Après avoir obtenu entre autres un engagement des deux pays nordiques à extrader des militants kurdes qu'il considère comme «terroristes», le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis fin à son opposition à leur entrée dans l'Alliance atlantique.
Opposé depuis la mi-mai à l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN, le président turc Recep Tayyip Erdogan a fini par lever son veto le 28 juin après avoir obtenu d’importantes contreparties, alors que l’Alliance a ouvert son sommet à Madrid.
«Je suis ravi d’annoncer que nous avons un accord qui ouvre la voie à l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN» et qui répond «aux inquiétudes de la Turquie sur les exportations d’armes et sur la lutte contre le terrorisme», a déclaré le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg devant la presse. Les membres de l’Alliance vont donc pouvoir «inviter» officiellement, ce 29 juin, les deux pays nordiques à rejoindre l’OTAN, a-t-il ajouté. Après plusieurs salves de négociations ces dernières semaines, le dirigeant turc s’était réuni plusieurs heures dès son arrivée à Madrid avec son homologue finlandais Sauli Niinistö et le Premier ministre suédois Magdalena Andersson, avant la signature formelle d’un accord dont Jens Stoltenberg a rendu compte devant la presse.
Ankara obtient la «pleine coopération» des pays nordiques pour extrader des militants kurdes
La Turquie bloquait l’adhésion de la Suède et de la Finlande car elle les accusait d’abriter des militants de l’organisation kurde PKK, qu’elle considère comme «terroriste». Elle dénonçait également la présence dans ces pays de partisans du prédicateur Fethullah Gülen, soupçonné d’avoir orchestré une tentative de coup d’Etat en Turquie en juillet 2016. De surcroît, la Turquie exigeait la levée des blocages d’exportations d’armes décidés à son encontre par Stockholm après l’intervention militaire turque dans le nord de la Syrie en octobre 2019.
Selon Jens Stoltenberg, dans le cadre de cet accord, les deux pays nordiques se sont engagés à «renforcer leur coopération» en matière de lutte contre le terrorisme avec Ankara et à s’entendre sur des «extraditions» de membres d’organisations kurdes que la Turquie considère comme «terroristes». «La Turquie a obtenu ce qu’elle voulait», c’est-à-dire la «pleine coopération» des pays nordiques contre le PKK et ses alliés, a déclaré la présidence turque dans son communiqué.
Comme le rapporte l’agence de presse turque Anadolu, le mémorandum trilatéral signé par Ankara, Stockholm et Helsinki prévoit que «la Finlande et la Suède s’engagent à empêcher les activités du PKK et de toutes les autres organisations terroristes ainsi que leurs prolongements». Les deux pays nordiques assurent qu’ils traiteront «les demandes d’expulsion ou d’extradition de personnes soupçonnées de terrorisme de manière rapide et approfondie, en tenant compte des informations, preuves et renseignements fournis par la Turquie», et enquêterons «sur toute activité de financement et de recrutement du PKK et de toutes les autres organisations terroristes et leurs prolongements, ainsi que les groupes ou réseaux affiliés ou inspirés, avant de les interdire». Enfin, les trois pays confirment par cet accord «qu’il n’existe désormais aucun embargo sur les armes».
Dans la foulée de l’accord, la Turquie a réclamé ce 29 juin l’extradition de 33 personnes soupçonnées de terrorisme à la Finlande et la Suède.
Dans un entretien avec l’AFP, la suédoise Magdalena Andersson a salué une «étape très importante pour l’OTAN». Selon elle, les deux pays nordiques, qui ont décidé d’abandonner leur neutralité depuis le début de l’intervention militaire russe en Ukraine, seront «pourvoyeurs de sécurité» de l’Alliance. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a estimé pour sa part que l’adhésion des deux pays nordiques allait rendre l’Alliance «plus forte et plus sûre».
Washington satisfait
Dans un communiqué publié par la Maison Blanche, le président américain Joe Biden a «félicité la Turquie, la Finlande et la Suède» pour la signature de cet accord. L’intégration de la Finlande et de la Suède va «renforcer la sécurité collective de l’OTAN et va bénéficier à l’ensemble de l’Alliance transatlantique», a écrit Joe Biden. «Alors que nous commençons ce sommet historique à Madrid, notre Alliance est forte, plus unie et plus déterminée que jamais», a-t-il poursuivi.
Washington a affirmé que la Turquie n’a pas fait «de demande particulière de concessions aux Américains» pour lever son opposition à l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN, alors que Recep Tayyip Erdogan Erdogan doit rencontrer Joe Biden le 29 juin, en marge du sommet. Avant de partir pour Madrid, le président turc avait souligné que le «sujet le plus important» entre les deux pays était celui des F-16, en référence aux avions de chasse commandés et partiellement payés par la Turquie, mais dont les Etats-Unis ont suspendu le contrat de livraison après l’acquisition par Ankara d’un système de défense antiaérienne russe S-400.
La dernière rencontre entre Joe Biden et Recep Tayyip Erdogan, après des mois de brouille entre Ankara et Washington, remonte au mois d’octobre 2021 à Rome, en marge du G20, sommet qui rassemble les 20 pays les plus industrialisés.
A plusieurs reprises, la Russie a mis en garde contre les conséquences d’une entrée de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN : en février 2022, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, avait déclaré que cette adhésion des deux pays nordiques «aurait de graves répercussions politico-militaires auxquelles notre pays serait obligé de répondre». En avril, elle avait affirmé que «les conséquences négatives pour la paix et la stabilité en Europe du nord» étaient «évidentes».
Stockholm et Helsinki avaient fait état de leur intention de rejoindre l’alliance militaire dominée par les Etats-Unis après le lancement de l’offensive russe en Ukraine.
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