Une prostituée refusant trop fréquemment des relations sexuelles avec des clients pourra voir son proxénète exiger une médiation du gouvernement. C’est une des conséquences de la loi accordant un statut salarié aux travailleuses du sexe en Belgique.
«En vertu de la loi, si une [femme] refuse un [client] plus de dix fois en six mois, un proxénète peut déclencher l’intervention d’un médiateur gouvernemental mais ne peut pas licencier l’employé», a dénoncé dans The Telegraph l’ancienne prostituée et militante contre l’exploitation sexuelle commerciale Andrea Heinz. Dans le viseur : la nouvelle législation belge en matière de prostitution.
La Belgique avait déjà été le premier pays européen à dépénaliser celle-ci, en 2022. Le Parlement est allé plus loin début mai, permettant aux prostituées de bénéficier d’un contrat de travail et donc d’un statut salarié. Les travailleuses du sexe seront donc classées parmi les employées de l’hôtellerie et se voient ouvrir un droit à une assurance-maladie, à une pension, à des allocations de chômage, à des vacances et à un congé de maternité. L’objectif initial : lutter contre l’exploitation abusive et la criminalité qui en découle. Mais l’enfer n’est-il pas pavé de bonne intentions ?
«Encourager gentiment les femmes à retourner dans le lit du bordel»
Selon Andrea Heiz, le texte voté a «peu de chances [de favoriser] réellement les femmes». «Les proxénètes deviennent des “gestionnaires” avec le soutien de l’État pour renforcer et maintenir leur pouvoir», ajoute-t-elle.
La création d’un «médiateur du gouvernement» est pour elle un danger considérable, dont le rôle serait d’«encourager gentiment les femmes à retourner dans le lit du bordel» lorsqu’elles «ne remplissent pas leurs obligations [sexuelles]».
And “government mediator”…??!
Wtf is that?Someone to mediate pimp-victim “contracts” ie – gently encourage women to get back in the brothel bed when they are “not fulfilling their [sexual] obligations”?!
And this is somehow considered “progressive” and “empowering” for women.
— Andrea Heinz (@heinzsight2020) May 9, 2024
Un texte controversé
Le texte ne convainc pas non plus les associations féministes, comme l’évoque le média belge RTBF qui cite la directrice d’une association, Mireira Crespo : «Celles qui voulaient déjà être protégées par un contrat de travail pouvaient l’être, explique-t-elle, mais il s’agit de la minorité des personnes prostituées. La majorité d’entre elles est enfermée dans cette activité et la Belgique ne fait pas assez pour les soutenir.»
Selon les estimations fédérales de 2022, il y aurait environ 3 000 travailleuses du sexe actives en Belgique. Cependant, certaines études estiment que ce chiffre est dix fois plus élevé. La police fédérale belge a affirmé en 2015 qu’environ 26 000 femmes travaillaient comme prostituées et que 80% d’entre elles étaient exploitées par des gangs de trafiquants venus de Bulgarie, de Roumanie, d’Espagne, du Portugal, de Hongrie et du Nigeria, entre autres pays.
«Le meurtre d’une pute, les gens ne s’y intéressent pas» : la prostitution en grève à Bruxelles