Le Parlement helvète a entériné l’achat des chasseurs F-35A. Alors qu’une votation populaire devait être organisée, celle-ci n’aura pas lieu avant la signature du contrat avec les Américains, attendue «dans les semaines qui viennent».
C’est acté : la Suisse achètera bien des F-35A américains. Après le Conseil des Etats, le Conseil national (Parlement suisse) a donné le 15 septembre, à 128 voix contre 67, son feu vert à l’acquisition du chasseur américain de 5e génération. La signature pourrait même avoir lieu «dans les semaines qui viennent», a annoncé dans la foulée du vote Viola Amherd, la conseillère fédérale chargée de la Défense (DDPS).
Il faut dire que le temps presse pour les autorités : depuis l’annonce du choix du F-35 fin juin 2021, pour la coquette somme de 6,035 milliards de francs, l’opposition de gauche est vent debout. Aux antimilitaristes du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) s’étaient ralliés le Parti socialiste (PS) et les Vert.e.s qui ont lancé l’initiative populaire «Stop F-35» pour faire dérailler l’acquisition de cette «Ferrari des airs».
Face aux critiques, notamment pour avoir opté pour un appareil tout sauf souverain, onéreux à terme et inadapté aux missions de police du ciel de l’armée de l’air suisse, la cheffe du DDPS n’a cessé de défendre la sélection de cet appareil, et cela de manière plus ou moins détournée, comme lorsqu’en mars dernier, à la suite du lancement de l’opération russe en Ukraine, la conseillère fédérale avait appelé les opposants au F-35 à retirer leur initiative de blocage. «On voit combien il est important de pouvoir se défendre», avait notamment justifié Viola Amherd.
Cette dernière a d’ailleurs, sans surprise, renvoyé aux calendes grecques toute votation populaire sur le sujet. Dès l’annonce du choix du Conseil fédéral pour le F-35, le directeur général de l’armement (Armasuisse) avait annoncé que le contrat serait signé «dès que le Parlement aura approuvé la proposition». Un déni de démocratie aux yeux des opposants au F-35. Ces derniers avaient déposé, mi-août, des cartons réunissant plus de 100 000 signatures sur le parvis de la chancellerie fédérale à Berne. Si le succès de cette initiative populaire était pressenti, celui-ci survient six mois avant la fin du délai imparti.
La tenue d’un référendum avant la signature irréalisable ?
Malgré cette avance, l’organisation d’un référendum avant la signature du contrat n’est «pas réalisable», selon Viola Amherd. L’offre américaine expirant le 31 mars 2023, l’alliance de gauche estime toutefois un vote possible d’ici le 12 mars. Trop court pour que la Suisse puisse respecter son «devoir de diligence», avait estimé le DDPS.
Selon les services de Viola Amherd, le Conseil fédéral et le Conseil national «ne pourraient donc pas traiter l’initiative avec le soin nécessaire». Par ailleurs, accélérer la procédure administrative ou encore suspendre la procédure d’acquisition des chasseurs aurait créé un précédent, selon le DDPS. Résultat : la votation populaire aura lieu… après la signature du contrat.
Il faut dire que si ce contrat est aujourd’hui sur la table, c’est en partie suite à une précédente votation populaire. En mai 2014, les Suisses avaient rejeté à 53,4% l’achat du JAS-39 E/F «Gripen», appareil qui, comme aujourd’hui le F-35, devait remplacer les F/A-18 Hornet et les F-5 Tiger II des forces aériennes helvètes. A l’époque, le Conseil fédéral défendait son choix, arguant que le chasseur suédois était le meilleur appareil en matière de police du ciel.
Les partisans du F-35 ont-ils tout anticipé ?
Mais la presse n’avait pas aidé, en exhumant deux rapports de l’armée de l’air suisse. Ceux-ci montraient que non seulement l’appareil suédois n’avait pas atteint «le seuil minimal de capacités attendues» en matière de police aérienne, mais qu’il s’avérait également être le moins performant des appareils en lice — dont le Rafale, qui était arrivé en tête.
Du côté des partisans du F-35, on semble avoir anticipé les tentatives de barrage. Ces derniers ne se contentent pas de défendre le saut technologique que représente l’appareil de Lockheed-Martin, ils mettent également en avant une éventuelle lassitude des Helvètes de se rendre aux urnes pour des questions d’avions, comme l’estimait le rédacteur en chef de la Revue militaire suisse, Alexandre Vautravers.
Celui-ci estimait également… que le temps des procédures et des possibles recours jouait en faveur du F-35. En effet, la livraison à Berne du premier chasseur américain n’est pas attendue avant 2027, date à laquelle le fleuron de Dassault et les autres appareils de 4e génération s’avanceront vers leurs vieux jours.
Maxime Perrotin
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