Le secrétaire d'État américain est en visite en Arabie saoudite du 6 au 8 juin. Baisse de la production de pétrole, sanctions à l'égard de la Russie et divergences sur les sujets régionaux, les désaccords sont nombreux entre Washington et Riyad.
Alors que les désaccords se multiplient entre Riyad et Washington, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken est en visite en Arabie saoudite jusqu’au 8 juin.
Le diplomate américain a notamment rencontré l’homme fort du royaume, Mohammed ben Salmane, avec lequel il s’est entretenu pendant 1 heure et 40 minutes. Selon Reuters, qui cite un responsable du gouvernement Biden, la conversation entre les deux hommes a été «franche et ouverte». Ils ont abordé les sujets régionaux, à l’instar de la crise soudanaise, la question yéménite ou encore les négociations avec Israël en vue d’une normalisation.
Entente russo-saoudienne sur l’or noir
Cette visite intervient dans un contexte de normalisation avec l’Iran et d’une nouvelle baisse de production de pétrole, en plus d’un accord plus large de l’Opep+ pour limiter l’offre et ainsi augmenter le prix du baril. Le prix du Brent est aujourd’hui de 76 dollars le baril, contre 140 en mars 2022. Cette réduction, soutenue par la Russie, est un nouveau camouflet pour Washington, qui voit son allié saoudien prendre de plus en plus ses distances par rapport à ses intérêts.
En avril dernier, l’Opep avait également décidé d’une nouvelle baisse, contre l’avis de la Maison Blanche. Les autorités américaines avaient réagi aux coupes surprises de production en jugeant qu’elles n’étaient «pas opportunes», compte tenu de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation galopante chez les pays consommateurs. La volonté saoudienne de baisser la production est à juste titre perçue comme la fin d’une ère, celle jadis d’un alignement inconditionnel sur l’agenda du Pentagone.
D’ailleurs, un article du Wall Street Journal paru le 3 avril dernier avançait que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane avait récemment déclaré à ses associés qu’il n’était «plus intéressé à plaire aux États-Unis». Une posture qui s’inscrit également dans un changement géopolitique.
Le chef de la CIA à Riyad
Le conflit en Ukraine a été le révélateur de cette brouille américano-saoudienne. A plusieurs reprises, Washington s’est attendu à un suivisme de Riyad sur l’imposition de sanctions à l’égard de la Russie. Il n’en a rien été, et la monarchie s’est cantonnée à un rôle de médiateur pour la libération des prisonniers de guerre. La fin de la marginalisation de Mohammed ben Salmane suite à l’affaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi et les flatteries occidentales avec les nombreux déplacements dans le royaume n’ont rien changé. L’homme fort de l’Arabie saoudite adopte une sorte de realpolitik qui répond aux intérêts économiques et sécuritaires de son pays.
Face à l’indépendance politique saoudienne grandissante, le directeur de la CIA Williams Burns s’est rendu en avril dernier en catimini à Riyad pour s’entretenir avec Mohammed ben Salmane. Il lui aurait fait part de sa «frustration» concernant le récent réchauffement des relations avec Damas et Téhéran ainsi que l’entente avec la Chine et la Russie.
Au regard de la baisse de production de pétrole, de sa neutralité à l’égard du conflit en Ukraine, du rabibochage avec d’anciens ennemis et de son intérêt croissant pour rejoindre les BRICS, l’Arabie saoudite embrasse une politique pragmatique au gré de la conjoncture, quitte à s’éloigner de son ancien allié et protecteur. Il faudra davantage qu’une visite d’Anthony Blinken pour retourner la tendance.
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