Le parquet péruvien a annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire contre la présidente Dina Boluarte pour «crimes présumés de génocide» après la répression des manifestations qui a fait 40 morts depuis début décembre 2022.
La tension ne baisse pas au Pérou où un couvre-feu de trois jours a été décrété dans la région de Puno (sud), à la frontière avec la Bolivie, où des manifestations contre la présidente Dina Boluarte ont fait 18 morts depuis le 8 janvier, portant le bilan des victimes à 40 depuis la destitution du président Pedro Castillo par le Parlement le 7 décembre 2022. Un deuil national est observé ce 11 janvier pour les victimes sur tout le territoire péruvien.
Une enquête a par ailleurs été ouverte contre la présidente et plusieurs hauts responsables concernant la répression de ces manifestations antigouvernementales. «L’enquête préliminaire porte sur les crimes présumés de génocide, d’homicide qualifié et de blessures graves, commis lors des manifestations des mois de décembre 2022 et janvier 2023 dans les régions d’Apurímac, La Libertad, Puno, Junín, Arequipa et Ayacucho», a précisé le ministère public dont les propos sont rapportés dans le quotidien national La Republica.
Des bouleversements politiques secouent le Pérou depuis que le président de gauche Pedro Castillo (élu en juillet 2021) a été destitué et jeté en prison après avoir voulu dissoudre le Congrès qui lui était hostile, et gouverner par décret. Castillo a été remplacé par sa vice-présidente, Dina Boluarte, qui depuis fait face à une vague de manifestations qui ont dégénéré en violences. Les manifestants réclament le retour du président qu’ils ont élu ainsi que la tenue immédiate d’élections et la composition d’un nouveau Parlement. La région de Puno, frontalière avec la Bolivie, est l’épicentre des protestations dans le pays. Une grève illimitée y a lieu depuis le 4 janvier. Elle est également le point de départ d’une marche organisée par plusieurs collectifs de citoyens et de paysans, dont l’arrivée dans la capitale, Lima, est prévue aux environs du 12 janvier.
Un pays aux institutions instables
Corruption des élites, pouvoirs du Parlement : le fauteuil de président du Pérou s’apparente à un siège éjectable depuis de nombreuses années. Un siège qui a souvent conduit en prison. Sur les 10 présidents qu’a connus le pays depuis 1980, sept ont été condamnés ou sont sous le coup d’une enquête pour corruption. Le président Castillo, syndicaliste, indigène, maître d’école rurale, au pouvoir pendant 17 mois, n’a pas pu gouverner comme il l’entendait. Menacé de destitution à deux reprises avant le 7 décembre 2021, il a passé son temps à tenter de se dépêtrer des attaques de ses adversaires, majoritaires au Congrès.
Il a toutefois lancé une réforme agraire, prévu un plan d’industrialisation en faveur des paysans, augmenté le salaire minimum, vendu l’avion présidentiel pour financer santé et éducation, et interdit à tout fonctionnaire de voyager en première classe pour leurs voyages officiels. Il s’était engagé à mettre en place une Assemblée constituante pour remplacer la Constitution actuelle promulguée sous le dictateur Alberto Fujimori et qui inscrit les principes du néolibéralisme dans le marbre du texte fondamental. Ce projet est resté lettre morte.
Pedro Castillo a bénéficié du soutien de nombreuses personnalités politiques d’Amérique latine, émanant notamment de gouvernements de gauche. Le 9 janvier, le nouveau gouvernement péruvien a interdit l’entrée sur son territoire à l’un de ces soutiens, l’ancien président bolivien Evo Morales, l’accusant d’«intervention» dans les affaires politiques internes du pays.
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