La porte-parole de la diplomatie russe est revenue sur la décision de la justice européenne confirmant la suspension de RT France, déplorant une «persécution politique» qui démontre selon elle l'absence d'indépendance des instances judiciaires.
Au cours d’une conférence de presse tenue le 2 août, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, est revenue sur la décision du Tribunal de l’Union européenne de confirmer l’interdiction de diffusion de RT France au sein de l’UE, suite à laquelle le média a décidé de former un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne, afin de faire reconnaître ses droits.
«Dans la pratique, cette décision signifie que la plus haute instance judiciaire de l’UE a officiellement reconnu la répression à motivation politique contre les médias», a-t-elle estimé. Selon la porte-parole, la justice européenne a ainsi reconnu «la persécution des médias russes pour des raisons politiques comme légitime et justifiée».
Cette décision, qu’elle juge «historique», illustrerait un phénomène de fond à l’œuvre dans les «régimes libéraux» occidentaux, qui ne respectent pas dans la pratique les valeurs qu’ils affichent. «Ce ne sont pas des démocraties. Ce n’est pas parce qu’ils se nomment ainsi qu’ils le sont», a estimé Maria Zakharova, dénonçant une «dictature du libéralisme». Celle-ci menace «le droit fondamental à un accès libre à l’information», qui n’est pas protégé dans les faits.
Zakharova dénonce une «parodie de justice»
La porte-parole a ensuite ironisé sur le caractère, selon elle, impartial des instances censées garantir les droits au sein de l’UE. «Les juges européens n’ont pas considéré comme honteux de justifier leur verdict par le fait que la suspension de la chaîne poursuit un objectif d’intérêt général et qu’elle a pour but d’exercer une pression sur les autorités russes», a-t-elle critiqué. «Est-ce un organe indépendant ou un outil ?», s’est-elle interrogée à propos du Tribunal de l’UE, n’hésitant pas à évoquer une «parodie de justice» en raison d’un «engagement politique» et d’un «manque d’objectivité» des magistrats ayant rendu la décision.
Poursuivant son analyse, Maria Zakharova a détaillé les conclusions qu’elle tire de la décision : tout d’abord, celle-ci consacre le fait que la justice européenne considère «l’existence même de médias pluralistes» comme une menace pour l’ordre public. Ensuite, il s’avère que «l’UE ne voit aucun problème à l’introduction d’une censure totale d’un média pour des raisons purement politiques», malgré le fait qu’elle se prévale de «standards démocratiques élevés». Enfin, le tribunal de l’UE «reconnaît comme légitimes les tentatives d’influencer la politique des autres Etats» en imposant ce type de sanctions à l’encontre de leurs médias nationaux.
«Aucune autre décision n’aurait pu être prise», a ajouté Maria Zakharova, insistant sur le fait que la justice européenne n’est, d’après elle, pas indépendante. Celle-ci serait au contraire soumise «à une pression politique» venant de l’UE et de l’OTAN.
A l’appui de sa thèse, elle a également rappelé qu’il n’existe «aucune preuve, aucun matériel, aucun témoignage qu’il y a eu la moindre violation de la part du média» : comme l’avait souligné RT France à plusieurs reprises, la chaîne s’est toujours conformée à ses obligations légales et soumise aux règles imposées en France par sa convention avec l’Arcom (ex-CSA).
Une décision qui reflète le déclin «irréversible» des normes et valeurs européennes
Cette absence de preuve constitue un véritable «problème» aux yeux de la porte-parole et illustre les failles du raisonnement des juges. «Si les médias et journalistes […] étaient reconnus coupables de propagation de fausses informations et de désinformation, le verdict reposerait sur ces données-là», a-t-elle observé. La décision a donc répondu, d’après Maria Zakharova, à des considérations éminemment politiques, afin d’influencer la politique de la Russie.
En conclusion, la porte-parole a jugé que «de telles décisions témoignent avec éloquence de la dévaluation irréversible des normes et valeurs européennes» et traduisent «le déclin du système de justice de l’UE». Les juges auraient ainsi fait leur choix en faveur de la politique de Bruxelles, au détriment «de l’impartialité et de la justice».
Maria Zakharova s’est inquiétée du précédent ainsi créé : «Après des verdicts pareils, aucun média et aucun journaliste ne peuvent se sentir protégés sur le territoire de l’UE», a-t-elle alerté, estimant que «toutes les proclamations et déclarations que les pays de l’UE ont eux-mêmes signées […] se transforment en simples bouts de papier» dès lors que des considérations politiques priment.
Le 27 juillet, le porte-parole du Kremlin Dimitri Peskov avait livré une appréciation similaire de la décision de la justice européenne en défaveur de RT France, déclarant que les Européens «piétinent eux-mêmes les idéaux qu’ils imposent dans le monde entier». Il avait aussi indiqué que Moscou allait prendre «des mesures similaires de pression sur les médias occidentaux qui travaillent [en Russie]».
Censure de RT : l’UE piétine les idéaux dont elle se prévaut, selon le porte-parole du Kremlin