Selon un rapport, l'analyse des eaux usées de 75 villes de 25 pays – 23 de l'Union européenne, Turquie et Norvège – révèle ainsi «une augmentation globale des détections» de cannabis, cocaïne, amphétamines et méthamphétamines.
«Les drogues sont de retour» en Europe : légèrement freinées en 2020 par la crise sanitaire liée au Covid-19, leurs consommation et offre ont retrouvé en 2021 leur niveau élevé d’avant pandémie, prévient un rapport publié le 14 juin qui s’alarme également de l’apparition croissante de nouvelles drogues de synthèse.
Indicateur de référence utilisé par l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies (EMCDDA), l’analyse des eaux usées de 75 villes de 25 pays (23 de l’Union européenne plus Turquie et Norvège) révèle ainsi «une augmentation globale des détections» de cannabis, cocaïne, amphétamines et méthamphétamines.
L’ecstasy (et son principe actif, la MDMA) est la seule drogue «pour laquelle les résidus ont diminué dans la majorité des villes étudiées», est-il ajouté dans le rapport. Piste d’explication privilégiée : de nombreux pays avaient maintenu fermées les boîtes de nuit, lieux de consommation privilégiés de l’ecstasy et de la MDMA, lorsque cette vaste étude a été réalisée, au printemps 2021.
Ces deux drogues sont cependant beaucoup moins répandues que le cannabis : 2,6 millions d’adultes ont déclaré en avoir consommé l’an passé, contre 22 millions (3,5 millions pour la cocaïne et deux millions pour les amphétamines et méthamphétamines). L’offre de drogues, elle, «reste élevée dans l’ensemble de l’UE» et dépasse même «les niveaux d’avant la pandémie» pour la cocaïne.
Un volume record de 213 tonnes de poudre blanche a été saisi dans l’UE en 2020, année des dernières données disponibles alors même qu’elle a été marquée par des restrictions de déplacement et fermetures de lieux festifs liées au Covid. 202 tonnes avaient été saisies en 2019. «Cet indicateur et d’autres suggèrent qu’à l’heure actuelle, rien n’indique que la tendance à la hausse de la disponibilité de cette drogue, observée ces dernières années, ait changé», selon l’Observatoire.
«Les drogues classiques n’ont jamais été aussi accessibles»
D’une manière générale, «les drogues classiques n’ont jamais été aussi accessibles et de nouvelles substances fortement dosées continuent d’apparaître», a déploré son directeur Alexis Goosdeel lors d’une conférence de presse en ligne. «Presque tout ce qui a un potentiel psychoactif risque aujourd’hui d’apparaître sur le marché» a-t-il ajouté, avec «un réel risque en termes de santé publique». En 2021, 52 nouvelles substances psychoactives (NSP) ont été signalées pour la première fois, «soit une par semaine contre deux il y a 25 ans», a précisé Alexis Goosdeel.
Parmi ces NSP, 15 nouveaux cannabinoïdes de synthèse : ces molécules produites en laboratoire, parfois très fortement dosées et toxiques, imitent l’effet planant du THC (la substance psychotrope du cannabis) et peuvent être présentes dans des e-liquids (pour les cigarettes électroniques) ou pulvérisées sur de l’herbe, parfois à l’insu des consommateurs. Le rapport 2021 de l’EMCDDA s’alarmait déjà de leur croissance. Celui de cette année pointe comme une nouvelle menace les cathinones de synthèse, dont les effets mixent grosso modo ceux de la cocaïne, MDMA/ecstasy et amphétamines.
Six nouvelles cathinones de synthèse ont été détectées. Les deux plus répandues sont la «3-MMC» et la «3-CMC», le plus souvent sniffées en poudre et ingérées. La Commission européenne a proposé mi-mars leur contrôle et les Pays-Bas ont constaté que le nombre d’empoisonnements suspectés d’impliquer la 3-MMC est passé de 10 en 2018 à 64 en 2020.
L’Europe en passe de devenir «un grand producteur de drogues, de synthèse» ?
L’EMCDDA et son directeur s’alarment par ailleurs que l’Europe devienne «un grand producteur de drogues, de synthèse notamment», tant pour le marché local que l’exportation. Plus de 350 laboratoires illégaux ont été démantelés en 2020, «dont certains sites de production à grande échelle de cocaïne, de méthamphétamine et de cathinone».
23 laboratoires de transformation de cocaïne ont été découverts, un chiffre en augmentation «qui indique que les trafiquants emploient des méthodes plus innovantes pour approvisionner le marché européen».
Traditionnellement spécialisés dans le trafic de poudre blanche, les cartels mexicains s’impliqueraient de plus en plus dans la production sur le Vieux continent de drogues de synthèse, notamment de méthamphétamine, actuellement beaucoup plus répandue en Amérique du Nord. Cependant, toujours d’après le rapport, «cette évolution présente le risque d’une plus grande disponibilité et d’une augmentation potentielle de la consommation» en Europe.
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