Une source au sein du ministère russe des Affaires étrangères a prévenu que le gel des comptes bancaires pourrait déboucher sur des «mesures de rétorsion contre les médias français» présents en Russie.
Citée par les agences RIA Novosti et TASS, une source au sein du ministère russe des Affaires étrangères a commenté le 21 janvier l’annonce du gel des comptes de RT France, expliquant que des mesures de rétorsions allaient être appliquées contre des médias français présent sur le sol russe.
«Le blocage des comptes de RT France entraînera des mesures de rétorsion contre les médias français en Russie», a-t-elle fait savoir, ajoutant : «Les mesures seront telles qu’elles ne les oublieront jamais.»
Une demande de la Direction générale du Trésor
Le 18 janvier, l’établissement bancaire de RT France lui avait fait parvenir un courrier dans lequel il expliquait que les fonds du média étaient gelés à la demande de la Direction générale du Trésor, évoquant le cadre du neuvième paquet de sanctions de l’Union européenne pris contre la Russie depuis le début du conflit en Ukraine.
La mesure visant la maison-mère de RT France, TV-Novosti, compromet en effet le paiement des prestataires et salariés de la chaîne. Cette décision fait suite à l’interdiction de diffusion dans l’Union européenne adoptée le 27 février 2022 – quand bien même la justice européenne avait par la suite assuré que cette mesure n’empêchait aucunement les journalistes de RT France de faire leur travail…
Les sections syndicales de RT France d’indignent de la décision
Cette annonce avait suscité de nombreuses réactions parmi des personnalités, certaines se désolant d’une «censure d’un autre âge».
Les deux syndicats représentatifs des salariés de RT France, à savoir les sections du Syndicat national des journalistes (SNJ) et de Force ouvrière, avaient publié un communiqué commun le 20 janvier intitulé «RT France devait mourir !», pour réagir à l’annonce du gel des comptes du média. «Ce sont près de 100 salariés et environ une cinquantaine de journalistes qui vont basculer dans le chômage», avaient elles déploré en pointant le caractère contradictoire de la décision européenne, qui n’était pas censée empêcher toute production de contenu.
Jugeant légitime la critique de la ligne éditoriale de tout média, dont RT France, les deux syndicats soulignaient pour autant que «la volonté politique de mettre fin à une rédaction pour des raisons politiques est un fait inédit dans l’histoire récente», qui devrait inquiéter l’ensemble des partisans du pluralisme, au-delà de leurs divergences d’opinions. La mesure interroge, selon elles, «sur l’état de notre démocratie, où un média peut être débranché séance tenante». «Ne croyez pas que ce qui arrive à RT France ne pourrait pas se reproduire ailleurs», lançaient ils en guise d’avertissement. Ils rappelaient aussi que le média n’a jamais été sanctionné «pour avoir diffusé une fausse information», à la différence d’autres, subitement spécialisés en géopolitique et en armement depuis le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine.
"RT France devait mourir"
Alors que nous allons basculer dans le chômage, nos salaires sont actuellement gelés sur décision de l'Etat.
Communiqué intersyndical des sections @SNJ_RTFrance et @FO_RTFrance, le 20 janvier 2022. pic.twitter.com/xUnHsD0Yyx
— SNJ RT France (@SNJ_RTFrance) January 20, 2023
Le secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes, Ricardo Gutiérrez, avait pour sa part critiqué la censure de RT et de Sputnik décrétée par l’UE dans une interview à France 24 le 9 décembre, en notant que les Etats membres avaient voté directement une interdiction au lieu de saisir les régulateurs et de les laisser statuer de manière indépendante. En ne respectant pas ce mécanisme «essentiel pour protéger la presse contre les interférences politiques», il avait estimé que les autorités européennes avaient créé un dangereux précédent qui représente une menace pour la liberté de la presse».
Quasiment un an de censure
Pour rappel : peu après le déclenchement de l’opération militaire russe en Ukraine, la Commission européenne avait invoqué la nécessité de couper tous les canaux de diffusion (satellite, Web et réseaux sociaux) en Europe de «la machine médiatique du Kremlin» représentée, selon elle, par RT et Sputnik.
Or, l’UE n’a pas été en mesure, pour appuyer cette décision, de citer la moindre fake news dont se seraient rendus coupables ces médias. Et pour cause : la chaîne RT France n’a jamais été sanctionnée par le régulateur français des médias, l’Arcom (ex-CSA).
Les avocats de RT France ont notamment dénoncé une méconnaissance de «la liberté d’expression dont doit disposer, en toutes circonstances, tout média d’information, sous le contrôle de son régulateur national».
RT France avait saisi la justice européenne mais avait été déboutée au mois de juillet. Toutefois si la diffusion était bien interdite en Union européenne, la production de contenus restait elle, en théorie, possible.
En outre, un certain nombre de personnalités médiatiques et politiques s’étaient indignés, déjà, d’une mesure liberticide et une pétition en ligne contre l’interdiction de RT France a mobilisé plus de 50 000 signataires.
«Censure d’un autre âge» : indignation après le gel des comptes de RT France