Après des mois de tractations, le gouvernement américain a donné son feu vert à la vente d'avions de chasse F-16 à la Turquie, pour un montant de 23 milliards de dollars, dans la foulée de la ratification par Ankara de l'adhésion de la Suède à l'OTAN. Un bras de fer qui en dit long sur les rapports au sein de l'alliance Atlantique.
C’est fait : Washington a validé l’acquisition par la Turquie de 40 nouveaux F-16 et par la Grèce de 40 F-35 pour un montant de 8 milliards de dollars, a fait savoir le département d’Etat ce 26 janvier. Ce dernier a formellement notifié, comme l’exige la loi américaine, le Congrès de cette double vente en fin de journée.
Les Etats-Unis ont attendu pour ce faire que les instruments de ratification par la Turquie de l’adhésion suédoise à l’OTAN soient physiquement déposés à Washington, a précisé un responsable américain s’exprimant sous couvert d’anonymat, témoignant du caractère ultra-sensible des négociations qui ont prévalu à cet accord.
En tant que dépositaires du Traité de l’Atlantique nord, tous les instruments de ratification doivent être déposés dans la capitale fédérale, qui accueillera en juillet un sommet pour les 75 ans de l’Alliance atlantique. La loi américaine exige par ailleurs que le Congrès soit notifié de toute vente d’armement américain à un gouvernement étranger.
L’affaire des F-16 pour la Turquie, qui en a besoin pour moderniser sa force aérienne, est l’histoire d’une longue saga qui a émaillé les discussions entre les Etats-Unis et la Turquie dans le sillage de la candidature suédoise à l’Alliance atlantique.
Le Parlement turc a approuvé le 23 janvier l’adhésion de Stockholm, mettant fin à 20 mois de tractations qui ont testé la patience des alliés occidentaux d’Ankara, désireux de faire front uni face à Moscou dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a mené un bras de fer exigeant d’abord de la Suède une série de réformes et posant ensuite comme condition cette vente simultanée d’avions F-16 américains.
Pour satisfaire les exigences d’Ankara, la Suède a réformé sa Constitution et adopté une nouvelle loi antiterroriste, la Turquie accusant la Suède de mansuétude envers des militants kurdes réfugiés sur son sol, considérés pour certains comme terroristes par Ankara.
La Suède avait annoncé en mai 2022, à la suite du conflit ukrainien, sa candidature à l’OTAN, en même temps que la Finlande, devenue en avril le 31e membre de l’organisation.
Intense séquence
Si le gouvernement américain a toujours été favorable à la vente de F-16 à la Turquie, des élus au Congrès notamment démocrates s’y étaient opposés et bloquaient le dossier accusant la Turquie de violation des droits de l’homme et des tensions avec la Grèce. Et ils avaient directement liés ce contrat à la ratification turque.
De ce fait, l’administration Biden s’était retenue jusqu’à ce vendredi d’en notifier le Congrès. L’influent président démocrate de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Ben Cardin, a fait part, dans un communiqué diffusé ce 26 janvier au soir, de son accord pour la vente, soulignant n’avoir «pas pris cette décision à la légère».
Le Congrès a le pouvoir de la bloquer en votant une résolution conjointe mais personne ne s’y attend, la condition de la ratification de l’adhésion suédoise étant à présent levée.
Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a mené une intense séquence diplomatique entre Athènes et Ankara pour obtenir cet accord, allant jusqu’à répéter par trois fois au président turc lors d’un déplacement à Ankara juste après le séisme en février 2023, qu’il n’y aurait pas d’avions sans ratification, selon le responsable.
L’accord a nécessité au préalable qu’Athènes s’engage à ne pas faire obstruction à la vente, et Athènes se voit accorder de façon simultanée des F-35 plus perfectionnés. Athènes avait vivement contesté la vente d’avions de combat F-16 à Ankara en raison des différends territoriaux qui l’opposent depuis longtemps à la Turquie dans la région de la Méditerranée orientale, riche en ressources énergétiques.
Reste encore la Hongrie
Ce nouvel élargissement de l’OTAN n’est cependant pas tout à fait terminé. Il reste à la Hongrie de ratifier l’adhésion suédoise malgré les promesses de Budapest qu’elle ne serait pas le dernier pays à donner son feu vert. « Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a une fois de plus montré qu’il était le membre le moins fiable de l’OTAN », a déploré le sénateur Ben Cardin.
A Washington, on dit s’attendre à ce que cela prenne encore quelques semaines mais que la Hongrie s’est engagée à aller de l’avant, ce qui permet d’envisager une cérémonie de levée de drapeaux lors d’une prochaine ministérielle de l’OTAN, à son siège de Bruxelles en avril.
Syrie : la présence américaine est la «principale raison de l’instabilité» dans le pays, estime la Russie