Les députés espagnols ont voté ce 14 mars une loi d'amnistie pour les indépendantistes condamnés ou poursuivis pour la tentative de sécession avortée de la Catalogne (nord-est du pays) en 2017. Une mesure très controversée, mais vitale pour la survie du gouvernement du socialiste Pedro Sánchez.
«L’amnistie répond à un objectif, qui n’est pas de tourner la page […] mais de surmonter une étape erronée de répression judiciaire et policière d’un mouvement politique», a réagi sur X (ex-Twitter) Carles Puigdemont, qui fait figure de grand vainqueur de cette journée mémorable.
L’ancien président de la généralité de Catalogne, qui avait mené la déclaration unilatérale d’indépendance de sa région il y a près de sept ans avant de s’enfuir en Belgique pour échapper à la justice espagnole, devrait bénéficier, comme 400 autres indépendantistes, de l’amnistie.
Négociée par le Parti socialiste de Pedro Sánchez avec les deux partis indépendantistes catalans, dont le soutien lui est indispensable pour pouvoir gouverner, la mesure a été adoptée par 178 voix contre 172, sur un total de 350 députés.
«Un pas courageux»
Cette loi d’amnistie, qui accapare la vie politique espagnole depuis les élections de juillet, est la réforme la plus controversée qu’ait proposée Pedro Sánchez depuis son arrivée au pouvoir en 2018.
Elle divise les partis, le pays et même l’électorat socialiste, selon les sondages les plus récents. Le fait qu’il n’y ait pas eu la moindre abstention lors du vote reflète d’ailleurs cette polarisation extrême.
Le Premier ministre espagnol a justifié cette loi, dont il ne voulait pas il y a moins d’un an, par la nécessité de la «réconciliation» après le long blocage provoqué par la tentative de sécession de la Catalogne, qui culmina avec la crise de 2017, la pire qu’ait connue l’Espagne depuis l’avènement de la démocratie il y a près d’un demi-siècle.
C’est «un pas courageux et nécessaire vers les retrouvailles» avec la Catalogne, s’est félicité Pedro Sánchez sur X. «Avec l’approbation de la loi d’amnistie, nous ouvrons une période nouvelle de vivre ensemble et de prospérité en Catalogne», a-t-il ajouté.
Le vote est pour lui un succès, ou en tout cas un soulagement, car l’amnistie était la contrepartie exigée par les deux partis indépendantistes catalans – Ensemble pour la Catalogne, celui de Carles Puigdemont, et Gauche républicaine de Catalogne (ERC), plus modéré – en échange de leur soutien à Pedro Sánchez.
De fait, sans les 14 députés catalans (sept pour chacun des deux partis), le Premier ministre, qui n’a pas de majorité au Parlement, n’aurait pas pu être reconduit au pouvoir en novembre pour quatre ans de plus et ne pourrait pas y rester.
Pour cette raison, la vision qu’a l’opposition de droite de la situation est bien différente. Là où le gouvernement parle de «réconciliation», la droite voit un cas manifeste de «corruption» sous forme d’un «achat de voix» dans le seul but de s’accrocher désespérément au pouvoir.
«Soumission»
Dans une allocution avant le vote, le chef de la principale formation de droite, le Parti populaire, Alberto Núñez Feijóo, a dénoncé «une absence absolue de scrupules et de convictions» de la part de Pedro Sánchez.
«Cette loi va être approuvée parce que c’est l’unique moyen qu’a Monsieur Sánchez de rester encore un peu président du gouvernement», a-t-il poursuivi, y voyant «la soumission» aux indépendantistes, et surtout au premier d’entre eux. Pedro Sánchez «restera au pouvoir si Puigdemont le veut, et seulement si Puigdemont le veut», a-t-il encore déclaré.
Il a aussi amèrement reproché au Premier ministre, qui est arrivé dans l’hémicycle juste avant le vote, de ne pas avoir assisté à la session et de ne pas avoir pris la parole pour défendre la loi, y voyant la preuve de sa gêne.
Dans la pratique, il faudra encore du temps avant que la loi ne soit promulguée. Le texte devrait être transmis dès le 15 mars au Sénat, contrôlé par la droite, qui fera tout pour retarder le plus possible son examen.
Mais l’issue ne fait aucun doute : dans un délai maximum de deux mois, le texte reviendra à la chambre basse pour son approbation définitive, qui pourrait donc se produire fin mai ou début juin.
Anticipant le résultat du vote, Carles Puigdemont, tout sourire, avait indiqué dès le soir du 13 mars qu’il était «assez raisonnable» de penser qu’il pourrait participer à l’investiture du prochain président catalan issu des élections régionales du 12 mai. Il n’a pas caché qu’il songeait à se porter candidat à ce poste.
Colère des agriculteurs : des heurts signalés avec la police à Madrid