Simone Gbagbo a été élue le 20 août à la tête du Mouvement des générations capables (MGC), qui s'inscrit dans l'opposition au président ivoirien Alassane Ouattara dont le mandat s'achèvera en 2025.
L’ex-première dame de Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo, a créé le 20 août son parti politique avant l’échéance sensible de la présidentielle de 2025, rompant ainsi politiquement avec l’ex-président Laurent Gbagbo. Cette rupture politique suit une rupture d’ordre privée, Simone et Laurent Gbagbo étant en instance de divorce, à la demande de ce dernier.
Sans surprise, étant la seule candidate, Simone Ehivet Gbagbo a été élue présidente du Mouvement des générations capables (MGC) avec 100% des voix par plusieurs centaines de délégués de tout le pays, lors d’une assemblée générale constitutive du parti de deux jours.
«Nous y sommes, notre parti politique est désormais dans la place»
Jusqu’à sa transformation en parti politique, le MGC était une coalition de mouvements soutenant Simone Gbagbo, créée en septembre dernier, avec déjà dans sa ligne de mire la prochaine présidentielle. «Nous y sommes, notre parti politique est désormais dans la place», s’est-elle réjouie, allant jusqu’à esquisser quelques pas de danse avec ses partisans.
Elle a placé son parti résolument dans l’opposition au président ivoirien Alassane Ouattara. Selon elle, la «réconciliation nationale» qu’il a initiée «n’a jamais vraiment démarré de façon sérieuse». Elle a tout de même remercié le chef de l’Etat d’avoir récemment libéré deux officiers supérieurs de l’armée ivoirienne, incarcérés pour leur rôle dans la crise sanglante de 2010-2011, rappelant toutefois qu’il restait «une vingtaine de militaires» en prison.
L’ambition de son parti «humaniste et progressiste, fortement ancré dans la social-démocratie» et dont la devise est «Audace, solidarité, souveraineté», est «de transformer qualitativement les mentalités» pour construire «une Côte d’Ivoire nouvelle et moderne», selon elle.
Aujourd’hui âgée de 73 ans, elle a formé un redoutable tandem avec Laurent Gbagbo lorsque celui-ci était président de 2000 à 2011.
C’est pour leur rôle pendant la crise sanglante – environ 3 000 morts – qui avait suivi la présidentielle de 2010, et née du refus de Laurent Gbagbo de reconnaître les résultats de l’instance électorale donnant Alassane Ouattara vainqueur, qu’ils avaient été arrêtés à Abidjan en avril 2011. Laurent Gbagbo arguait alors que la proclamation des résultats du scrutin par la Cour constitutionnelle, le donnant gagnant, ne pouvait être contestée.
Le 28 mars 2011, après quatre mois de médiations infructueuses, les Forces républicaines pro-Ouattara (FRCI, anciens rebelles qui contrôlaient le nord du pays) lançaient une offensive vers le sud, prenant en quatre jours le contrôle de la quasi-totalité du territoire. Durant cette crise, 3 000 personnes ont été tuées.
Moins de deux mois plus tard, le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo était finalement arrêté par les FRCI, après une bataille de 10 jours dans la capitale et plusieurs jours de bombardements par la force française Licorne et l’ONU (qui avait reconnu la victoire d’Alassane Ouattara dans les urnes). La France avait de fait reçu mandat de l’institution internationale pour protéger ses ressortissants et maîtriser les forces pro-Gbagbo mais son interventionnisme dans le dossier ivoirien reste à ce jour controversé.
Nouvelle trajectoire
Simone Gbagbo a été accusée d’être liée aux «escadrons de la mort» contre les partisans d’Alassane Ouattara. Condamnée en 2015 dans son pays à 20 ans de prison pour «atteinte à la sûreté de l’Etat», elle a bénéficié en 2018 d’une loi d’amnistie, au nom de la «réconciliation nationale».
Laurent Gbagbo, également condamné à 20 ans de prison en Côte d’Ivoire pour le «braquage» de la Banque centrale ouest-africaine pendant la crise de 2010-2011, vient lui de bénéficier d’une grâce présidentielle qui n’efface toutefois pas sa peine, ce qui pourrait l’empêcher de se présenter en 2025. Simone Gbagbo l’a regretté, estimant que la grâce, en lieu et place de l’amnistie qui annule la peine, «alourdit davantage l’atmosphère socio-politique» en Côte d’Ivoire.
Dans la foulée de l’acquittement de Laurent Gbagbo par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye en mars 2021 où il était poursuivi pour crimes contre l’humanité, le mandat d’arrêt lancé par cette cour contre Simone Gbagbo a été levé.
Mais tant sur le plan privé que politique, les ex-époux, qui ont mené ensemble le combat pour le multipartisme dans leur pays il y a plus de 30 ans, suivent une trajectoire séparée depuis le retour en Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo en juin 2021, après son acquittement par la CPI.
Tout juste rentré après 10 ans d’absence au bras d’une autre femme, il a demandé le divorce d’avec Simone, avec qui il a eu deux filles. Laurent Gbagbo, âgé de 77 ans, a également créé en octobre dernier sa propre formation politique, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), auquel Simone n’a jamais appartenu et qui n’était pas représenté à l’assemblée générale du MGC.
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