Le département du Trésor des Etats-Unis a menacé de pénaliser les entreprises et institutions turques faisant du commerce avec la Russie. Depuis le début du conflit en Ukraine, la Turquie a refusé d’appliquer les sanctions occidentales.
«Une lettre signée par le secrétaire américain adjoint au Trésor, Adewale Adeyemo, sur le risque de sanctions pour les entreprises en Turquie en lien avec les personnes et institutions visées par les sanctions contre la Russie, a été transmise à la Tüsiad», a annoncé dans un communiqué ce 24 août cette organisation patronale turque, la plus importante du pays.
La lettre, datée du 22 août et dont le contenu a été publié par le quotidien américain The Wall Street Journal (WSJ), met en garde les compagnies turques d’un «risque accru» pour elles face «aux tentatives de la Russie d’utiliser [la Turquie] pour échapper aux sanctions».
«Les entreprises turques ne peuvent s’attendre à faire du commerce avec les individus ou entités russes sanctionnés et maintenir des liens avec les Etats-Unis. […] Les banques turques ne peuvent espérer avoir des liens avec les banques russes sanctionnées et conserver leurs relations avec les banques mondiales, ainsi qu’avoir accès aux dollars américains», menace le département du Trésor dans sa lettre adressée aux deux organisations patronales turques, selon le WSJ.
Le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan avaient annoncé début août un accord pour renforcer la coopération énergétique et économique, à l’issue de leur rencontre à Sotchi, en Russie. Ankara avait aussi annoncé un paiement partiel en roubles du gaz russe et un élargissement du champ d’application du système russe du paiement Mir en Turquie.
Inquiétudes de Washington
Le secrétaire adjoint américain au Trésor, Wally Adeyemo, a effectué une rare visite en juin à Ankara pour exprimer les inquiétudes de Washington sur les entreprises russes qui se serviraient de leurs liens en Turquie pour échapper aux sanctions.
Tout en condamnant rapidement l’offensive militaire russe, la Turquie a choisi la neutralité entre les deux pays et ne s’est pas jointe aux sanctions occidentales contre Moscou. Selon les chiffres officiels, les exportations turques vers la Russie entre mai et juillet ont augmenté de près de 50% par rapport à l’année précédente.
Selon «des analystes» cités par l’AFP, renforcer la coopération avec la Russie pourrait aider l’économie turque en difficulté à l’approche des élections de 2023. Le président turc avait notamment justifié sa politique de ne pas prendre part aux sanctions contre la Russie par la forte dépendance de la Turquie au pétrole et au gaz russe. «Imposer des sanctions à la Russie nuirait plus que tout à la Turquie», avait de son côté déclaré en juin le conseiller en politique étrangère du chef de l’Etat turc, Ibrahim Kalin. «Nous avons adopté une approche claire. Les Occidentaux l’ont acceptée en ce moment», avait-il ajouté. Les autorités turques n’ont pas pour l’instant officiellement réagi à la lettre du département du Trésor. Mais le ministère des Finances a fait savoir dans un communiqué que l’adjoint au ministre des Finances, Yunus Elitas, s’était entretenu par téléphone avec son homologue américain.
Soulignant que la Turquie entretenait des relations économiques et politiques profondes avec l’Ukraine et la Russie, il a affirmé selon le communiqué que la Turquie «ne permettra[it] cependant pas la violation des sanctions par quelque individu ou institution que ce soit».
Poutine et Erdogan s’accordent pour renforcer la coopération économique et énergétique russo-turque