La Finlande, qui avait fermé sa frontière avec la Russie en raison d'un afflux de migrants, a annoncé ce 12 décembre va rouvrir deux points de passage. Helsinki a aussi été épinglée par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, inquiète du respect des droits des migrants. Moscou avait dénoncé la «russophobie» de la Finlande.
Les autorités finlandaises vont partiellement rouvrir la frontière avec la Russie voisine, a annoncé ce 12 décembre le Premier ministre. «Le gouvernement a décidé aujourd’hui de maintenir la frontière orientale fermée, à l’exception de deux postes-frontières», en l’occurrence ceux de Vaalimaa et de Niirala, tous deux au sud, a déclaré en conférence de presse Petteri Orpo. Ces deux points de passage seront de nouveau opérationnels à partir du 14 décembre, et ce jusqu’au 14 janvier 2024.
Mi-novembre, le gouvernement finlandais avait annoncé la fermeture jusqu’au 18 février 2024 de quatre de ses huit postes-frontière avec la Russie. L’exécutif avait justifié cette décision par une augmentation au cours des «derniers mois» du nombre de migrants originaires du Proche-Orient et d’Afrique, un afflux dont Helsinki tient la Russie pour responsable.
Quelques jours plus tard, Petteri Orpo annonçait la fermeture de nouveaux postes-frontière jusqu’au 23 décembre, ne laissant ouvert que celui de Raja-Jooseppi, le plus au nord du pays. Poste-frontière dont la fermeture, jusqu’au 13 décembre, avait finalement été annoncée fin novembre.
Moscou avait dénoncé une mesure «irrationnelle»
Cette décision des autorités finlandaise, de totalement fermer la frontière avec la Russie, avait été qualifiée d’«irrationnelle» par le vice-ministre russe des Affaires étrangères Alexandre Grouchko, le 29 novembre. La Russie avait démenti toute action délibérée dans l’afflux de migrants à sa frontière avec la Finlande.
«Les autorités finlandaises commencent à trouver des excuses maladroites, réactivant ainsi les sentiments russophobes», avait déclaré le 22 novembre, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. Le Kremlin, également par la voix de son porte-parole Dmitri Peskov, avait dès le 20 novembre et les premières fermetures exprimé son «profond regret» et fustigé les positions «exclusivement russophobes» d’Helsinki qui, à ses yeux, avaient supplanté les «très bonnes relations de longue date» et «pragmatiques» entretenues par les deux voisins.
«Le gouvernement fermera à nouveau toute la frontière […] si la migration instrumentalisée se poursuit», a précisé ce 12 décembre le ministère de l’Intérieur finlandais dans son communiqué.
Si cette fermeture totale de la frontière russo-finlandaise avait provoqué l’indignation à Moscou, elle a également suscité l’inquiétude du côté du Conseil de l’Europe. Dans une lettre adressée le 11 décembre au ministère finlandais de l’Intérieur, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, fait part de son appréhension quant aux conséquences que cette décision d’Helsinki pourrait avoir sur les «droits de l’homme des réfugiés, demandeurs d’asile et migrants» à l’approche de l’hiver.
Respect des droits de l’homme : inquiétudes au Conseil de l’Europe
Si elle souligne que «toute instrumentalisation des mouvements migratoires par d’autres États doit être condamnée», Dunja Mijatović estime «crucial» que les État membres du Conseil de l’Europe, «même lorsqu’ils font face à des situations difficiles à leurs frontières, réagissent d’une manière qui s’aligne pleinement sur leurs obligations en matière de droits de l’homme».
Lors de l’annonce de la fermeture du dernier point passage, un communiqué du gouvernement avait précisé que les demandeurs d’asile devraient dès lors demander une protection «aux points de passage frontaliers ouverts pour le trafic aérien et maritime», c’est-à-dire les ports et aéroports.
«La fermeture totale de la frontière terrestre orientale soulève des inquiétudes quant à l’accès réel et effectif aux moyens d’entrée légaux pour demander l’asile», écrit cette défenseuse bosniaque des droits de l’homme, brandissant notamment la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). «Je crains que cette mesure n’entraîne des violations du principe de non-refoulement et de l’interdiction de l’expulsion collective», ajoute-t-elle.
Créé en 1949, le Conseil de l’Europe regroupe une quarantaine de pays et est notamment connu pour son bras juridique : la CEDH. La Russie entretient une relation houleuse avec cette organisation intergouvernementale siégeant à Strasbourg. Acceptée en son sein qu’au milieu des années 90, la Russie s’était vue privée de droit de vote entre 2014 et 2019, suite au rattachement de la Crimée. Sous le coup d’une procédure d’expulsion, en raison de son offensive en Ukraine, la Russie avait pris les devants en claquant la porte de l’organisation en mars 2022.
Quant aux relations entre la Finlande et la Russie, qui partagent une frontière de plus de 1 300 kilomètres, celles-ci se sont dégradées depuis l’intégration du royaume scandinave dans l’OTAN en avril 2023. Adhésion au bloc militaire piloté par Washington, à laquelle s’étaient ajoutées des révélations de la presse concernant des négociations, directement entre la Finlande et les Etats-Unis et Washington, sur un accord de défense.
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