Chroniques

Face à la guerre entre Gaza et Israël, la tartufferie occidentale monte en flèche

Compte tenu de la rhétorique et du bellicisme de l’Union européenne et des Etats-Unis, il est évident que la paix n’est pas leur priorité, estime Rachel Marsden. Analyse.

Cet article a été initialement publié par RT en langue anglaise par Rachel Marsden, chroniqueuse et animatrice de talk-shows.

 

«Israël a le droit de se défendre, aussi bien aujourd’hui que dans les jours à venir. L’Union européenne soutient Israël», a écrit le 8 octobre sur son compte X (anciennement Twitter) Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Elle a ainsi donné carte blanche à la direction israélienne, connue pour sa modération et sa retenue, dans sa réponse aux attaques du Hamas.

«Pour qui vous prenez-vous ? Non élue, vous n’avez aucune autorité pour déterminer la politique étrangère de l’UE, qui est définie par le @EUCouncil [le Conseil européen]», a répondu Clare Daly, députée européenne irlandaise. «L’Europe ne soutient PAS Israël. Nous soutenons la paix. Vous ne parlez pas en notre nom. Si vous n’avez rien de constructif à dire, et c’est de toute évidence le cas, taisez-vous.»

En un seul tweet, Mme von der Leyen a réussi à présenter l’ensemble de l’Europe comme plus militante que la rédaction de l’un des principaux journaux nationaux d’Israël, Haaretz, qui a clairement blâmé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou pour les attaques, l’accusant «d’annexion et de dépossession» qui «ignorent ouvertement la présence et les droits des Palestiniens». Aucune action ne se produit isolément sans risque de provoquer une réaction.

Les missiles de morale de l’UE

Le danger que représentent les missiles de morale lancés unilatéralement par la reine européenne non élue Ursula, sous le coup de l’émotion, est qu’ils ne peuvent en aucun cas remplacer une politique étrangère définie de manière plus réfléchie. Pourtant, actuellement, il s’agit souvent du seul type de politique étrangère exprimé sur tous les volets, que ce soit Israël ou l’Ukraine.

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken arrivant à Riyad, le 13 octobre au soir (image d'illustration).

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Autre exemple de symbolisme prévalant sur le pragmatisme politique, l’Union européenne a annoncé le retrait de son soutien financier à la Palestine… pour ensuite revenir sur sa décision quelques heures plus tard. Le 9 octobre, la Défense israélienne a annoncé que les forces du pays imposeraient un blocus à Gaza encore plus strict qu’auparavant en empêchant tout approvisionnement en eau, en nourriture, en carburant et en électricité. Quelques heures plus tard, Oliver Varhelyi, commissaire européen à l’Elargissement et à la Politique européenne de voisinage, a annoncé le soutien du bloc à cette cause en suspendant le financement de l’aide humanitaire au peuple palestinien. L’Allemagne et l’Autriche ont été les premières à lancer le processus de retrait des fonds. Cependant, quelques heures plus tard, le gel de l’aide européenne a été annulé par le responsable de la politique étrangère de l’Union, Josep Borrell, après avoir apparemment réalisé que cette mesure ne ferait que «punir tout le peuple palestinien» et «encourager encore davantage les terroristes». Après tout, Bruxelles n’a jamais pu financer ces terroristes par mégarde, n’est-ce pas ?

Depuis 2008, Bruxelles a alloué à la Palestine une aide financière directe de 2,5 milliards de dollars sur 12 ans et a récemment déclaré son intention d’envoyer quelque 1,24 milliard de dollars entre 2021 et 2024. Ce financement n’a même pas été réduit ou arrêté mais seulement suspendu pendant quelques mois en 2021-2022, avant d’être débloqué sans conditions préliminaires, lorsque des observateurs ont déclaré que les manuels scolaires palestiniens contenaient des propos antisémites promouvant et glorifiant le terrorisme. Aujourd’hui, le ministère israélien des Affaires étrangères montre du doigt Bruxelles. «L’Union européenne a financé des manuels scolaires rédigés par les autorités palestiniennes dont le contenu était plein d’antisémitisme et d’incitation à la violence et au terrorisme contre les Juifs», a déclaré cette semaine Lior Haïat, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères.

La première fois que cette question a été évoquée, le commissaire européen alors en charge avait rencontré le ministre israélien des Affaires étrangères à Bruxelles et lui avait assuré que cela ne se répéterait pas. Une résolution a été adoptée à cet effet. Des organisations non gouvernementales ont également présenté des rapports au début du mois accusant Bruxelles d’avoir octroyé des subventions qui ont fini entre les mains du Front populaire de libération de la Palestine, que l’Union européenne considère comme un groupe terroriste.

L’UE se sent coupable

Au début de cette année, en février, l’UE a annoncé une aide supplémentaire de plus de 300 millions de dollars pour le peuple palestinien en présence du président Mahmoud Abbas : des fonds pour les salaires, les retraites, les services de santé, mais aussi des causes comme «l’agriculture climato-intelligente» et «la compétitivité verte», et maintenant, tout à coup, les responsables à Bruxelles semblent se demander : «Attendez, nous avons financé le Hamas… peut-être ?» C’est en tout cas ce qu’on peut conclure sur la base de leurs actions. Sinon, quel est le problème de continuer à aider le peuple palestinien ?

Ou peut-être que, compte tenu de tout ce verbiage sur le climat associé au programme d’aide, l’UE s’est simplement fâchée parce que les deltaplanes du Hamas étaient motorisés. On ne peut s’empêcher de penser que certaines têtes d’œuf à Bruxelles regardent les reportages avec tous ces pickups à essence utilisés par le Hamas pour attaquer les villages et kidnapper des gens et se demandent : «Quelle est l’empreinte carbone de ces véhicules ?»

Les néocons américains n’ont pas changé

Toute la tartufferie du monde ne peut pas compenser le manque de diligence que le retrait schizophrénique et le rétablissement ultérieur de l’aide à la Palestine suggèrent. Ce ne serait pas la première fois que des innocents souffrent de l’incompétence des autorités européennes. Prenez le cas des citoyens du bloc européen actuellement confrontés à des difficultés économiques apparemment sans fin pour que leurs dirigeants puissent continuer à se vanter d’avoir soutenu l’Ukraine.

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Tout comme en Ukraine, l’UE parait peu intéressée par un rôle apaisant ou réfléchi dans ce conflit mais adopte plutôt sa position habituelle en suivant les néoconservateurs américains sur n’importe quel problème d’actualité.

Si même le secrétaire d’Etat Antony Blinken reconnaît qu’il n’y a pas de «preuves tangibles» liant l’Iran aux récentes attaques du Hamas, cela n’a pas empêché les néoconservateurs bellicistes du côté américain de l’Alliance transatlantique de remplacer, comme toujours, la politique réelle par des slogans – en faveur d’un renversement du régime iranien, bien entendu.

«C’est l’un des cas les plus propices au changement de régime dans l’histoire», a déclaré John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis. En effet, quand il s’agit de prôner un changement de régime en Iran, les néoconservateurs sont tout à coup prêts à croire le Hamas sur parole comme source fiable concernant l’implication de l’Iran. «L’administration Biden devrait avoir le courage de blâmer Téhéran, comme il le mérite», a ajouté M. Bolton. Il le «mérite», peu importe les faits et la politique, parce que cela correspond au récit des néoconservateurs radicaux, même au prix de vies humaines et au détriment des intérêts américains.

«Cela fait longtemps que l’État terroriste iranien doit payer le prix pour tous les troubles et la destruction qu’il sème dans la région et dans le monde», a pour sa part indiqué le sénateur républicain Lindsey Graham. Curieusement, ces va-t-en guerre ne parviennent jamais à se rendre compte du rôle de patron interventionniste que Washington et l’Occident assument depuis longtemps et qui a sans doute empêché tous ces voisins du Moyen-Orient de résoudre leurs différends par eux-mêmes. 

Les déclarations fanfaronnes en pleine crise ne coûtent pas cher aux généraux de salon occidentaux mais elles peuvent coûter cher à beaucoup d’autres. Sans tenir compte des conséquences, ces bavardages ne visent qu’à apaiser leurs alliés et partisans. Et c’est dans ces moments de désespoir, où la raison risque de céder la place à l’émotion, qu’ils ont le plus de chances d’imposer leur agenda potentiellement catastrophique.

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