Fragilisé par les législatives, le chef de l'Etat a renoué avec l'interview du 14 Juillet en donnant un cap pour le début de son second mandat. Il est également revenu sur son action controversée en faveur d'Uber alors qu'il était ministre.
Emmanuel Macron a renoué, ce 14 juillet, avec la traditionnelle interview à l’occasion de la fête nationale, quelques semaines après des législatives difficiles pour sa majorité qui n’a pas réussi à obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Dès le début de son entretien, le chef de l’Etat s’est efforcé de préparer les Français à une rentrée et un hiver difficiles en raison du conflit en Ukraine et tenté, en esquissant une série de réformes, de redonner un cap à son quinquennat.
«Il faut nous préparer tous à [ce que la guerre] dure. L’été et le début de l’automne seront sans doute très durs», a lancé le président, en évoquant la situation d’«économie de guerre» auquel le pays est confronté. «Le vrai changement des derniers jours […] c’est la décision russe de commencer à couper le gaz», a-t-il soutenu en référence à la fermeture du gazoduc russe Nord Stream 1 vers l’Europe. Pour rappel, cette arrêt rentre dans le cadre d’une opération de maintenance annuelle prévue depuis longtemps.
Mais pour Emmanuel Macron, «la Russie utilise l’énergie, comme elle utilise l’alimentation, comme une arme de guerre». «Nous devons aujourd’hui nous préparer à un scénario où il nous faut nous passer en totalité du gaz russe», a-t-il averti.
Retraites, pouvoir d’achat : des réformes controversées à l’épreuve de l’Assemblée
Emmanuel Macron a ensuite dévoilé des perspectives pour des Français de plus plus en inquiets face à l’inflation. L’Etat va préparer dès cet été «un plan de sobriété» énergétique dans les administrations, les éclairages collectifs, pour pallier le risque de pénurie d’énergie.
Après le projet de loi sur les mesures de soutien au pouvoir d’achat, premier acte du quinquennat en cours d’examen à l’Assemblée, il a annoncé un texte de loi sur la réforme du travail «dès cet été». Ce texte, qui fera l’objet de «discussions avec les partenaires sociaux», concernera l’assurance-chômage mais aussi la formation, a-t-il détaillé, citant aussi une réforme du lycée professionnel et la formation «tout au long de la vie».
Relevant les difficultés de nombreux secteurs à recruter, il a dit «entendre» ceux qui peuvent «trouver un autre métier» mais pas ceux qui comptent avant tout sur «la solidarité». «Progrès social» rime avec «travail», a-t-il insisté.
Emmanuel Macron a aussi appelé à «des compromis responsables» sur la réforme controversée des retraites en vue de son entrée en vigueur à l’été 2023, réaffirmant que les Français devaient «travailler plus longtemps». Faute de coalition déclarée, il entend bien arracher une majorité, texte par texte, et mettre devant leurs responsabilités toutes les forces politiques qui se mettront en travers de sa route. Un pari qui est loin d’être gagné au regard de l’opposition manifeste déjà exprimée par plusieurs formations politiques à l’instar de La France insoumise ou encore le Rassemblement national.
Uber Files : Emmanuel Macron s’agace des «cris d’orfraie» de l’opposition
Fidèle à son ton volontiers bravache, il a réitéré ne rien regretter de ses liens privilégiés avec la plateforme étasunienne Uber lorsqu’il était ministre de l’Economie.
«Vous rigolez ou quoi ?», a-t-il lancé à l’une des deux journalistes qui l’interrogeait sur ce sujet, comme il l’avait fait durant son duel télévisé avec Marine Le Pen entre les deux tours de la présidentielle. «Je n’ai pas un tempérament à être sous influence [et] je recommencerai», a-t-il martelé en s’agaçant des «cris d’orfraie» poussés par l’opposition. «C’est un combat politique que je revendique» a-t-il renchéri, vantant sa défense d’une «ouverture du marché» qui a créé des «milliers d’emplois». Le 13 juillet, lors d’un déplacement dans l’Isère, Emmanuel Macron s’était déjà dit «hyper fier» d’avoir vu «des chefs d’entreprise, en particulier étrangers» entre 2014 et 2016
Dans le cadre des «Uber Files», une enquête reposant sur des milliers de documents internes à la compagnie étasunienne de chauffeurs privés Uber, le quotidien Le Monde a conclu à l’existence d’un «deal» secret entre l’entreprise et Emmanuel Macron quand il était ministre de l’Economie de François Hollande (2014-2016). Le quotidien montre que l’ancien lobbyiste en Europe de l’entreprise, à l’époque «conseiller senior du conseil d’administration», a contribué en 2016 à lever des fonds pour la campagne du futur président.
Le président a balayé les nombreuses critiques l’accusant d’être un «lobbyiste». Vent debout, les députés de gauche de la Nupes ont demandé l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire à l’Assemblée nationale. «Est-ce que vous pensez qu’il faut aller vers plus de transparence sur le rôle des lobbies dans la fabrique de la loi, par exemple ?, je pense que c’est ce que nous sommes en train de faire», a poursuivi le chef de l’Etat, sans plus de précisions. Une déclaration a mettre sans doute en association avec le rappel à l’ordre de la Commission européenne, qui a exhorté la France a appliquer plus rigoureusement les règles de transparence en matière de lobbying.
Emmanuel Macron, qui ne pourra pas se représenter en 2027, a enfin confié «penser à la trace qu’on laisse dans l’histoire» et vouloir «être encore plus exigeant avec lui-même». Il s’est aussi dit «plus Vulcain, c’est-à-dire à la forge» que Jupiter, le dieu romain qui gouverne la terre et le ciel, et auquel son style politique est souvent associé.
«Un président méprisant des gens» : pluie de critiques de l’opposition après l’interview de Macron