Les conducteurs de trains ont donné le coup d'envoi de la plus longue grève dans les chemins de fer allemands. Elle va paralyser le trafic durant six jours et sans doute coûter des centaines de millions d'euros à la première économie européenne.
Après les agriculteurs, les conducteurs de trains. Ces derniers ont lancé une grève, provoquée par un conflit sur les salaires et le temps de travail, qui a commencé ce 24 janvier à 2h dans le transport de voyageurs et dès la veille au soir pour le fret. Le mouvement doit prendre fin le 29 janvier à 18h.
Le ministre des Transports Volker Wissing l’a qualifiée de «destructrice» alors que l’Allemagne, où le PIB s’est contracté de 0,3% l’an dernier, se fait distancer dans la compétition internationale.
Selon la Deutsche Bahn (DB), il s’agira de la plus longue grève des conducteurs de trains en Allemagne, battant un précédent record de mai 2015. C’est la quatrième grève depuis novembre 2023, sur fond de négociations bloquées entre la DB et le syndicat GDL des conducteurs de locomotives.
Cette action prolongée «est aussi une grève contre l’économie allemande», a déclaré la porte-parole de la DB, Anja Bröker, mettant en garde contre l’impact sur les chaînes d’approvisionnement.
Si l’opérateur ferroviaire veut s’efforcer de garantir les livraisons aux centrales électriques et aux raffineries, des perturbations dans l’approvisionnement des usines automobiles, chimiques ou sidérurgiques ne sont pas exclues.
Avec six corridors de fret ferroviaire européens, l’Allemagne est une plaque tournante du trafic de marchandises et DB Cargo, filiale fret de la DB, exploite environ 20 000 trains par semaine desservant une grande partie du continent.
«Même après la fin d’une grève, il faudra plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour que le réseau européen soit opérationnel», selon l’évaluation de la DB.
«Une grève nationale d’une journée dans les chemins de fer peut coûter jusqu’à 100 millions d’euros par jour» à la production économique allemande, estime l’économiste Michael Grömling, de l’institut IW Cologne, proche du patronat.
Multiplication des conflits sociaux
Cette paralysie ferroviaire survient dans un contexte déjà tendu pour le secteur logistique en raison des ralentissements et des surcoûts dans le transport maritime de marchandises engendrés par le contournement de la mer Rouge, au cœur d’une crise sécuritaire.
«Dans des cas extrêmes, le coût de cette grève pourrait atteindre un milliard d’euros», avance M. Grömling. Pour le groupe Deutsche Bahn, chaque journée de grève entraîne des coûts chiffrables en dizaines de millions d’euros, a indiqué une porte-parole à l’AFP.
La compagnie assure avoir «fait des concessions» et une dernière offre «généreuse allant jusqu’à 13%» de hausses de salaires avec une possibilité de baisse du temps de travail.
La longue grève qui démarre est «proportionnée, légale et permise» selon les tribunaux qui ont examiné cette question, a soutenu ce 24 janvier le président du syndicat des conducteurs de train GDL, Claus Weselsky, sur la chaîne publique ZDF.
Face à une direction DB «réticente à discuter», il convient donc de «frapper plus longtemps et plus fort», a asséné le chef du syndicat minoritaire au sein de la compagnie de quelque 211 000 salariés.
GDL revendique des hausses de salaires pour compenser l’inflation et un passage à la semaine de 35 heures sur quatre jours, contre 38 heures hebdomadaires actuellement.
La dernière offre de la compagnie publique porte sur 37 heures hebdomadaires pour le même salaire, ou bien une augmentation de salaire supplémentaire de 2,7% pour ceux qui garderaient le même volume horaire.
Deutsche Bahn avait mis fin cet été à un conflit social lancé par le syndicat majoritaire EVG, qui représente 180 000 agents.
L’Allemagne, réputée pour la qualité du dialogue social, voit se multiplier des conflits sociaux. D’importantes branches professionnelles de l’industrie et des services ont mené des négociations salariales tendues dans un contexte d’inflation grignotant le pouvoir d’achat des salariés. Ces mouvements sociaux fragilisent aussi la coalition gouvernementale du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, aux prises avec une impopularité record.
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