Fragilisé depuis plusieurs semaines par une majorité chancelante, Mario Draghi a remis sa démission à la suite d'un vote de confiance au Sénat boycotté par le M5S. Une démission toutefois rejetée par le président italien, qui désire un nouveau vote.
Le Président du Conseil italien Mario Draghi, affaibli par la décision du Mouvement 5 Etoiles (M5S, membre de la coalition) de boycotter un vote de confiance au Sénat, a annoncé qu’il présenterait sa démission dans la soirée du 14 juillet.
«Ce soir, je remettrai ma démission au président de la République» Sergio Mattarella, a déclaré Mario Draghi en conseil des ministres. «La majorité d’unité nationale qui a soutenu ce gouvernement depuis sa création n’existe plus. Le pacte de confiance fondant l’action de ce gouvernement a disparu», a-t-il expliqué.
Mario Draghi, ancien patron de la Banque centrale européenne, était arrivé aux affaires début 2021 pour constituer une coalition d’«unité nationale» suffisamment large et solide pour surmonter l’urgence pandémique et la crise économique qui s’est ensuivie.
Hormis le parti Fratelli d’Italia de Georgia Meloni les principales formations représentées au Parlement sont entrées dans la coalition, du centre-gauche (Parti démocrate, Italia Viva) à la Ligue de Matteo Salvini, en passant par le parti de Silvio Berlusconi Forza Italia (centre droit), et le Mouvement 5 Etoiles.
Mario Draghi refuse de mener un gouvernement «politique» et non d’unité nationale
Conformément à l’annonce faite dans la soirée du 13 juillet par Giuseppe Conte, prédécesseur de Mario Draghi et actuel patron du M5S, les sénateurs de son parti n’ont pas participé au vote de confiance demandé par l’exécutif sur un décret-loi contenant des mesures d’environ 23 milliards d’euros pour aider les familles et les entreprises face à l’inflation. Or, sans le soutien des pentastellaires, Mario Dragi considère que son gouvernement devient «politique» et estime n’avoir pas été mandaté pour conduire un cabinet de cette nature, alors même qu’il n’a pas besoin de leurs voix, ni à la Chambre des députés, ni au Sénat.
«Depuis mon discours d’investiture au Parlement, j’ai toujours dit que ce gouvernement aurait continué seulement s’il avait une perspective claire de réaliser le programme de gouvernement sur lequel les forces politiques avaient voté la confiance […] Ces conditions n’existent plus aujourd’hui», a-t-il justifié le 14 juillet.
Les frictions n’ont cessé de s’intensifier avec le M5S, que ce soit à l’intérieur du parti ou au sein du gouvernement. Les pentastellaires s’étaient en outre divisés par la création d’un groupe parlementaire dissident composé d’une soixantaine d’élus Insieme per il Futuro («Ensemble pour l’Avenir»), à l’initiative du ministre des Affaires étrangères Luigi di Maio, ex-président du M5S.
Le mouvement aurait aussi, voire surtout, des arrière-pensées électoralistes, selon des analystes consultés par l’AFP. «Le M5S s’écroule dans les sondages et a besoin de récupérer de la visibilité […]. Il veut être au centre de l’attention», a expliqué à l’AFP Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien et professeur invité à la London School of Economics.
Le M5S, vainqueur des dernières élections législatives, en 2018, avec 32% des voix et une majorité relative au Parlement, n’a cessé depuis de dégringoler dans les intentions de vote, aujourd’hui à 10%-11%, et nombre de ses élus l’ont quitté depuis.
Sergio Mattarella rejette la démission, un nouveau vote de confiance en vue
«Il est probable que [Sergio] Mattarella n’acceptera pas sa démission et demandera à [Mario] Draghi de demander un vote de confiance la semaine prochaine» au Parlement, estime Francesco Galietti, un analyste du cabinet Policy Sonar interrogé par l’AFP. Une analyse juste, puisque le président italien a refusé en effet quelques temps après la démission de Mario Draghi dans la soirée du 14 juillet, selon un communiqué de la présidence de la République. «Le président de la République n’a pas accepté la démission du président du Conseil et l’a invité à se présenter au Parlement […] afin qu’ait lieu une évaluation de la situation» créée par la non participation d’un parti de sa coalition à un vote de confiance au Sénat, a-t-elle précisé.
Il Presidente #Mattarella ha ricevuto al #Quirinale il Presidente del Consiglio Mario #Draghi, il comunicato: pic.twitter.com/WGRQUnnOQL
— Quirinale (@Quirinale) July 14, 2022
Les législatives sont actuellement prévues en 2023 et Sergio Mattarella ne souhaiterait effectivement pas les avancer à l’automne.
A l’origine de la crise, le décret-loi sur des aides en faveur du pouvoir d’achat contient également une mesure pour faciliter la construction d’un incinérateur d’ordures à Rome, à laquelle sont opposés les M5S. «Il faut répondre au malaise social qui augmente de manière claire et décidée. Les irresponsables, ce n’est pas nous, ce sont ceux qui ne donnent pas de réponse au pays», a plaidé le 14 juillet Mariolina Castellone, chef des sénateurs du M5S, au Sénat.
La Bourse de Milan en berne
L’incertitude régnant sur l’avenir du gouvernement Draghi n’a pas manqué de causer des turbulences sur les marchés : la Bourse de Milan a chuté de plus de 3% et le coût de la dette de l’Italie est reparti à la hausse, signe de la nervosité ambiante. Le spread, le très surveillé écart entre les taux d’intérêt allemand et italien à dix ans, a atteint 218 points, en hausse de 6,08%, après être monté jusqu’à 224 points.
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