Téhéran et Riyad, deux puissances régionales jusqu'alors hostiles, se sont mis d'accord pour poursuivre les efforts visant à stabiliser et pacifier le Moyen-Orient. Ce rapprochement pourrait avoir un impact positif en Syrie mais aussi au Yémen.
Les chefs de la diplomatie de l’Iran, Hossein Amir-Abdollahian, et de l’Arabie saoudite, Fayçal ben Farhane, ont convenu ce 6 avril à Pékin de poursuivre le travail de rapprochement de leurs nations, moins d’un mois après un accord surprise, avec le soutien de la Chine, pour normaliser leurs relations. «Les deux parties ont convenu de poursuivre la mise en œuvre de l’accord de Pékin et son application d’une manière qui accroisse la confiance mutuelle ainsi que les champs de coopération et qui aide à créer la sécurité, la stabilité et la prospérité dans la région», selon un communiqué commun publié à l’issue de leur rencontre.
La télévision publique chinoise CCTV, de son côté, a salué «la première rencontre officielle entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays en plus de sept ans», une avancée obtenue «sous la médiation active de la Chine».
Future visite du président iranien à Riyad ?
Une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning, a également indiqué devant la presse que «la Chine travaillera avec les pays [de la région] pour mettre en œuvre des initiatives […] afin de promouvoir la sécurité, la stabilité [et] le développement» au Moyen-Orient.
La rencontre des deux ministres dans la capitale chinoise coïncide avec la venue du président français Emmanuel Macron et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Les deux responsables européens souhaitent faire entendre la voix de l’Europe auprès du président chinois Xi Jinping, dont le pays est un partenaire stratégique de la Russie, et qu’ils ne désespèrent pas de voir jouer un rôle pour la paix en Ukraine.
L’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, et l’Iran, en désaccord avec les pays occidentaux sur ses activités nucléaires, avaient surpris le monde en annonçant le 10 mars vouloir rétablir leurs relations diplomatiques dans les deux mois, à l’issue de pourparlers menés secrètement en Chine. Les deux pays avaient rompu leurs liens en 2016 après l’attaque de missions diplomatiques saoudiennes par des manifestants dans la République islamique, à la suite de l’exécution par Riyad d’un religieux chiite.
Selon le ministère iranien des Affaires étrangères, les deux ministres «ont négocié et échangé des opinions en mettant l’accent sur la reprise officielle des relations bilatérales et les mesures à prendre en vue de la réouverture des ambassades et des consulats des deux pays». Ils «ont également discuté de questions bilatérales». La télévision publique saoudienne Al-Akhbariya les a montrés échangeant une poignée de main puis se parlant en souriant devant les drapeaux iranien et saoudien.
Ce rapprochement devrait permettre aux deux pays de rouvrir leurs ambassades d’ici mi-mai et de mettre en œuvre des accords de coopération économique et de sécurité signés il y a plus de 20 ans. Il devrait être formellement célébré à l’occasion d’une visite du président iranien, Ebrahim Raïssi, à Riyad, à l’invitation du roi Salmane d’Arabie saoudite, un déplacement prévu après le ramadan, fin avril.
Ce climat de détente pourrait avoir des répercussions sur plusieurs conflits régionaux, notamment en Syrie et au Yémen, où les deux pays soutiennent des camps opposés.
L’accord à Pékin en mars marque en outre l’engagement croissant de la Chine au Moyen-Orient, alors qu’elle restait jusque-là perçue comme réticente à s’impliquer dans les dossiers épineux de la région.
La méfiance des Etats-Unis et d’Israël
Les Etats-Unis avaient pour leur part «salué» l’annonce du 10 mars, tout en soulignant qu’il restait «à voir si l’Iran remplirait ses obligations». «La Chine étant un solide soutien de l’Iran, l’Arabie saoudite devrait être rassurée sur le fait que l’Iran respectera l’accord», juge Joel Rubin, un ancien sous-secrétaire d’Etat adjoint américain.
Allié des Etats-Unis et autre adversaire de l’Iran, Israël observe avec inquiétude ce rapprochement irano-saoudien qui pourrait affecter les Accords d’Abraham, processus de normalisation avec certains pays arabes.
En parallèle des négociations avec Riyad, Téhéran cherche à renouer les liens avec d’autres capitales qui, pour soutenir l’Arabie saoudite, avaient réduit leurs liens diplomatiques depuis 2016.
Ces derniers mois, les Emirats arabes unis et le Koweït ont ainsi repris leurs relations diplomatiques avec l’Iran. Le processus est engagé avec Bahreïn, et l’Egypte pourrait suivre. Le 4 avril, Téhéran a nommé un ambassadeur à Abou Dhabi après près de huit années d’absence. Les Emirats avaient annoncé en août l’envoi d’un ambassadeur à Téhéran avec la volonté affichée de «renforcer les relations».
Après plusieurs années de brouille, Téhéran et Riyad annoncent le rétablissement de leurs relations