Auchan Retail a catégoriquement démenti dans un communiqué les accusations de contribution à l'effort de guerre russe en Ukraine, en réaction à une enquête réalisée notamment par Le Monde et le groupe d'investigation controversé Bellingcat.
«Auchan Retail dément catégoriquement les faits relatés par cette enquête et leur interprétation», a déclaré ce 17 février dans un communiqué Auchan Retail, qui chapeaute l’activité de distribution du groupe, à propos d’une enquête menée par le Monde, selon laquelle Auchan aurait contribué à l’effort de guerre russe en Ukraine.
Ces allégations «ne sont nullement corroborées par la réalité de [nos] recherches internes qui confirment, elles, le strict respect des réglementations en vigueur», affirme également Auchan Retail, cité par l’AFP. Le groupe «réaffirme donc que ses magasins restés ouverts en Russie le sont pour permettre à la population russe (comme c’est le cas par ailleurs en Ukraine pour la population ukrainienne) de se nourrir et qu’ils n’apportent aucune aide volontaire et active à un quelconque approvisionnement d’autres catégories de consommateurs que la population civile russe».
Des informations provenant notamment de l’organisation controversée Bellingcat
Selon des documents obtenus par le journal français Le Monde, en collaboration avec le site d’information russe The Insider – opérant depuis la Lettonie – ainsi que le controversé groupe d’investigation lié au gouvernement britannique Bellingcat (tous deux classés comme agents de l’étranger en Russie), une collecte de produits d’une valeur totale de 2 millions de roubles (environ 25 000 euros) aurait été organisée au sein de la filiale locale d’Auchan en Russie à destination des militaires russes. L’enquête cite une source anonyme ayant déclaré que ce chargement aurait été offert gratuitement par Auchan.
Selon Le Monde, une contrôleuse de gestion pour Auchan avait établi une liste de matériel le 15 mars 2022 dans un mail envoyé «à une vingtaine d’employés dans plusieurs magasins à Saint-Pétersbourg, dans l’ouest de la Russie, dans le but de “collecter des dons d’aide humanitaire”». Cette liste comprenait «des milliers de cigarettes, des chaussettes en laine taille 43 ou 44, des cartouches de réchauds à gaz, du ragoût de porc en conserve, des haches et des clous, le tout provenant du stock de l’enseigne», poursuit le quotidien. Ce dernier cite enfin un ex-employé «devenu lanceur d’alerte, aujourd’hui en exil», qui affirme que selon les dires d’une de ses responsables, cette aide aurait finalement été «destiné[e] à l’“opération spéciale”».
Auchan dans le collimateur de Kiev
Après la publication de l’enquête, ce 17 février, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a ni plus ni moins accusé Auchan d’être devenu une «arme à part entière de l’agression russe».
«Auchan s’est transformé en une arme à part entière de l’agression russe. J’ai l’intention d’en discuter avec mon homologue française» Catherine Colonna, a asséné Dmytro Kouleba sur Twitter, qui avait déjà appelé à boycotter le groupe l’année dernière pour ne pas s’être retiré de Russie après le début de l’offensive en Ukraine.
Last year, I urged the world to boycott Auchan for failing to withdraw from Russia and stop funding war crimes. However, the reality seems to be far worse: Auchan has evolved into a full-fledged weapon of Russian aggression. I intend to discuss this with my French counterpart. https://t.co/5Gp607HKPs
— Dmytro Kuleba (@DmytroKuleba) February 17, 2023
Auchan est implanté de longue date en Ukraine comme en Russie. Au 30 juin 2022, il exploitait, selon sa documentation financière citée par l’AFP, 230 magasins en Russie et 42 en Ukraine, précisant que ces deux pays avaient généré, l’année précédente, «environ 12% du chiffre d’affaires» du groupe, soit près de 3,6 milliards d’euros.
La branche ukrainienne d’Auchan «choquée» par ces allégations
La direction d’Auchan s’était dite plus tôt ce 17 février «très surprise» par l’enquête du Monde, soulignant que «les seuls éléments apportés datent de mars 2022», soit quelques semaines après le déclenchement de l’opération militaire russe en Ukraine, et que dans ce cas, «les interlocuteurs qui ont passé commande étaient des interlocuteurs habituels, qui nous avaient déjà passé commande préalablement». «Nous ne finançons et participons de façon volontaire et active à aucune collecte destinée aux forces russes», avait ajouté le groupe, citée par l’agence de presse française.
La branche ukrainienne d’Auchan a, de son côté, publié un message sur Facebook se disant «choquée» de ces allégations et avoir contacté la direction française pour recevoir des éclaircissements. De son côté, «Auchan Ukraine a fourni une assistance aux Ukrainiens pour plus de 60 millions de hryvnias», a-t-elle fait valoir, soit 1,5 million d’euros, depuis le début du conflit.
Le groupe précisait également, dans sa documentation financière de juin 2022, avoir créé un «fonds de solidarité international» pour «abonder les projets de soutien portés par Auchan Ukraine». Il revendiquait une «aide financière» s’élevant «au 30 juin à plus de 5,5 millions d’euros», ainsi que 2 300 tonnes de dons en nature (denrées alimentaires et non-alimentaire)».
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