Nouvelles révélations sur les manœuvres passées du réseau social. Elon Musk a contribué à révéler les délibérations puis les décisions qui ont amené Twitter à supprimer le compte de Donald Trump, alors encore président.
Les dernières révélations, publiées le 10 décembre, s’arrêtaient au 6 janvier 2021, jour de l’assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump, 48 heures avant la suppression non moins fatidique du compte Twitter de Donald Trump. Le 12 décembre, le nouveau patron de Twitter Elon Musk a partagé de nouvelles informations fracassantes sur les pratiques passées du réseau social, longuement twittées par la journaliste américaine Bari Weiss, fondatrice du média The Free Press.
«Sous la pression de centaines d’employés militants, Twitter a supprimé de la plateforme Trump, un président américain en exercice, bien qu’ils admettent eux-mêmes qu’il n’avait pas violé les règles», a résumé le truculent milliardaire, laissant la parole à la reporter. Dans une succession de 45 tweets, celle-ci a livré les dessous d’une décision intensément politique prise par les dirigeants du réseau social.
Under pressure from hundreds of activist employees, Twitter deplatforms Trump, a sitting US President, even though they themselves acknowledge that he didn’t violate the rules: https://t.co/60PplztV4k
— Elon Musk (@elonmusk) December 12, 2022
«Après le 6 janvier, la pression s’est accrue, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de Twitter, pour bannir Trump», rapporte ainsi la journaliste, relevant plusieurs «dissidents», opposés à une telle censure. Des «voix minoritaires» relève néanmoins Weiss : «Peut-être parce que je suis de Chine, je comprends profondément comment la censure peut détruire la conversation publique», écrivait ainsi un employé sur la messagerie interne de l’entreprise. «Je comprends cette peur^^ [mais] être censuré par le gouvernement est très différent d’une censure du gouvernement», lui a répondu un collègue.
Aucun doute pour les salariés : Trump incitait à la violence
Trump avait été en grande partie élu en 2016 en contournant les médias et en s’adressant directement à ses électeurs via Twitter. Quatre ans plus tard, les employés se sont ainsi organisés pour demander à leur employeur de bannir le futur ex président, défait par Joe Biden le 3 novembre 2020. «Y a-t-il la moindre chaîne ou groupe [sur la messagerie] où nous pourrions organiser davantage d’action?» demandait ainsi l’un d’entre eux.
Au cœur de la contestation, les tweets du Président, accusés d’être une «incitation à la violence» par ses détracteurs au sein de la firme. Trump avait en effet twitté pour encourager ses partisans à «se rendre au Capitole [le Parlement américain]», qualifiant les élections de «fraude» et refusant de reconnaître sa défaite.
Source: AP 6 janvier 2021 : les partisans de Donald Trump, voulant bloquer la certification du vote du collège électoral en faveur de Joe Biden, forcent les entrées du Capitole. 800 d’entre eux parviennent à s’introduire. Quatre manifestants et un policier périrent durant les échauffourées.
Le Républicain n’admettra une «transition ordonnée» que le 7 janvier, au lendemain de la bataille du Capitole, et après le vote des grands électeurs interrompu par l’assaut, tout en déclarant être «en désaccord complet avec les résultats de l’élection».
Twitter accusé de complicité avec une insurrection
Le 8 janvier au matin, le Washington Post publiait une lettre ouverte, signée par 300 salariés de Twitter et adressée au CEO Jack Dorsey, exigeant le bannissement du 45e président des Etats-Unis. «Nous devons examiner la complicité de Twitter dans ce que le Président-élu Biden a correctement appelé une insurrection», accusaient de surcroît les employés.
12. But the Twitter staff assigned to evaluate tweets quickly concluded that Trump had *not* violated Twitter’s policies.“I think we’d have a hard time saying this is incitement,” wrote one staffer.
— Bari Weiss (@bariweiss) December 12, 2022
L’équipe chargée d’évaluer les tweets de Donald Trump doutait, comme le rapporte Bari Weiss, de la possibilité de qualifier d’incitation à la violence les tweets incriminés. Notamment, le message de Donald Trump indiquant qu’il ne se rendrait pas à l’investiture de Joe Biden. «Des gens pourraient dire que c’est la preuve qu’il ne soutient pas une transition apaisée», rétorqua alors un cadre.
18. Next, Twitter’s safety team decides that Trump’s 7:44 am ET tweet is also not in violation. They are unequivocal: “it’s a clear no vio. It’s just to say he’s not attending the inauguration” pic.twitter.com/zdxSsG1UBS
— Bari Weiss (@bariweiss) December 12, 2022
Bari Weiss fait ici remarquer que la politique de Twitter n’avait pas conduit le réseau, en juin 2018, à supprimer le Tweet ou à bannir l’Ayatollah Khamenei pour avoir qualifié Israël de «tumeur cancéreuse maléfique qui doit être éradiquée». Inversement, le réseau avait supprimé le message d’octobre 2020 d’un ancien premier ministre malaisien écrivant que «les musulmans ont un droit à être en colère et à tuer des millions de Français pour les massacres du passé», sans pour autant le bannir.
Les dirigeants cèdent sous la pression
«Mais les dirigeants de Twitter ont banni Trump, bien que des membres clés du staff aient dit que Trump n’avait pas incité à la violence, même de manière “codée”», résume ensuite Weiss, avant de raconter comment l’atmosphère a rapidement dégénéré.
«De multiples Tweeps [employés de Twitter] ont cité la Banalité du Mal [un livre de la philosophe Hannah Arendt sur le nazisme] suggérant que les personnes mettant en place nos politiques sont comme des nazis suivant des ordres», observait ainsi Yoel Roth, directeur du Conseil de confiance et de sécurité, censé assurer «la sérénité» des discussions sur la plateforme, semble-t-il inquiet et favorable.
33. Many at Twitter were ecstatic. pic.twitter.com/wgxuwQBLkU
— Bari Weiss (@bariweiss) December 12, 2022
La décision de bannir Trump fut donc prise le 8 janvier, mesure justifiée par «le risque de nouvelles incitations à la violence». «Nombreux furent ceux chez Twitter à être extatiques», décrit Weiss. Et celle-ci de conclure : «les craintes face aux efforts de Twitter de censurer des informations sur l’ordinateur de Hunter Biden, de blacklister des vues en défaveur, et bannir un président, (…) portent sur le pouvoir d’un poignée de personnes dans une entreprise privée à influencer le discours public et la démocratie».
Porosité avec les renseignements et choix politiques : Twitter et les élections américaines de 2020