À Sofia, des centaines de manifestants ont protesté le 13 décembre contre le démantèlement d'une statue érigée en l'honneur de la victoire de l'armée soviétique en 1945. C'est le dernier épisode en date d'un véritable feuilleton qui, depuis mars dernier, oppose autour de ce monument prorusses et antirusses.
Manifestation à Sofia contre le démontage d’un monument dédié à la victoire de 1945 par l’armée soviétique.
«Le fascisme ne vaincra pas en Bulgarie !», a déclaré le chef du parti Vazrajdanié (Renaissance) Kostadine Kostadinov devant la presse. Le 13 décembre, une foule est venue s’opposer au démantèlement d’une statue érigée à Sofia en l’honneur de l’armée soviétique.
«Aujourd’hui, ils coupent les têtes des monuments et demain ce sera celle des gens, c’est comme ça que ça a commencé en Ukraine», a-t-il poursuivi. «D’abord, il y a eu des affrontements, puis des passages à tabac et des gens qui se sont mis à disparaître, et enfin ils se sont mis à tuer des gens dans la rue», s’est alarmé Kostadine Kostadinov, dénonçant une volonté des dirigeants de «mettre en œuvre le scénario ukrainien».
Haut de 37 mètres, le mémorial de l’Armée rouge a été érigé en 1954 par les autorités soviétiques afin de célébrer la libération de la Bulgarie à la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors gouvernée par une monarchie alliée au Troisième Reich. Cette dernière ne déclara toutefois pas la guerre à l’URSS, qui n’intervint dans le pays qu’en 1944. Érigé en plein centre de la capitale bulgare, le monument représente un soldat soviétique tenant un fusil d’assaut et, à ses côtés, une paysanne et un ouvrier bulgares.
Fausse restauration ou vraie destruction ?
Le 14 décembre, des employés des services municipaux ont donc commencé à démonter le monument. Les sculptures devraient être restaurées et transférées au musée de l’art socialiste. Cependant, Dénïane Nikolov, le chef du parti Vazrajdanié à la municipalité de Sofia, craint que toute restauration ne soit impossible après le démantèlement : «La destruction du monument a commencé la nuit dernière. Ils disent que c’est un démontage mais il n’en est rien.» Et le militant d’affirmer que les services de la ville avaient découpé le monument à la ponceuse et qu’il «doutait qu’il soit possible de le reconstituer».
Quant au leader socialiste de Sofia, Ivan Takov, lui aussi opposé au retrait du monument, il a demandé au Conseil municipal l’organisation préalable d’un référendum. Depuis trois ans, partisans et opposants de Moscou se font face dans une bataille mémorielle.
Une bataille rangée entre pro et antirusses
Le différend remonte à 2020, lorsque la coalition pro-européenne Demokratichna Balgariya (Bulgarie démocratique) avait soumis sa proposition de retrait du monument au Conseil de Sofia. Cette proposition n’est arrivée à l’ordre du jour qu’en mars dernier. La maire de la capitale, Yordanka Fandakova, a alors décrit le monument comme une œuvre de «propagande», comme l’a rapporté Euractiv, et demandé son déplacement dans un musée des arts de l’époque socialiste. Des activistes, appuyés par le parti prorusse Vazrajdanié et le Parti socialiste, ont réagi, exigeant la défense du monument.
Durant l’été, des incidents ont éclaté entre les deux camps, les antirusses s’efforçant de vandaliser le monument et les prorusses de le préserver. Le 25 août, arguant de raisons de sécurité, les autorités ont installé des clôtures pour éviter de nouveaux débordements.
Et le chef du parti Kostadine Kostadinov de regretter que ces actions impliquent une «détérioration des relations avec la Russie, qui risque de dénoncer le Traité d’amitié et de coopération entre nos deux pays», référence à un accord datant de 1992.
La Bulgarie traverse une crise politique profonde, divisée entre l’Occident et le monde russe. À l’issue d’un scrutin législatif tenu début avril – le cinquième en deux ans –, un gouvernement de coalition pro-occidental a été élu. Plusieurs manifestations ont été organisées depuis le printemps pour réclamer la neutralité du pays. Dans un communiqué daté du 4 décembre dernier, le président bulgare Roumen Radev a mis son veto à toute nouvelle livraison d’armes à Kiev, motivant sa décision par «les conséquences négatives de cet accord».
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