Alors que la production européenne est en berne à cause de la crise énergétique, la Maison Blanche songerait à sanctionner le groupe russe Rusal. Une décision potentiellement lourde de conséquences pour les cours mondiaux – et pour les Européens.
Le cours de l’aluminium a rebondi de 7% le 12 octobre, accrochant les 2 400 dollars la tonne avant un léger repli. Un soubresaut qui s’explique par les rumeurs de sanctions contre les importations russes aux Etats-Unis. Selon Bloomberg, l’administration Biden songerait en effet à rehausser drastiquement ses frais de douanes sur l’aluminium russe, voire à sanctionner directement le groupe Rusal, numéro 2 mondial du secteur.
Une décision qui, selon l’agence, ferait son chemin à Washington depuis les récentes frappes de Moscou en Ukraine. Qu’importe si son fondateur et propriétaire, Oleg Deripaska, a dès le mois de mars appelé à mettre fin aux hostilités en Ukraine.
Le spectre de ces sanctions américaines n’a pas manqué de provoquer une ruée des industriels sur l’aluminium, avec une hausse du volume des opérations sur les marchés. Bien que l’aluminium russe ne pèse qu’autour de 4% des approvisionnements américains, contre 15 à 20% en Europe, d’éventuelles sanctions américaines pousseraient les acheteurs du Vieux continent à restreindre leurs propres achats en raison des craintes suscitées par l’extraterritorialité de la justice étasunienne.
Les Russes menacés d’exclusion du London Metal Exchange
L’impact de ces menaces venues des Etats-Unis est d’autant plus significatif sur le marché, qu’elles s’ajoutent à d’autres menaces proférées plus tôt depuis l’Angleterre.
Fin septembre, la Bourse des métaux de Londres (LME) lançait une consultation de ses partenaires quant à une possible interdiction pour les compagnies minières russes d’approvisionner ses entrepôts. Une mesure radicale qui, selon la principale place boursière mondiale des métaux non ferreux, viserait à «préserver le marché».
Bien que les métaux russes soient pour l’heure relativement épargnés par les sanctions occidentales, la LME brandit la crainte qu’une vague d’invendus russes puisse provoquer un effondrement des cours mondiaux. Une accumulation qui pourrait se produire en cas de sanctions ou si trop de clients européens emboitaient le pas à des entreprises telles que Novelis ou Norsk Hydro, qui ont annoncé leur refus de s’approvisionner en aluminium russe.
Une analyse de risques que semble partager le numéro 3 de l’aluminium, l’américain Alcoa, favorable à l’exclusion des Russes, mais contre laquelle met en garde la Chine. Leader du marché, celle-ci craint qu’une telle décision n’accentue la volatilité des cours des métaux. Les chiffres des exportations russes d’aluminium vont d’ailleurs à rebours des craintes de la LME. Selon Reuters, entre mars et juin, les expéditions de ce métal vers l’Europe et les Etats-Unis ont respectivement progressé de 13% et 21%.
Aluminium : la production européenne divisée par deux en un an
Quoi qu’il en soit, cette annonce britannique avait provoqué un rebond des prix de l’aluminium début octobre, mettant fin à un recul net et continu de six mois (-42% depuis son record de début mars). Une baisse malgré l’effondrement de la production européenne. «50% de la capacité totale en aluminium a été perdue», alertait fin septembre le lobby patronal Business Europe, dans une lettre ouverte adressée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Une baisse de la production provoquée par la flambée, depuis l’automne 2021, des coûts de l’énergie dans le monde et tout particulièrement en Europe.
Une crise qui n’épargne pas le géant russe. Rusal est en effet propriétaire d’importantes installations industrielles en Europe, comme la raffinerie d’Eurallumina en Sardaigne ou encore l’usine d’alumine d’Aughinish en Irlande. Cette dernière fut, jusqu’en avril 2018, le plus gros fournisseur de la fonderie de Dunkerque.
Date qui correspond à la précédente volée de sanctions prises par l’administration américaine à l’encontre de Rusal, au motif officiel d’«attaques» de Moscou envers des «démocraties occidentales», avant de les lever en janvier 2019. Quelles furent les exigences de Washington pour retirer le groupe russe de sa liste noire ? Le limogeage de l’ex-député français Jean-Pierre Thomas de son poste de président du conseil d’administration de Rusal ou encore l’entrée, à celui de la holding En+ Group, de cinq Américains dont un proche de la Maison-Blanche.
Maxime Perrotin
Un ancien conseiller de Sarkozy nommé à la tête de Rusal, géant russe de l’aluminium