Economie

Fissures dans ses réacteurs : quand EDF tombe de Charybde en Scylla

Toujours en proie à un problème de corrosion qui lui a couté 32 milliards d’euros, EDF à découvert de nouvelles fissures – bien plus importantes – sur les circuits de secours de plusieurs réacteurs. Un nouveau coup dur pour l’énergéticien tricolore.

La production électrique française est-elle à nouveau sur la sellette ?

La centrale nucléaire de Saint-Vulbas dans l'Ain (image d'illustration).

En 2022, la France a produit son plus bas niveau d’électricité depuis 30 ans

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a annoncé le 9 mars qu’EDF avait détecté «la présence de fissures de fatigue thermique» sur la tuyauterie de secours du second réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime) ainsi que sur celle du réacteur 3 de la centrale de Cattenom (Moselle). Ces découvertes surviennent deux semaines après que l’énergéticien a rapporté celle d’un problème similaire sur la tuyauterie du premier réacteur de Penly.

Dans sa note, datée du 24 février, l’entreprise publique évoquait elle-même un «défaut significatif». En l’occurrence, une fissure qui «s’étend sur 155 mm, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et une profondeur maximale de 23 mm» pour une épaisseur de tuyauterie de 27 mm, avait détaillé l’ASN. «Il ne reste que 4 millimètres avant que cela ne lâche. EDF ne peut donc plus garantir l’intégrité de sa tuyauterie, c’est-à-dire le fait que ça ne va pas fuir», avait insisté sans ambages, auprès de l’AFP, Karine Herviou, la directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

«Il y a eu une approche qui n’est pas acceptable»

Les fissures découvertes à Penly 2 et Cattenom 3 sont respectivement longues de 57 et 165mm, pour des profondeurs de 12 et 4 mm. On est loin des microfissures, de l’ordre de quelques millimètres, provoquées par un phénomène de corrosion découvert fortuitement à l’automne 2021 et qui a depuis paralysé plusieurs centrales nucléaires françaises.

Centrale nucléaire de Tricastin, dans le Vaucluse, le 10 octobre 2017 (photo d’illustration).

Nucléaire : EDF contraint de revoir à la baisse son estimation de production pour 2022

Lors de la découverte de la fissure sur la tuyauterie de Penly 1, EDF avait avancé l’hypothèse qu’elle aurait pu être provoquées par une «double réparation» lors de la construction du réacteur dans les années 1980. Une réparation qui visait à «réaligner» ces conduites où circule une eau à 150 bars. «Il y a eu une approche qui n’est pas acceptable, qui a consisté un peu à forcer les tuyauteries pour les aligner pour les souder, et il y a eu sur cette soudure des défauts qui ont conduit à une deuxième réparation», a expliqué le 8 mars au Sénat Bernard Doroszczuk, le président de l’ASN.

«[Si] la détection de ce défaut est en soi la démonstration que le process de détection et de recherche fonctionne», a salué ce 10 mars le député LR du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger, un impact sur la production électrique semble inévitable. Ne serait-ce parce que la découverte de ces nouvelles fissures proroge le redémarrage des réacteurs de Penly, arrêtés depuis des mois, et va également déclencher une série de contrôles sur les installations similaires. Or, ces phénomènes n’affectent pour l’heure que les réacteurs les plus récents et les plus puissants du parc français.

«Le défi industriel le plus grave» de l’histoire d’EDF

Un parc toujours en convalescence, après une annus horribilis 2022, marquée par des problèmes de microfissures provoquées par un phénomène de corrosion. Fin octobre, l’entreprise publique avait évalué l’impact financier de la baisse de sa production électrique dû à ce défaut de «corrosion sous contrainte » à… 32 milliards d’euros. Un phénomène dépeint le 7 mars comme «le défi industriel le plus grave» de l’histoire d’EDF, selon son nouveau patron Luc Rémont, à l’occasion de la conférence annuelle d’Euronext.

En effet, alors que les cours de l’énergie s’envolaient, EDF a dû racheter au prix fort sur les marchés l’électricité des réacteurs mis à l’arrêt qui avait été vendue à l’avance à ses clients. A cela s’est ajouté le rachat par l’électricien – toujours au prix fort – d’une autre partie de sa production afin d’assurer ses obligations de revente à prix coutant d’une partie de sa production d’origine nucléaire à ses concurrents. Or, toujours en 2022, le gouvernement a rehaussé de 20% ce volume d’électricité cédée par EDF à ses concurrents, afin de dissuader ces derniers de s’approvisionner sur des marchés devenus hors de contrôle.

Sans surprise, EDF a publié l’an passé les pires résultats de son histoire, enregistrant un déficit record de 17,9 milliards d’euros, au moment même où la plupart des énergéticiens enregistrent des profits sans précédent.

18 milliards de pertes en 2022 et 64,5 milliards de dette : EDF au bord du gouffre

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