprendre la «volonté des citoyens», Dina Boluarte, qui occupait la fonction de vice-présidente jusqu’à son investiture le 7 décembre, a dit avoir «décidé de prendre l’initiative d’un accord […] pour avancer les élections générales à avril 2024».
Dina Boluarte a également annoncé la proclamation de l’état d’urgence dans les zones les plus affectées par les manifestations. «J’ai donné des instructions pour reprendre le contrôle de l’ordre interne et des droits fondamentaux des citoyens», a-t-elle déclaré.
La vie d’aucun Péruvien ne mérite d’être sacrifiée pour des intérêts politiques
Deux personnes sont mortes et cinq personnes au moins ont été blessées le 11 décembre à Andahuaylas, ville située à 750 km de la capitale Lima, lors de manifestations grandissantes dans le pays contre Dina Boluarte et l’arrestation de l’ancien président. Les protestations se sont multipliées à travers le pays, notamment dans les villes du Nord et des Andes. Des milliers de personnes se sont ainsi mobilisées dans les rues de Cajamarca, Arequipa, Tacna, Andahuaylas, Cusco et Puno, réclamant la libération de l’ancien chef de l’Etat et de nouvelles élections.
«Nous regrettons la mort de deux personnes et plusieurs blessés dans des affrontements. J’exhorte la population à rester calme», avait déclaré le ministre de l’Intérieur César Cervantes à la radio RPP, peu après un premier bilan de la police faisant état d’une morte – une adolescente – et cinq blessés. «La vie d’aucun Péruvien ne mérite d’être sacrifiée pour des intérêts politiques. Je réitère mon appel au dialogue et à la renonciation à la violence», a lancé la présidente sur Twitter.
Le 10 décembre, des affrontements à Andahuaylas (sud) s’étaient soldés par un bilan de 20 blessés (16 civils et 4 policiers). Les violences ont repris le lendemain, avec des échanges de tirs de gaz lacrymogène et de jets de pierres entre policiers et manifestants. Andahuaylas, située dans la région d’Apurimac, est la région d’origine de Dina Boluarte, qualifiée de «traîtresse» par les partisans de l’ex-président destitué. Par ailleurs, le poste de police de Huancabamba, une ville d’Apurimac, a été incendié, selon la radio RPP.
A Lima, entre 1 000 et 2 000 personnes ont manifesté le 11 décembre devant le Congrès aux cris de «Castillo tu n’es pas seul, le peuple te soutient» et brandissant des pancartes accusant Dina Boluarte et le Congrès d’être des «rats corrompus», avant d’être dispersés à l’aide de gaz lacrymogène. La capitale a toujours été moins favorable à Pedro Castillo, enseignant rural et leader syndical éloigné des élites, tandis qu’il était soutenu par les régions andines depuis les élections de 2021.
Grève illimitée à partir du 13 décembre
Des syndicats agraires, ainsi que de organisations sociales paysannes et indigènes, ont appelé à une «grève indéfinie» à partir du 13 décembre, rejetant le Congrès et demandant des élections anticipées tout comme une nouvelle Constitution. Selon le communiqué du Front agraire et rural du Pérou, qui demande la «libération immédiate» de Pedro Castillo, celui-ci «n’a pas perpétré de coup d’Etat» lorsqu’il a vainement tenté de dissoudre le Parlement le 7 décembre.
Ce dernier avait été arrêté quelques heures plus tard par son propre garde du corps alors qu’il se rendait à l’ambassade du Mexique pour demander l’asile politique. Il est accusé de «rébellion».
Dina Boluarte a formé le 10 décembre un gouvernement présenté comme indépendant et «technique», avec l’ancien procureur Pedro Angulo comme Premier ministre, annonce qui n’avait pas calmé les manifestants. La demande de nouvelles élections est associée à un rejet massif du Congrès, puisque, selon les sondages de novembre, 86% des Péruviens désapprouvent le Parlement.
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