Le ministère allemand des Affaires étrangères s’est excusé auprès d’une représentante de la Commission de l’Union africaine, après une blague animalière douteuse à l’occasion de la visite de Sergueï Lavrov en Afrique.
Faisant référence à la tournée en Afrique du chef de la diplomatie russe, le ministère allemand des Affaires étrangères s’est, le 25 janvier, essayé à l’humour… avec un succès pour le moins mitigé.
«Le ministre russe des Affaires étrangères est en Afrique, non pas pour voir les léopards [le mot léopard étant remplacé par une émoji], mais pour affirmer sans ambages que les partenaires de l’Ukraine “veulent détruire tout ce qui est russe”», a fait valoir le ministère allemand dans un premier tweet, suivi d’un second illustré par une image d’un paysage désertique et d’un troisième présentant un lien vers l’enquête ouverte par la Cour de justice internationale, à la suite d’allégations ukrainiennes de crimes contre l’humanité commis par l’armée russe lors de son opération militaire.
The Russian Foreign Minister #Lavrov is in Africa, not to see 🐆, but to bluntly claim that #Ukraine’s partners “want to destroy everything Russian”. Here is a 🧵 with all of his “evidence”: 1/3
— GermanForeignOffice (@GermanyDiplo) January 24, 2023
Une porte-parole du président de la Commission de l’Union africaine critique le message allemand
Une sortie de la diplomatie allemande qui a immédiatement fait réagir Ebba Kalondo, la porte-parole du président de la Commission de l’Union africaine. Rappelant la récente visite de la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, au siège de l’Union africaine en Ethiopie, elle a répondu sur Twitter : «Est-elle venue voir des animaux ? Ou le continent africain, ses habitants et sa faune ne sont-ils qu’une blague pour vous ?»
Hi @GermanyDiplo.Your boss @ABaerbock visited the @_AfricanUnion based in one of the more than 20 African countries that Germany enjoys reciprocal diplomatic relations with. Did she come to see animals? Or is the Continent of Africa, its people & wildlife just a joke to you? https://t.co/RkzWsBbBoH
— Ebba Kalondo (@EbbaKalondo) January 25, 2023
«C’est noté, désolé», a répondu, le lendemain, le ministère allemand assurant que son message «n’était en aucun cas destiné à être offensant» et explicitant le fait que l’émoji du léopard faisait référence aux chars lourds éponymes dont Berlin vient d’autoriser l’envoi à l’Ukraine. «Nous voulions dénoncer les mensonges que la Russie utilise pour justifier sa guerre d’agression impérialiste contre l’Ukraine», a-t-il poursuivi, pour se justifier.
@EbbaKalondo, point taken & sorry. We value our African partners. Our tweet was in no way intended to mean offense. Instead: 🐆 = German-made Leopard tanks. We wanted to call out the lies that Russia uses to justify its imperialist war of aggression against Ukraine.
— GermanForeignOffice (@GermanyDiplo) January 26, 2023
«Ne vous excusez pas. Faites attention. Et respectez-nous comme nous vous respectons», a rétorqué Ebba Kalondo, avant d’asséner : «La politique étrangère n’est pas une blague et ne devrait pas être utilisée pour marquer des points géopolitiques bon marché en illustrant un continent entier avec des stéréotypes coloniaux sur n’importe quelle question.»
Don't apologise. Just be careful. And respect us as we respect you. Foreign policy is not a joke nor should it be used to score cheap geopolitical points by illustrating an entire Continent with colonial tropes on any issue. Ever.
— Ebba Kalondo (@EbbaKalondo) January 26, 2023
Un tweet «un million de fois raciste», selon un responsable du Mémorial du génocide Rwandais
L’exécutif de l’Union africaine n’a pas été le seul à interpeller Berlin. Zainab Usman, directrice du programme Afrique à la fondation Carnegie pour la paix internationale, n’a pas non plus trouvé de bon goût cette plaisanterie du ministère allemand. «Utiliser des stéréotypes horribles sur l’Afrique [un vaste territoire d’animaux sauvages dans la brousse] pour une pique politique à un adversaire dans une guerre européenne ne vous fera pas gagner d’amis africains», a-t-elle tweeté.
This is not a good look, @GermanyDiplo. Using terrible stereotypes of Africa (“Africa is a vast landscape of wild animals in the bush”) to score a geopolitical upper cut to an adversary in a European war will not win you any African friends. Tone deaf! Do better! https://t.co/YwOZopBg1M
— Zainab Usman (@MssZeeUsman) January 25, 2023
«C’est noté. Penser à une autre race allemande de léopards nous a peut-être fait passer à côté de l’interprétation que vous relevez», lui a répondu le ministère allemand.
Point taken. Thinking of a different, German breed of leopards may have made us miss the connotation you are pointing out. Our main point is a different one anyway: to call out the lies that Russia uses to justify its war of aggression against its peaceful neighbors in Ukraine.
— GermanForeignOffice (@GermanyDiplo) January 25, 2023
«Ce qui est étonnant, c’est que vous ne réaliserez jamais que ce tweet est un million de fois raciste», s’est également indigné Paul Rukesha, responsable de la communication du Mémorial du génocide rwandais de Kigali. «Simplement parce que toute votre éducation parentale et institutionnelle a été caractérisée par le dénigrement, le dédain et le manque de respect envers les Africains», a-t-il poursuivi.
Pour rappel, le chancelier allemand Olaf Scholz a autorisé le 25 janvier l’envoi et à la réexportation vers l’Ukraine de chars d’assaut Leopard 2 entraînant des promesses de dons des quatre coins de l’Occident. En moins de 24 heures ce sont plus d’une centaine de chars lourds, de fabrication allemande, qui ont été promis à Kiev. Cette centaine de blindés occidentaux, taillés pour l’offensive, s’ajoutera aux 31 chars Abrams annoncés par Joseph Biden, ainsi qu’aux quatorze Challenger 2 promis par Londres à la mi-janvier.
Ces annonces ont suscité l’ire du Kremlin, qui a dénoncé «l’implication directe» des Occidentaux dans le conflit.
La Russie mène depuis le 24 février 2022 une opération militaire en Ukraine, que Kiev et ses alliés, qui ont pris de nombreuses sanctions contre la Russie, dénoncent comme une guerre d’invasion ne répondant à aucune provocation. Les autorités russes font quant à elles valoir la nécessité de protéger les populations du Donbass, dont les autorités locales sont en conflit avec Kiev depuis 2014 à la suite du coup d’Etat de Maïdan. Moscou a également déclaré vouloir «dénazifier» et démilitariser l’Ukraine.
Chars livrés à Kiev : le Kremlin dénonce «l’implication directe» des Occidentaux dans le conflit