Après la mort tragique de vingt-sept migrants qui avaient tenté une traversée de la Manche, Lydia Guirous s'interroge sur la capacité des leaders européens à manifester une préoccupation à géométrie variable selon la géographie des drames.
Mercredi 24 novembre : 27 personnes meurent dans la Manche et enfin l’attention médiatique et politique est revenue sur ce problème récurrent depuis des années. Pourtant, il fallait être aveugle pour ne pas voir que ce drame couvait. En 2020, 15 000 migrants ont traversé la Manche. Cette année, ce sont plus de 31 500 migrants qui se sont lancés dans cette dangereuse traversée et 7 800 ont été secourus. Ces trois derniers mois, le nombre de traversées a été multipliée par trois. La préfecture maritime l’avait signalé à de nombreuses reprises. On savait mais encore une fois il a fallu attendre le drame humain pour ouvrir les yeux.
Pendant ce temps, l’attention politico-médiatique était centrée pour ne pas dire auto-centrée, sur la Pologne et la Biélorussie avec une critique ouverte d’instrumentalisation des migrants par Loukachenko et en arrière-plan l’accusation vis-à-vis Russie de vouloir en sous-main déstabiliser la frontière extérieure de l’Europe. Les images ont fait le tour de la planète et pourtant rien n’est réglé mais au moins notre bonne conscience européenne est sauve dans un contexte où la Pologne, quelques semaines plus tôt, envisageait de ne plus être dépendante sur tous les sujets de l’UE.
Comment ne pas se dire qu’il y a deux poids, deux mesures face aux migrants en Europe ? Comment ne pas se dire que le système politico-médiatique européen fonctionne à la carte avec une émotion à la carte ? Où est véritablement l’instrumentalisation ? Du côté de la Biélorussie ? Ou du côté d’une UE qui joue l’émotion et l’humanisme en Pologne pour éviter sa dislocation face à la poussée nationaliste tout en observant les migrants de Calais couler avec femmes et enfants ?
Comment a-t-on pu parvenir à cette situation inédite et mortifère dans le Calais ? Tout d’abord, l’intensification des contrôles ferroviaires et routiers ont rendu impossible les traversées clandestines et ont donc déporté le problème sur les côtes. Par ailleurs la diminution du trafic transmanche à cause du Covid a également déporté les migrants vers des traversées de fortune. Les stratégies des passeurs ont également évolué avec la mise en place de tactiques de saturation via des leurres. Enfin selon les associations, les conditions de vie et les évacuations à intervalles réguliers poussent au départ même si celui-ci se révèle périlleux.
Le 28 novembre, Gérald Darmanin a repris la main sur ce dossier en réunissant ses homologues belges, néerlandais, d’Europol et de Frontex. On ne peut que se réjouir de voir la France retrouver les fondamentaux de son ADN républicain et humaniste face à ces drames humains.
En effet, la France, comme l’Angleterre, même si elle n’est plus européenne, ne peuvent être des pays en 2021, où des enfants et des femmes meurent noyés pour échapper à la misère.
Immigration clandestine : «un appel d’air énorme», selon Alexandre Del Valle (ENTRETIEN)