Alors que l'Allemagne commence à subir de plein fouet la crise énergétique, le chancelier allemand Olaf Scholz était en tournée dans le Golfe où il a signé des accords gaziers avec les Emirats arabes unis.
Après Joe Biden et Emmanuel Macron, c’est Olaf Scholz qui était en tournée dans le Golfe. Le chancelier allemand s’est rendu en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis et au Qatar. Et il n’est pas reparti les mains vides. Berlin et Abou Dhabi ont signé le 25 septembre un accord prévoyant la fourniture en 2022 et 2023 de gaz liquéfié et de diesel de ce pays du Golfe à Berlin.
Le dirigeant allemand effectue depuis le 24 septembre une tournée dans des pays du Golfe pour nouer des partenariats, dans l’espoir de remplacer les approvisionnements russes et atténuer la crise énergétique.
Le ministre émirati de l’Industrie, Sultan al-Jaber, s’est félicité d’un «nouvel accord historique» qui «renforce le partenariat énergétique en pleine expansion entre les Emirats arabes unis et l’Allemagne», selon l’agence de presse des Emirats arabes unis, Wam.
Signé le 25 septembre, l’accord prévoit l’exportation d’une cargaison de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Allemagne fin 2022, puis la fourniture de quantités supplémentaires en 2023.
La société pétrolière publique émiratie ADNOC a effectué sa toute première livraison directe de diesel à l’Allemagne en septembre, et « fournira jusqu’à 250 000 tonnes de diesel par mois en 2023», selon la même source.
Mettre fin à la dépendance au gaz russe
Alors que l’Allemagne importait 55% de son gaz de Russie au début de la guerre à l’Ukraine et plus de 30% au début de l’été, une telle dépendance vis-à-vis d’un seul fournisseur «ne nous arrivera certainement plus», a avancé le chancelier allemand le 25 septembre à Abu Dhabi.
«Nous devons faire en sorte que la production de gaz liquéfié dans le monde soit suffisamment avancée pour que la forte demande puisse être satisfaite sans avoir à nous rabattre sur les capacités de production en Russie utilisées jusqu’à présent», a-t-il précisé.
En effet, il y a urgence pour l’Allemagne. Le gazoduc Nord Stream 1 est à l’arrêt depuis près d’un mois et Yamal est désormais le seul conduit par lequel transite le gaz russe vers l’Europe, via l’Ukraine. Pour tenter de couper les ponts avec la Russie, Berlin a nationalisé le 21 septembre son géant du gaz Uniper qui fournit 40% des besoins en gaz de l’Allemagne.
Afin d’assurer la sécurité énergétique du Vieux continent «face à de nouvelles coupures de l’approvisionnement en gaz russe», les membres de l’Union européenne avaient ainsi conclu un accord inédit le 26 juillet dernier, visant à réduire la consommation de gaz de 15% par rapport à la moyenne des cinq dernières années de chaque Etat. Un mois plus tôt, le 23 juin, Berlin avait d’ores et déjà activé le niveau 2 «d’alerte» de son plan d’urgence sur l’approvisionnement en gaz, c’est-à-dire le dernier palier avant l’organisation d’un rationnement étatique, prévu dans le niveau 3.
En conséquence, le recours aux centrales à charbon dites «de réserve», qui ne servent qu’en cas d’ultime recours, est désormais autorisé. Reporter la fermeture des trois dernières centrales nucléaires du pays, sujet pourtant débattu en Allemagne, est également sur la table depuis plusieurs semaines.
Autre décision prise depuis peu par l’entreprise ferroviaire publique Deutsche Bahn: rendre prioritaire sur ses rails le transport de charbon et de pétrole sur tous les autres déplacements (dont les trains de passagers), afin d’éviter tout retard dans les chaînes d’approvisionnement.
Le contrecoup des sanctions
Malgré ces décisions, les conséquences économiques et sociales se font déjà sentir en Allemagne. En prévision d’un hiver difficile, certains secteurs très énergivores ont déjà baissé leur production, à l’instar de celui de la chimie, de l’acier ou encore des engrais. De surcroît, comme le rapporte le site d’information allemand Handelsblatt, des sociétés de cosmétiques ont choisi de réduire la variété de leurs produits et de se focaliser sur leurs articles les plus vendus.
Une première vague de faillite a de surcroît déjà touché l’économie allemande. Les franchises de boulangeries Oebel, Lila Bäcker et Hofmeister-Brot ont mis la clé sous la porte. Et ce n’est que le début d’une longue série, a prévenu l’Institut Leibniz de recherches économiques (IWH) qui table sur une augmentation de 30% des dépôts de bilan en octobre par rapport à 2021.
Dans son bulletin mensuel publié ce 19 septembre et cité par l’AFP, la Bundesbank, la Banque centrale d’Allemagne, estime que le pays est entré dans une phase de «baisse nette, généralisée et durable» de son économie dans un contexte de forte augmentation du coût de l’approvisionnement en énergie des entreprises. Dans sa note à la tonalité pessimiste, l’institution monétaire précise que les «signes de récession se multiplient» pour l’économie allemande et qu’ils sont dus pour l’essentiel aux «conditions générales de l’offre économique – en particulier l’approvisionnement énergétique – qui se sont considérablement détériorées» à la suite du conflit en Ukraine. En raison des prévisions sur le recul du Produit intérieur brut allemand pour les prochains trimestres, la Bundesbank voit donc se multiplier les signes d’une récession pour l’économie allemande.
En conséquence, des voix s’élèvent en Allemagne pour dénoncer les sanctions contre-productives de l’exécutif allemand. Sahra Wagenknecht, députée du parti de gauche Die Linke a fermement critiqué le gouvernement d’Olaf Scholz. L’élue allemande avait martelé le 8 septembre lors d’un discours au Bundestag que «l’idée que nous punissons Poutine en plongeant des millions de familles en Allemagne dans la pauvreté et que nous détruisons notre industrie alors que Gazprom fait des bénéfices records – oui, c’est vraiment stupide». Les manifestations se succèdent en Allemagne, comme les 5 et 26 septembre à Lubmin, pour réclamer l’ouverture immédiate du gazoduc Nord Stream 2.
Allemagne : à Lubmin, des milliers de personnes réclament l’ouverture de Nord Stream 2