Drogue, prostitution et pots-de-vin : une sombre affaire de corruption impliquant des élus socialistes suscite l'embarras au sein de la formation du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, à l'aube d'une année électorale mal engagée pour la gauche.
Un pactole de 60 000 euros caché dans des boîtes à chaussures par un général de la Garde civile (gendarmerie) à la retraite, une soirée dans une maison close madrilène, des nuits dans un hôtel de luxe alimentées en cocaïne et en viagra avec des prostituées choisies sur catalogue : depuis fin février, l’Espagne vit au rythme des révélations de la presse, photos et vidéos à l’appui, sur ce scandale baptisé «Mediador».
L’affaire implique des hommes d’affaires mais aussi et surtout des élus du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de Pedro Sanchez. Au cœur de l’enquête figure Juan Bernardo Fuentes, alias «Tito Berni», député socialiste de l’archipel des Canaries poussé à la démission par son parti après son placement en garde à vue le 14 février aux côtés de son neveu ou de neuf chefs d’entreprise.
Selon un document judiciaire consulté par l’AFP, cet élu de 60 ans aurait rendu service à des entreprises souhaitant remporter des marchés publics, obtenir des subventions européennes ou éviter des inspections sanitaires durant la crise du Covid-19, en échange de «contreparties» financières.
Virements de 5 000 euros
Pour bénéficier de cet appui, la «première étape» consistait à effectuer un virement bancaire de 5 000 euros à une association sportive présidée par l’élu via un homme d’affaires canarien, Antonio Navarro – dont le pseudonyme («El mediador», le médiateur) a donné son nom à l’affaire.
En échange de paiements supplémentaires, de l’ordre de 3 000 à 3 500 euros, des visites VIP de la Chambre des députés étaient organisées, ainsi que des soirées dans des boîtes de nuit et dans un hôtel quatre étoiles, précise le document judiciaire.
Selon Antonio Navarro, qui a donné plusieurs interviews à des médias espagnols ces derniers jours, un dîner aurait également été organisé à Madrid avec 15 députés socialistes en pleine pandémie, malgré les restrictions sanitaires en vigueur.
Ces révélations ont suscité un embarras profond au sein du Parti socialiste, soucieux de circonscrire l’incendie à moins de trois mois des élections municipales et régionales du 28 mai et à neuf mois seulement du scrutin législatif prévu fin 2023.
«C’est un comportement répugnant», a lancé en fin de semaine dernière Felix Bolanos, ministre de la Présidence et bras droit de Pedro Sanchez, arrivé au pouvoir en 2018 à la faveur d’une motion de censure contre le précédent gouvernement conservateur ébranlé par un méga-scandale de corruption.
«Je trouve ça incroyable, […] personnellement ça me dégoûte», a abondé le ministre de l’Agriculture Luis Planas, autre poids lourd du Parti socialiste qui a fait de la lutte contre la prostitution l’un de ses chevaux de bataille et a déposé l’an dernier une proposition de loi pour pénaliser les clients.
«Minable et honteux»
Le PSOE se défend en rappelant qu’il a «exclu» immédiatement Juan Bernardo Fuentes. Le parti applique la «tolérance zéro» vis-à-vis de la corruption, a affirmé le président du groupe parlementaire socialiste à la Chambre des députés, Patxi Lopez.
Pas de quoi cependant calmer les critiques du Parti populaire (PP), qui a réclamé – avec Vox – la création d’une commission d’enquête parlementaire pour «établir les responsabilités politiques» dans l’affaire Mediador.
«C’est tellement grossier, tellement minable, tellement honteux et cela nuit tellement à la politique et aux institutions, qu’on ne peut pas continuer comme ça», a justifié le président du PP, Alberto Nunez Feijoo, qui accuse le PSOE de ne pas «fournir toutes les informations dont il dispose».
Avec cette affaire, le gouvernement «a perdu la confiance du peuple espagnol», a insisté le chef de file des conservateurs qui exigent l’organisation, dès le mois de mai, de législatives anticipées dont ils sont donnés gagnants par les sondages.
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