France

Emeutes après la mort de Naël : le spectre de la contagion

La mort de Näel, 17 ans, lors d’un contrôle de police, a mis le feu à Nanterre et à de nombreuses autres communes, en proie aux émeutes. Entre indignation et émotion, les appels au calme de responsables politiques seront-ils entendus ?

Les banlieues de l’Ouest parisien s’embrasent.

Dans la nuit du 27 au 28 juin, des émeutes et des affrontements avec la police ont éclaté à Nanterre (92) et dans d’autres communes, principalement de la région parisienne. Mobilier urbain et voitures brûlées, jets de pierres et nombreux tirs de mortiers d’artifice contre les forces de l’ordre, charges de police et gaz lacrymogènes pour tenter de disperser les assaillants, pompiers et journalistes agressés, la ville de Nanterre a connu un niveau de violence auquel elle n’était pas accoutumée.

L'Inspection générale de la police nationale a été saisie pour déterminer la responsabilité du policier dans la mort d'un jeune de 17 ans.

Nanterre : un jeune homme de 17 ans tué par la police après un refus d’obtempérer

Les violences ont débuté dans le quartier du Vieux Pont et le long du boulevard National, avant de s’étendre à la cité Pablo Picasso dans laquelle vivait une partie de la famille de Naël, victime d’un tir mortel de la police après un refus d’obtempérer, plus tôt dans la journée. Durant la nuit, les émeutes se sont propagées dans tout Nanterre, «du Nord au Sud et d’Est en Ouest», selon un policier présent sur place, interrogé par Le Figaro. Plusieurs bâtiments ont été incendiés durant les affrontements, notamment le centre de musique Daniel-Féry, le centre de loisir des Gavroches et l’école élémentaire Picasso, selon les constatations des forces de l’ordre.

France : émeutes à Nanterre contre la police

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a annoncé ce 28 juin «l’arrestation de 31 personnes quasiment toutes dans le périmètre de la préfecture de police» de Nanterre. Il a dénoncé les «violences urbaines» et précisé que «24 policiers et gendarmes» avaient été blessés. Les personnes arrêtées ont reçu dans la nuit la visite de plusieurs députés de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale, gauche), dont Louis Boyard et Antoine Léaument, venus s’assurer de leurs conditions de détention. 

Bâtiments en feu et affrontements avec la police

Le spectre de la contagion hante les forces de l’ordre depuis les émeutes de 2005, qui avaient vu la plupart des banlieues françaises s’embraser après la mort de deux jeunes, électrocutés en tentant d’échapper à la police. S’il est trop tôt pour constater un phénomène d’ampleur, la police a fait état de «mouvements sporadiques» à Asnières, Boulogne-Billancourt, Colombes, Suresnes, mais aussi Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) Montfermeil et Mantes-la-Jolie (Yvelines), où une mairie de quartier est partie en cendres. Des violences ont aussi été constatées dans des cités de Colmar, Bordeaux et Marseille. Que les violences urbaines se répandent, c’est ce que certains Nanterriens prédisaient, à l’exemple de Nassim, interrogé par Libération dans la nuit du 27 au 28 juin : «Bientôt, il va y avoir ceux de Gennevilliers, ceux de Bougival, ceux d’Asnières, ceux de Clichy, même ceux du 77 et du 78. Ça ne fait que commencer.»

Région parisienne : émeutes à la suite de l’incident de Nanterre 

On semble craindre – du côté des forces de l’ordre – ou espérer – parmi les émeutiers – que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. Les grandes émeutes de 2005 avaient été causées par la mort de deux jeunes gens, électrocutés dans un transformateur alors qu’ils tentaient d’échapper à un contrôle de police à Clichy-sous-Bois. Celles de Nanterre ont également pour cause un décès dans le cadre d’une intervention policière.

Le 27 juin, Naël a été tué par balles lors d’un contrôle routier à Nanterre, alors qu’il tentait de fuir en mettant en danger la vie d’un policier, selon les forces de l’ordre.

L’auteur du tir mortel en garde à vue

Agé de 17 ans, il était au volant d’une Mercedes AMG immatriculée en Pologne quand il a été arrêté par deux policiers. L’un d’eux, accoudé sur le pare-brise du véhicule, tenait en joue le conducteur. L’agent a fait feu lorsque l’individu a actionné la marche avant pour fuir.

Cette version, et notamment la légitimité du tir, est contestée par l’avocat de la famille et de nombreuses personnalités politiques et médiatiques. Yassine Bouzrou, Jennifer Cambla et Abdelmadjid Benamara, les avocats des proches de Naël, ont annoncé le 7 juin qu’ils allaient porter plainte contre l’auteur du tir mortel pour «homicide volontaire». «La plainte visera également son collègue, pour complicité d’homicide volontaire», ont ajouté les avocats.

Le policier est déjà sous le coup d’une enquête confiée à l’IGPN pour homicide volontaire par personne dépositaire de l’ordre public et a été placé en garde à vue dans la soirée du 27 juin, mesure qui a été prolongée ce 28 juin. Gérald Darmanin a précisé que Laurent Nunez, préfet de police de Paris, «prendrait des sanctions administratives si des charges devaient être retenues contre le policier à l’issue de sa garde à vue et s’il est avéré que, comme le montrent les images, ses gestes ne sont pas conformes aux instructions et à la loi de la République». Toujours le 27 juin, le préfet s’est pour sa part dit «interpellé» et «choqué» par la vidéo des faits qui circule sur les réseaux sociaux. 

Macron appelle au «respect et au calme»

Parmi les autres réactions publiques à ce drame, le comédien Omar Sy a appelé dans un tweet du 27 juin à ce «qu’une justice digne de ce nom honore la mémoire de cet enfant». Sur le même canal, le footballeur Kylian Mbappé a déclaré ce 28 juin : «J’ai mal à ma France. Une situation inacceptable. Toutes mes pensées vont pour la famille et les proches de Naël, ce petit ange parti beaucoup trop tôt.»

Le 27 juin toujours, Mathilde Panot, députée Nupes, a dénoncé dans un tweet les morts pour refus d’obtempérer. Elle a tenu à faire un «rappel au gouvernement : la peine de mort a été abolie. Le permis de tuer n’existe pas dans ce pays». De son côté, la députée Renaissance (majorité) Caroline Abadie, interrogée le même jour par LCP, a fait part de son «émotion», mais a rappelé que c’était la police qui détenait «le droit de faire usage de la force». «Quand il y a un barrage de police, on s’arrête. Point barre», a-t-elle ajouté.

Enfin, Emmanuel Macron a été interrogé ce 28 juin à la mi-journée sur les circonstances du drame dans le cadre de son déplacement à Marseille. «Un adolescent tué, c’est inexplicable et inexcusable», s’est-il indigné, appelant toutefois à la désescalade : «Il faut du calme partout parce qu’on n’a pas besoin d’avoir de l’embrasement.» Un message qu’il a martelé un peu plus tard sur Twitter. «Nous partageons l’émotion et la peine de la famille et des proches du jeune Naël. Je veux leur dire notre solidarité et l’affection de la nation», a-t-il écrit, ajoutant que «c’est à la justice d’établir la vérité et d’assigner les responsabilités. Je souhaite que son travail puisse aboutir rapidement. Dans un tel contexte, ce dont Nanterre et la nation ont besoin, c’est de respect et de calme».

Reste à voir la nuit prochaine si son appel aura été entendu ou si l’embrasement va se poursuivre.

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