Le tir mortel sur un jeune de 17 ans, le 27 juin, a remis en cause la loi de 2017 assouplissant la légitime défense pour les policiers. La Nupes et LFI veulent la modifier alors qu’en 2022, 13 personnes ont été tuées lors de contrôles routiers.
Le policier qui a effectué le tir mortel sur Nahel, le 27 juin dernier, «comprend qu’il sert de fusible, à calmer les émeutiers», selon son avocat. S’exprimant sur BFMTV le 29 juin au soir, maître Laurent-Franck Liénard a déploré que les violences urbaines se poursuivent au nom de la «justice» : «Les émeutiers ne vont pas se calmer parce que mon policier est en détention. La preuve, ça continue.» «Qu’est-ce qu’ils veulent de plus ? Un échafaud ?», s’est encore indigné l’avocat, qui insiste sur le fait que son client a été placé en détention provisoire.
Le 27 juin, Nahel a été tué par balles lors d’un contrôle routier à Nanterre. Une première version des forces de l’ordre avançait que l’adolescent avait tenté de fuir en mettant en danger la vie d’un policier. Une affirmation démentie par plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux, qui remettent en cause la légitime défense de l’agent ayant tiré.
«Le parquet considère que les conditions légales d’usage de l’arme» par le policier auteur du tir, âgé de 38 ans, «ne sont pas réunies», avait souligné le 29 juin dans la matinée le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache. Le policier a été inculpé pour homicide volontaire et placé en détention provisoire, a ensuite annoncé le parquet.
Bousculé, le policier ne voulait pas toucher le thorax, plaide Me Liénard
En tout état de cause, son client n’a pas cherché à tuer Nahel, affirme Laurent-Franck Liénard : «Il essaye de tirer sur la jambe du conducteur, et à ce moment-là, il est poussé par la voiture et il se retrouve avec le canon qui monte. Il déclenche son tir dans une région thoracique qu’il ne souhaitait évidemment pas atteindre», estimant toutefois que ce geste «était absolument nécessaire» pour arrêter le véhicule. Son client présente ses excuses à la famille de la victime, a ajouté le défenseur du policier.
Dans la foulée de cet événement tragique, dans la nuit du 27 au 28 juin, des émeutes et des affrontements avec la police ont éclaté à Nanterre (92) et dans plusieurs communes de la région parisienne. Depuis, le mouvement s’est étendu à toute la France, à une vitesse et une intensité jamais vue, même pendant les émeutes de 2005, quand la plupart des banlieues françaises s’étaient embrasées après la mort de deux jeunes qui tentaient d’échapper à la police. Fustiger cette dernière ne résoudra pas la crise, selon l’avocat : «Plus vous allez mettre les policiers en détention, plus vous allez taper sur les forces de l’ordre, et plus le désordre va augmenter», estime-t-il.
Au-delà des violences urbaines, le tragique incident a remis au centre du débat public la loi Cazeneuve, qui encadre la légitime défense dans le contexte d’un refus d’obtempérer. Une notion régulièrement remise en cause à gauche de l’échiquier politique. Jean-Luc Mélenchon (LFI, La France insoumise) a ainsi parlé de «permis de tuer» à propos de cette loi, un argumentaire repris par Mathilde Panot, députée Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), qui a lancé sur Twitter le 27 juin un «rappel au gouvernement : la peine de mort a été abolie. Le permis de tuer n’existe pas dans ce pays». Elle a d’ailleurs annoncé le 29 juin que la LFI et la Nupes allaient déposer un projet de loi visant à modifier l’article 435-1 de la loi sur la sécurité intérieure.
Refus d’obtempérer : +50% en dix ans
Celui-ci permet de tirer sur les occupants d’un véhicule, dans trois cas de figure : la légitime défense classique, telle qu’elle s’applique à tout citoyen, à savoir riposter de façon «simultanée et proportionnée» à une attaque «actuelle et réelle». Les deux nouveaux cas de figure sont que le policier dispose d’informations sur la dangerosité des occupants du véhicule avant de tirer, ou que des personnes se trouvent dans la direction de fuite du véhicule.
Ancien ministre de l’Intérieur et ex-Premier ministre, Bernard Cazeneuve a réagi à ces accusations : «C’est un texte qui dit : “vous ne pouvez tirer que lorsque vous êtes en situation de légitime défense”. Hors le cadre de la légitime défense, l’utilisation de la force non proportionnée et aboutissant à des drames peut faire l’objet d’une condamnation pénale des policiers. Le permis de tuer, il est où dans ce texte ?»
Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (Onsir), le nombre de refus d’obtempérer a bondi de 46,6% entre 2010 et 2019, à 29 098 cette année-là. Mais selon le même organisme, le «refus, par le conducteur, d’obtempérer à une sommation de s’arrêter dans des circonstances exposant à un risque de mort ou de blessures» se limite à 3 000 à 4 000 cas annuels ces six dernières années, avec un pic en 2020 à 4 543.
Par ailleurs en 2022, 13 personnes ont été tuées par la police lors de contrôles routiers, soit six fois plus que l’année précédente. Une statistique spectaculaire, mais à relativiser, selon Thierry Clair, secrétaire général du syndicat UNSA Police : «Si on fait le rapport entre le nombre de refus d’obtempérer qui n’a cessé d’augmenter et le nombre de tirs, on est dans des proportions qui n’ont pas tellement évolué.»
Nanterre : un jeune homme de 17 ans tué par la police après un refus d’obtempérer