La marine brésilienne a annoncé le 3 février avoir coulé dans l'océan Atlantique l'ancien porte-avions Foch rempli d'amiante, de peintures et autres déchets toxiques, une décision critiquée par plusieurs organisations de défense de l'environnement.
Le São Paulo, l’ex porte-avions français Foch, repose à présent dans une zone d’une «profondeur approximative de 5 000 mètres». Ce «naufrage planifié et contrôlé s’est produit en fin d’après-midi» le 3 février, a indiqué dans un communiqué la marine brésilienne. Plus tôt dans la semaine, elle avait estimé ne pas avoir d’autre choix vu l’état très dégradé de cette vieille coque de 266 mètres de long, qualifiée de «colis toxique de 30 000 tonnes» par l’association Robin des Bois.
«Face aux risques qu’implique le remorquage et en raison de la détérioration de la coque […], la seule solution est d’abandonner la coque en la coulant de façon contrôlée», avait expliqué le 1er février la marine dans un communiqué conjoint avec le ministère brésilien de la Défense.
Le ministère public fédéral du Brésil (MPF), qui a tenté d’arrêter l’opération en multipliant les recours devant les tribunaux, a alerté sur les conséquences, soulignant cette semaine que le porte-avions «contient actuellement 9,6 tonnes d’amiante, une substance au potentiel toxique et cancérigène, ainsi que 644 tonnes d’encres et d’autres matières dangereuses».
Des ONG dénoncent «une violation de trois traités internationaux» sur l’environnement
Il y a un «risque de graves dommages environnementaux […] notamment parce que la coque est endommagée», a fait valoir le ministère public. Même son de cloche du côté des ONG environnementales Greenpeace, Sea Shepherd et Basel Action Network, qui ont dénoncé «une violation de trois traités internationaux» sur l’environnement. Ce naufrage causera des dommages «incalculables», avec «des impacts sur la vie marine et les communautés côtières» ont-ils décrié dans une déclaration commune.
Empêcher cette opération serait «probablement» «inutile», étant donné «l’imminence d’un naufrage spontané de la coque, ce qui n’apporterait rien à l’environnement et serait susceptible de mettre en péril la vie de l’équipage impliqué dans le remorquage», a pour sa part écrit le juge du tribunal fédéral de l’Etat du Pernambouc (nord-est), selon le site internet G1.
Le magistrat a autorisé l’opération bien qu’il l’ait considérée comme une solution «tragique et regrettable», selon G1. Une zone située à quelque 350 kilomètres au large des côtes brésiliennes, avec 5 000 mètres de profondeur, a été considérée comme étant «la plus sûre» pour ce sabordage, selon le communiqué du ministère brésilien de la Défense.
Interdit de retourner dans les eaux territoriales brésiliennes
Il y a deux semaines, la marine avait annoncé avoir pris en remorque l’ancien porte-avions dans l’Atlantique. Il était jusque-là tracté par un remorqueur néerlandais pour le compte du chantier turc Sok Denizcilik. Elle avait précisé qu’au vu de son état de dégradation et «du risque élevé» qu’il représentait pour l’environnement, elle n’autoriserait pas son retour dans un port ou dans les eaux territoriales brésiliennes.
Plusieurs ONG avaient alors fait part de leur crainte de voir le Brésil commettre un «crime environnemental». Ce fleuron de la marine française, passé en 2000 sous pavillon brésilien, a longtemps erré en mer à la recherche d’un port refuge.
Ce scandale du Foch rappelle celui du Clemenceau dont nous avions réussi à imposer la dépollution et le démantèlement dans un chantier européen. Déjà nous demandions que ces opérations soient financièrement provisionnées tout au long de la vie du navire ! https://t.co/cawDaftvDC
— Yannick Jadot (@yjadot) February 4, 2023
Construit à la fin des années 1950 dans le chantier naval de Saint-Nazaire, dans l’ouest de la France, il a été pendant 37 ans au service de la Marine nationale, avant d’être acheté en 2000 par le Brésil, qui l’a rebaptisé.
Une longue errance
Mais en raison de sa vétusté et d’une série de problèmes liés notamment à un incendie en 2005, et alors que sa modernisation aurait coûté trop cher, Brasilia a décidé de s’en défaire. Le chantier Sok Denizcilik l’a acheté pour sa ferraille en avril 2021 mais menaçait de l’abandonner faute de trouver un port pour l’accueillir.
En juin 2022, il obtient l’autorisation des autorités brésiliennes de le convoyer jusqu’en Turquie en vue de son démantèlement. Mais alors qu’il se trouve fin août au niveau du détroit de Gibraltar, les autorités environnementales turques, sous la pression d’associations de protection de l’environnement, font savoir qu’il n’est plus le bienvenu. Le Brésil lui fait faire demi-tour mais sans l’autoriser à accoster malgré le constat d’une «aggravation des dommages» au niveau de la coque.
Le 19 janvier, le remorqueur néerlandais ALP Guard opérant pour le compte du chantier commence à s’éloigner des côtes brésiliennes, après avoir passé plusieurs mois au large du Pernambouc. Mais une décision de justice lui interdisait de naviguer dans les eaux internationales sans autorisation préalable des autorités brésiliennes.
C’est la raison pour laquelle l’agence publique environnementale brésilienne Ibama, responsable au Brésil de l’application de la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux, a fini par demander une intervention de la marine brésilienne.
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