Le 8 mars, RT France saisissait la justice de l'UE pour faire suspendre en référé son interdiction de diffusion. Le Tribunal de l’UE a fait savoir qu'il refusait de suspendre cette interdiction, dans l'attente d'un jugement sur le fond de l'affaire.
Le président du Tribunal de l’Union Européenne a rejeté la requête en référé de RT France, demandant la suspension du règlement du Conseil de l’Union européenne qui interdit la diffusion du média dans l’UE. L’action sur le fond – demandant l’annulation de ce règlement européen – sera elle examinée dans le cadre d’une procédure accélérée.
Dans une ordonnance publiée ce 30 mars, le Tribunal de l’Union Européenne rappelle les conditions qui, de manière générale, justifient une procédure de référé – à savoir, une condition d’urgence qui justifie que le juge prenne des mesures provisoires. En particulier, l’urgence doit être justifiée par «la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire». Or, le Tribunal de l’Union Européenne a considéré que RT France n’avait «pas démontré que la condition relative à l’urgence [était] remplie en l’espèce».
La juridiction européenne fait notamment valoir que «les activités de diffusion de la requérante dans l’Union ou en direction de l’Union n’ont été suspendues que temporairement, jusqu’au 31 juillet 2022 ou jusqu’à ce que l’agression contre l’Ukraine prenne fin». «Les actes attaqués n’empêchent pas la requérante de diffuser ses contenus en dehors de l’Union, y compris en Afrique francophone ou au Canada, et ses employés d’exercer dans l’Union d’autres activités que la diffusion, telles que les enquêtes et des entretiens, comme rappelés dans le considérant 11 des deux actes attaqués», ajoute-t-elle.
L’activité professionnelle d’un journaliste est essentielle pour lui, essentielle pour le journal et essentielle pour l’information
Pour maître Emmanuel Piwnica, avocat de RT France, si la requête en référé a été rejetée par le Tribunal de l’UE, le fait que l’action sur le fond sera examinée dans le cadre d’une procédure accélérée «est bien la preuve que l’affaire est urgente». «Je ne peux que regretter cette décision [de rejet de la requête] ; cela étant, ce qui est important est que cela va venir très vite au fond», considère-t-il.
A cette occasion, l’avocat de RT France souligne également que les journalistes du média «se trouvent dans une situation où ils ne peuvent plus exercer leur activité professionnelle». Or, relève maître Emmanuel Piwnica, «il faut tout de même se rappeler que l’activité professionnelle d’un journaliste est essentielle pour lui, essentielle pour le journal et essentielle pour l’information […] ce qui n’a pas été pris en considération [par le juge]».
2/3 Cette décision prise sans qu’aucune audience de plaidoirie ne soit organisée se prononce uniquement sur cette condition de recevabilité du référé, sans aborder la question de la légalité du Règlement européen concernant la suspension de la diffusion des contenus de RT France.
— RT France_COM (@RTFranceCOM1) March 30, 2022
En outre, comme le rapporte le service de communication de RT France, le rejet de la requête en référé a été pris sans qu’aucune audience de plaidoirie n’ait été organisée.
La chaîne RT France n’a jamais été sanctionnée par le régulateur des médias français
RT France avait introduit ce 8 mars deux recours devant le Tribunal de l’Union Européenne pour faire suspendre en référé et annuler au fond l’interdiction de diffusion dans l’Union européenne, qui avait été annoncée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dès le 27 février.
Dans le contexte de l’opération militaire russe en Ukraine, la Commission européenne avait en effet invoqué la nécessité de couper tous les canaux de diffusion (satellite, web et réseaux sociaux) en Europe de «la machine médiatique du Kremlin» représentée, selon elle, par RT et Sputnik.
Pour rappel, il existe notamment en France une loi contre la manipulation de l’information, votée en 2018, qui vise à mieux protéger la démocratie contre les diverses formes de diffusion intentionnelle de fausses informations. Or RT France n’a jamais été poursuivie pour diffusion de désinformation. La chaîne RT France dispose par ailleurs d’une convention avec l’Arcom (ex-CSA) et n’a jamais été sanctionnée par le régulateur.
Fin février, après l’annonce européenne de l’«interdiction» de RT et Sputnik, la présidente de RT France, Xenia Fedorova, avait dénoncé cette mesure de censure : «La décision de bannir notre chaîne, dans laquelle travaillent 176 salariés, dont plus de 100 journalistes, est une violation de l’Etat de droit et va à l’encontre des principes mêmes de la liberté d’expression. Rien ne peut justifier cette censure».
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