Tout juste rentré en Russie, à la faveur d'un échange de prisonniers après plus de dix ans d’incarcération aux Etats-Unis, Viktor Bout répond, pour RT en russe, aux questions de Maria Boutina, députée qui fut elle-même emprisonnée aux Etats-Unis.
Ce 10 décembre, Viktor Bout a accordé une interview exclusive à RT en russe, alors qu’il est de retour à Moscou après plus de dix ans derrière les barreaux aux Etats-Unis. Quelques jours après le fameux échange de prisonniers qui a conduit à sa libération, il a répondu aux questions de Maria Boutina, une députée russe qui lutte pour la défense des Russes emprisonnés à l’étranger – et qui a elle-même passé 18 mois derrière les barreaux aux Etats-Unis.
L’entrepreneur est revenu sur son expérience en prison et sur les conditions de sa détention. Entre autres anecdotes et descriptions de sa vie en captivité — de la nourriture aux contacts avec l’extérieur, en passant par les relations avec ses codétenus — il a par exemple raconté avoir été privé pendant 45 jours de tout contact téléphonique.
Ce qui m’est arrivé est en train d’arriver à notre pays
Sur le fond des accusations portées contre lui, il a souligné qu’il n’avait «rien fait d’illégal» et que le juge n’avait pas trouvé d’élément à charge contre lui. «Même la juge a dit lors du procès : “Excusez-moi, je n’ai rien vu de répréhensible lors de ce procès, de quoi accusez-vous Viktor ? C’est un homme d’affaires ordinaire. Beaucoup d’hommes et femmes d’affaires font la même chose que lui”», a ainsi rapporté Viktor Bout.
L’ancien détenu a ensuite souligné qu’il dirigeait une «entreprise de transport» faisant transiter des cargaisons en toute légalité. «C’est la même chose que si l’on se mettait à arrêter les chauffeurs de taxi et les dénoncer, genre : “Vous savez que vous venez de transporter un trafiquant de drogues ?”», a-t-il poursuivi.
Quant à l’objectif poursuivi lors de son arrestation, Viktor Bout analyse : «Ce qui m’est arrivé est en train d’arriver à notre pays. J’étais visiblement le premier, comment dire, comme dans un laboratoire : “Prenons ce petit gars et menons une expérience sur une personne concrète.”»
Viktor Bout estime devoir sa libération à «toute la Russie»
Evoquant ses prétendus liens avec les Taliban, qui lui ont été reprochés notamment dans les médias mainstream, Viktor Bout dénonce des accusations «impensables». «Où sont les preuves ?», demande-t-il, soulignant que les Taliban ont même mis sa propre tête «à prix». Et de tacler des médias traditionnels occidentaux comme CNN, qui racontent selon lui «n’importe quoi» et ont pour principal public… les retraités.
Je suis fier d’être russe et notre président, c’est Poutine
Interrogé par Maria Boutina sur sa préférence entre Joe Biden et Donald Trump, Viktor Bout rétorque n’en avoir aucune. Il ajoute, usant d’une métaphore : «Pepsi cola et Coca-cola, quelle différence ?» Selon lui, les Russes accordent en effet «trop d’attention» à la politique intérieure américaine. Au cours de l’entretien, Viktor Bout évoquera néanmoins des aspects de la société américaine tels que le fléau de la drogue ou encore l’idéologie LGBT. Il racontera même le changement de sexe d’un codétenu, passé, selon son récit, de «Jeff» à «Jessica».
Celui qui a finalement été libéré au cours d’un échange entre Moscou et Washington contre la basketteuse américaine Brittney Griner (qui était incarcérée en Russie pour trafic de drogue), raconte son bref échange avec cette dernière. «Je lui ai souhaité bonne chance, elle m’a tendu la main», raconte-t-il, jugeant que la réaction de la sportive avait été très positive à son égard. «Dans notre tradition, il faut souhaiter bonne chance à tout le monde», conclut-il.
Interrogé sur le portrait de Vladimir Poutine qui trônait dans sa cellule, Viktor Bout confirme et explique : «Je suis fier d’être russe et notre président, c’est Poutine.» L’homme d’affaires affirmera par ailleurs tout son soutien à «l’opération militaire spéciale» menée par Moscou en Ukraine (et dénoncée par Kiev et ses alliés comme une guerre d’invasion). «Si j’avais la possibilité et les compétences nécessaires, je me serais inscrit en tant que volontaire sans aucun doute», lance-t-il.
Viktor Bout affirme ensuite devoir sa libération à «toute la Russie». «J’ai reçu tant de lettres de tout le pays ! […] Des inconnus m’écrivaient», raconte l’entrepreneur, disant même avoir reçu des courriers de soutien venus d’Ukraine.
Ancien traducteur et radio de l’armée de l’air soviétique, Viktor Bout a été arrêté en Thaïlande en 2008. Selon l’accusation, il avait accepté de vendre un arsenal de fusils et de missiles à des agents secrets américains se faisant passer pour des guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie, qui disaient vouloir utiliser ces armes pour abattre des hélicoptères américains aidant l’armée colombienne. Il a été extradé en 2010 de Thaïlande dans un jet spécialement affrété par les Etats-Unis. Reconnu coupable en novembre 2011 de trafic d’armes par la justice américaine, il a été condamné en avril 2012 à New York à 25 ans de prison.
Maria Boutina, une autre victime de l’«arbitraire» étasunien ?
Citoyenne russe, Maria Boutina avait connu une mésaventure similaire, puisqu’elle avait été arrêtée en 2018 aux Etats-Unis, où elle militait pour le droit du port d’armes. Les enquêteurs lui reprochaient notamment de ne pas s’être enregistrée comme agent étranger auprès du département américain de la Justice, comme l’exige une loi datant de 1938, la Foreign Agent Registration Act (FARA). Cette loi visait alors la propagande nazie et a été réactivée dans le cadre de la campagne antirusse lancée après la victoire de Donald Trump en novembre 2016.
Maria Boutina a purgé sa peine après avoir plaidé coupable – ce qui lui a permis d’écoper d’une peine beaucoup plus courte que si elle avait plaidé non-coupable. L’affaire Boutina a provoqué un tollé en Russie et Moscou a qualifié d’«infondées» les accusations contre Boutina. Vladimir Poutine a fermement critiqué la condamnation de Maria Boutina, affirmant qu’elle n’avait commis aucun crime et que Washington tentait simplement de «sauver la face». Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, avait pour sa part qualifié Boutina de «victime d’un véritable arbitraire» et d’«otage des autorités américaines».
Depuis 2021, Maria Boutina, également députée de la Douma d’Etat, est à la tête de la fondation Svoih ne brosaem («Nous n’abandonnons pas les nôtres», en français), qui lutte pour défendre le droit des Russes emprisonnés à l’étranger, ainsi que pour leur retour. Son organisation vient également en aide, plus généralement, aux citoyens russes en difficulté à l’étranger.
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