Dans un ouvrage paru le 4 octobre, l’ancien secrétaire général de l’Elysée sous François Hollande, Jean-Pierre Jouyet, s’attaque au système bureaucratique français dans lequel il a travaillé toute sa vie.
«Moi aussi, j’ai péché». Dans un ouvrage au vitriol, Jean-Pierre Jouyet, qui a côtoyé le sommet de l’Etat durant deux décennies, délivre une critique acerbe des lourdeurs de l’administration française et de l’immobilisme du monde politique parisien qui accablent ses compatriotes.
Dès le début de cet ouvrage, intitulé Est-ce bien nécessaire monsieur le ministre ? (Ed. Albin Michel, 2023), le haut fonctionnaire fait son mea culpa, admettant avoir longtemps minimisé «l’importance de la bureaucratie et son rôle souvent néfaste pour la bonne marche du pays».
Une bureaucratie «souvent néfaste»
«Pour dire toute la vérité, je n’ai jamais eu à la subir», explique-t-il. «Je disposais de collaborateurs capables de m’aider à accomplir toutes les formalités, voire m’en décharger totalement.»
Ce réquisitoire contre les lourdeurs de l’appareil d’Etat français n’aurait pas une valeur critique de premier ordre si l’auteur n’était pas un pur produit de la République française. Issu de la promotion Voltaire de l’ENA, la même que François Hollande, dont il fut d’ailleurs le secrétaire général de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet avait également travaillé auprès de Lionel Jospin lorsque ce dernier était Premier ministre. Seul accroc à son parcours auprès des socialistes, avoir accepté d’être le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes de François Fillon.
Des chefs d’Etat sur le banc des accusés
Il finira sa carrière dans la fonction publique en tant qu’ambassadeur de France au Royaume-Uni et représentant permanent de la France auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avant de partir chez Lysios, un lobby spécialisé en affaires publiques.
Qu’il s’agisse de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy, de François Hollande ou d’Emmanuel Macron, l’auteur estime n’avoir «jamais senti chez eux le moindre intérêt» pour la réforme de l’Etat. «La réforme, aux yeux de l’écrasante majorité des responsables politiques, ce n’est pas un travail de fond, mais une manière de communiquer au gré de l’actualité», assure-t-il. Une pique d’autant plus percutante que l’actuel président Emmanuel Macron présentait son projet de réforme de la Constitution le jour de la sortie du livre du haut fonctionnaire.
Les millefeuilles français et européen
Celui-ci pointe du doigt une «décentralisation inachevée» à ses yeux responsable d’une «superposition de structures» qui «suscite complexité et incompréhension pour les citoyens». Le haut fonctionnaire égratigne au passage l’Union européenne, dont il a toujours été un grand défenseur.
Du temps où il exerçait la fonction de secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet a ainsi découvert, à la faveur de la présidence française de l’Union européenne, qu’il existait de multiples instances très proches les unes des autres.
Il souligne ainsi que la direction des Affaires européennes du Quai d’Orsay est distincte du secrétariat général des Affaires européennes qui, bien que se trouvant à Matignon, dépend en réalité de Bercy. Deux structures qui s’ajoutent à la représentation permanente de la France à Bruxelles, qui elle-même se réclame «indépendante des deux premières pour ne dépendre que du président de la République et du ministère des Affaires étrangères», relate le haut fonctionnaire.
En dépit de ses multiples déceptions, Jean-Pierre Jouyet retient néanmoins une réussite, à ses yeux : la monnaie unique européenne, qu’il dépeint comme une «grande réforme réussie».