Les hélicoptères d’assaut KA-52 sont en première ligne pour stopper l’attaque ukrainienne en cours. Ils semblent notamment bénéficier du manque de défense antiaérienne des troupes de Kiev et de nouvelles tactiques des forces russes. Explications.
Images de la destruction de deux chars d’assaut dans la région de Donetsk, diffusées le 15 juin
«L’offensive ukrainienne s’est heurtée à un mur d’acier. 7 000 morts, 160 chars et 360 véhicules blindés détruits en une semaine pour des gains insignifiants», a tweeté le 14 juin Richard H. Black, sénateur américain affilié aux Républicains. Si ces chiffres sont pour l’heure non confirmés, la contre-offensive ukrainienne semble ralentir.
Parmi les raisons, la composante aérienne, visiblement bien plus importante que ce qu’estimaient initialement les experts occidentaux, estime The Warzone, média américain spécialisé dans les questions de Défense.
Le site fait état de la présence de plus en plus massive d’hélicoptères d’attaque KA-52 «Alligator» (selon son indicatif OTAN) sur le front, une assertion corroborée notamment par des rapports d’experts et l’analyse de vidéos de ce tueur de blindés en action. Ces dernières semblent de plus en plus nombreuses, montrant fréquemment des KA-52 engageant des blindés de fabrication occidentale, comme les chars allemands Leopard et les véhicules blindés de combat d’infanterie Bradley, fabriqués aux Etats-Unis.
Si ces hélicoptères avaient subi des pertes significatives dans la première phase de l’opération militaire spéciale, conduisant à une utilisation plus prudente de ce vecteur, ils semblent actuellement être l’un des fers de lance des forces russes dans leur effort pour contrecarrer l’offensive ukrainienne.
Le KA-52 à l’abri des Stinger
Celui-ci tient, selon The Warzone, à la combinaison de trois facteurs.
D’une part, les KA-52 sont maintenant équipés de missiles à plus longue portée, les mettant à l’abri des défenses antiaériennes courte portée ukrainiennes. Le site explique que les missiles 9M120-1 Ataka-1, d’une portée de 6 km, sont de plus en plus remplacés par les 9A4172K Vikhr-1n, capables d’engager une cible à 9,6 km. Les versions KA-52M, les plus récentes de cette voilure tournante, pourraient bientôt être dotées du missile anti-blindage avancé LMUR, d’une portée allant jusqu’à 14,25 km, estime le site.
Le second facteur est précisément le manque de défenses antiaériennes (AA) courte portée dans l’arsenal ukrainien. Alors que les troupes de Kiev s’avancent vers la ligne de front russe, elles quittent la bulle protectrice des missiles AA moyenne portée sans bénéficier de protection rapprochée en nombre suffisant. Les véhicules blindés AA font défaut, ils sont principalement affectés à la défense d’infrastructures clefs et en fournir sera délicat. En effet, la doctrine de l’OTAN se basant sur sa supposée supériorité aérienne, les pays membres de l’Alliance atlantique n’ont pas cru nécessaire de développer des moyens AA courte portée performants.
Pas de bulle protectrice pour l’offensive ukrainienne
Seuls les Américains disposent de tels équipements récents avec le blindé AA M-SHORAD, mais il est encore en cours de déploiement dans l’US Army. Ainsi la probabilité de le voir sur le champ de bataille ukrainien, à moyen terme, est-elle très faible. De plus, les missiles tirés à l’épaule, comme le Stinger américain, avec une portée de 4 800 m, ne peuvent pas engager hélicoptères et avions d’attaque au sol utilisant des missiles.
Par ailleurs, les forces russes ont développé des tactiques efficaces pour contrer et détruire les défenses AA ennemies, en combinant plusieurs vecteurs aériens. Typiquement, elles vont engager des cibles au sol à l’aide de bombes planantes lancées depuis des voilures fixes, forçant les défenses AA à se dévoiler pour traiter la menace. L’intensité et la fréquence de telles attaques aériennes poussent les forces ukrainiennes à rapprocher de la ligne de front leurs systèmes AA. Mais une fois leurs radars activés, ils sont systématiquement engagés par d’autres vecteurs, tels que des missiles et des drones. Plus près de la ligne de front, la combinaison d’hélicoptères et d’avions d’attaque au sol se couvrant mutuellement réduit les pertes en appareils.
The Eurasian Times, un média indo-canadien également spécialisé dans les questions de Défense, complète cette analyse en soulignant que les forces russes ont de leur côté considérablement renforcé leurs défenses AA sur la ligne de front, la transformant en no fly zone pour les aéronefs de Kiev.
Sur la ligne de front, le ciel est russe
Les troupes ukrainiennes au sol qui tentent d’avancer le font donc sans protection aérienne, ce qui facilite grandement la tâche des hélicoptères et avions d’attaque au sol russes. Le site souligne également l’utilisation massive de drones de reconnaissance de tous types et une meilleure intégration en temps réel des informations ainsi récoltées dans la chaîne de commandement, rendant vaine la moindre tentative d’attaque surprise.
Averties à temps de tout mouvement de troupes vers leurs lignes, les forces russes ont le temps de déployer leurs voilures tournantes ou fixes, mais aussi leurs drones d’attaque et des tirs d’artillerie guidés par laser. Moscou dispose en effet dorénavant d’une vaste gamme de drones semi-autonomes, qui se dirigent seuls vers la cible, ou guidés par opérateur. Entre autres, le rustique Lancet, contrôlé par opérateur sur sa phase finale de tir ou le tout récent Privet-82, lui aussi contrôlé par un opérateur au sol dans sa phase d’attaque. Autant de vecteurs peu ou pas sensibles au brouillage électronique et dont le nombre dans le ciel permet une saturation d’éventuelles défenses AA.
Plus que jamais, la supériorité aérienne apparaît comme un élément clef du champ de bataille, ce qu’expérimentent à leurs dépens les forces ukrainiennes. «Nous perdons du temps, nous perdons des troupes et pire, nous perdons notre avantage», a déclaré Volodymyr Zelensky au micro de NBC News le 15 juin, demandant à l’Occident une livraison rapide d’avions de chasse et insistant sur le fait que sans eux, «la Russie contrôle le ciel».
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