En visite dans une école franco-américaine, le ministre de l'Education nationale est revenu sur sa nomination, qui revêt une «dimension symbolique». Selon lui, la politique française reste marquée par une hostilité aux valeurs et débats étasuniens.
Le ministre français de l’Education nationale et de la Jeunesse Pap Ndiaye, dont la nomination au printemps avait frappé les esprits mais aussi suscité l’hostilité de la droite, a critiqué le 19 septembre à New York «les traces d’anti-américanisme» qui subsistent selon lui dans la vie politique française.
Pap Ndiaye a accompagné le président de la République Emmanuel Macron pour l’Assemblée générale des Nations unies et a assisté à un sommet de l’Education sous les auspices du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Il s’est rendu à cette occasion dans deux établissements scolaires de New York, le très huppé lycée privé français de Manhattan et une nouvelle école au cursus bilingue français-anglais dans le quartier de Harlem, où vivent des minorités afro-américaines et d’Afrique de l’ouest francophone.
Au lycée français, Pap Ndiaye a longuement échangé avec des élèves qui l’ont interrogé sur son parcours qui l’a conduit, selon ses propres mots, à devenir le «premier ministre de l’Education nationale noir et également ayant des attaches africaines». Né de mère française et de père sénégalais, le ministre, agrégé et docteur en histoire, est un ancien élève de l’Ecole normale supérieure, spécialiste de l’histoire des minorités – notamment des Afro-américains aux Etats-Unis – et a étudié dans une université en Virginie.
Je suis parfois considéré comme un peu trop “woke”
Interrogé sur son parcours d’«étudiant noir» en France et aux Etats-Unis, le ministre a répondu, en s’en amusant : «Je suis parfois considéré comme trop américain en France, un peu trop “woke”, un peu trop influencé par les Etats-Unis, ce qui est suspect parfois dans le discours politique français qui a des traces d’anti-américanisme souvent bien évidentes».
Son entrée au gouvernement en mai a suscité nombre de commentaires politiques et de critiques, y compris au sein de la majorité. A droite, le Rassemblement national l’avait qualifié de «militant racialiste», tandis que le parti Reconquête! d’Eric Zemmour l’avait accusé d’être «chargé» par Emmanuel Macron «de déconstruire l’histoire de France». Plus récemment, Eric Zemmour lui a reproché de procéder à un «grand endoctrinement» en introduisant des enseignements basés sur la théorie du genre dans les établissements scolaires, ce que le ministre avait fermement démenti.
Pap Ndiaye a reconnu que le fait d’être le premier ministre noir de l’Education nationale en France revêtait une «dimension symbolique». «Mais elle [sa couleur de peau] ne me résume pas. Je pense aussi avoir des compétences, des savoirs intellectuels et universitaires pour remplir les missions de ce ministère, au mieux», s’est-il défendu.
Plus tôt, Pap Ndiaye avait inauguré une école partiellement financée par des fonds publics et des dons privés, la New York french-american charter school (NYFACS), à Harlem, qui compte un cursus bilingue d’immersion en français. D’après l’ambassade de France, 30 000 élèves aux Etats-Unis bénéficient d’un programme bilingue dans des établissements scolaires publics, ce qui en fait le premier au monde de ce type pour la coopération culturelle française à l’étranger. «Il est très important que le français, historiquement associé aux Etats-Unis aux élites de la côte Est, soit représenté par une école telle que NYFACS dans un quartier populaire où vivent des familles africaines-américaines et des familles ouest-africaines», s’est réjoui le ministre. Une ode à l’accueil des élèves issus de milieux défavorisés au cours de laquelle il n’a pas rappelé qu’il avait inscrit ses propres enfants à l’Ecole alsacienne, établissement privé coté, afin que ces derniers puissent bénéficier d’une «scolarité sereine».
Anciennement directeur du Musée de l’immigration à Paris, Pap Ndiaye n’a jamais fait mystère de son intérêt pour les sciences sociales américaines intégrant la notion de races, à l’opposé de l’approche universaliste de la République française. Dans un entretien au Monde en 2017, il jugeait que la notion de «racisme d’Etat» n’était «pas pertinente pour caractériser la situation française», tout en considérant qu’«il existe bien un racisme structurel en France, par lequel des institutions comme la police peuvent avoir des pratiques racistes». «Mon passage aux Etats-Unis m’a permis de penser la question raciale. Ce fut une forme de révélation et ce, d’autant plus qu’en France, il y a trente ans, ce sujet était très marginal dans le monde universitaire», avait-il entre autres déclaré à Vanity Fair.
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