Dominique de Villepin a répondu aux questions de L'Orient-Le Jour. L'ancien Premier ministre français craint l'escalade au Proche-Orient, critiquant la «politique du pire» du gouvernement de Benjamin Netanyahou et déplorant une forme «d'attentisme» des Européens dans la crise de Gaza.
Dans un entretien fleuve accordé au quotidien libanais L’Orient-Le Jour, publié le 23 janvier, Dominique de Villepin décrypte la situation au Moyen-Orient, les conséquences du conflit à Gaza, la politique israélienne et «la passivité» de l’Europe face à cette crise.
Selon lui, l’objectif à atteindre est ni plus ni moins que de «faire taire les armes», «trouver une réponse humanitaire» et parvenir à «la libération des otages».
Le conflit entre le Hamas et l’armée israélienne «nous place dans une spirale, dans un engrenage ou certains peuvent croire que l’esprit de vengeance va de lui-même permettre de rétablir un équilibre», déplore-t-il, avertissant que «l’engrenage de la violence ne conduit qu’à plus de violence, ce qui place cette région à la merci d’un dérapage».
Aujourd’hui, «Israël s’est isolé de la communauté internationale», fait-il observer, affirmant que l’État hébreu est dans «une impasse». Il se demande également si «la stratégie de Netanyahou accroît la sécurité d’Israël» ou si elle «fragilise la capacité d’Israël à apporter des réponses», tout en affirmant qu’«on ne peut pas jouer à la politique du pire».
Les Européens passifs, d’après Villepin
Regrettant l’absence de position européenne mais surtout l’écart de perception entre les Occidentaux et les pays du Moyen-Orient, Dominique de Villepin estime qu’un alignement sur la «logique de légitime défense» de l’État d’Israël face au Hamas ne peut suffire.
«Nous savons que le terrorisme, l’esprit du terrorisme ne s’éradique pas comme ça», souligne-t-il, jugeant que les frappes ne font qu’augmenter «le sentiment d’injustice». En somme, l’ancien diplomate fait le constat que «l’Europe est très largement inhibée», les États-Unis restant quant à eux «fidèles à leur alliance historique avec Israël».
Malgré toutes les difficultés de sa réalisation, la solution à deux États reste selon lui «la seule alternative à la guerre et à la violence», exigeant un «investissement fort de l’Arabie saoudite» dans ce sens. Il évoque «ce qui était en cours avant le 7 octobre», faisant référence à la normalisation entre l’État hébreu et la monarchie wahhabite. «Je crois que c’est un premier fil sur lequel on peut tirer», estime-t-il, craignant néanmoins «la radicalisation des esprits, considérant qu’il n’y a pas de compromis possible avec des Palestiniens».
Promouvoir la paix dans l’épineux dossier israélo-palestinien implique en définitive, toujours selon lui, «le réinvestissement de la communauté internationale». «Le rôle des États-Unis est majeur», observe-t-il, avant de questionner : «Est-ce que Joe Biden a la force de semer cet esprit de paix ?»
«La fenêtre de tir existe, mais elle est étroite», résume-t-il. Pour aller dans ce sens, la France «doit jouer son rôle d’aiguillon» en parlant avec tous les partenaires de la région, estime encore Dominique de Villepin. «Il y a un énorme travail à faire pour que les Européens sortent d’une certaine forme de passivité, d’une certaine forme d’attentisme. Trop souvent nous sommes passifs, tentons de suivre les Américains alors que nous avons une responsabilité», conclut-il.
Proche-Orient : «Il est essentiel de ne se couper de personne», estime Villepin